Sénateurs français au Sahara occidental: pourquoi l’Algérie est en crise de nerfs

Lors de la visite du président du Sénat français, Gérard Larcher, à Laâyoune, le 24 février 2025, accompagné d’une délégation sénatoriale. (H.Yara/Le360)

Le régime algérien, toujours prompt à proclamer sa neutralité sur la question du Sahara occidental, vient une nouvelle fois de démontrer son hypocrisie éhontée. La dernière crise de nerfs d’Alger? Une visite de sénateurs français à Laâyoune, conduite par le président du Sénat, Gérard Larcher. Comme à son habitude, le pouvoir militaro-policier algérien a réagi en hurlant au scandale, annonçant la suspension de ses relations avec la Chambre haute française. Mais au fait, de quoi se mêle-t-il? Sur le site du Sénat, la partie française met les points sur les «i».

Le 01/03/2025 à 09h30

Alors qu’il se dit officiellement extérieur au conflit sur le Sahara occidental et s’autoqualifie de simple «observateur inquiet» de l’évolution du dossier, le régime algérien refait des siennes en activant de nouveau sa machine à indignation.

Après la visite à Laâyoune d’une délégation sénatoriale française, conduite par le président du Sénat, Gérard Larcher, le voisin n’a pas pu s’empêcher de réagir. Présidé par le décidément increvable Salah Goudjil, 94 ans, le Conseil de la Nation algérien (équivalent du Sénat) est monté sur ses grands chevaux en annonçant, mercredi 26 février, la suspension de ses relations avec son homologue français.

Énième colère algérienne

Nous sommes au lendemain du déplacement historique dans les provinces du Sud de Gérard Larcher, troisième personnage de l’État français dans l’ordre de préséance, après le président de la République -dont il assure l’intérim le cas échéant, et le Premier ministre, et avant le président de l’Assemblée nationale, la Chambre basse du Parlement. Motif de cette énième colère algérienne: protester contre une «visite irresponsable, provocatrice et ostentatoire».

La mesure est «immédiate» et comprend également le gel du protocole de coopération parlementaire signé le 8 septembre 2015. Dans un communiqué, le déplacement est ainsi qualifié de «dérive d’une extrême gravité, reflétant la montée de l’extrême droite française et sa domination sur la scène politique». L’argument a de quoi faire sourire: depuis quand un régime qui muselle toute opposition et criminalise la liberté d’expression s’alarme-t-il des «dérives politiques» d’un autre pays?

Le tout est de savoir pourquoi une initiative diplomatique, qui ne concerne que les deux pays souverains que sont le Maroc et la France -Paris ayant consolidé son appui à la marocanité du Sahara, irrite autant un État qui se veut neutre sur la question? La réponse, c’est le site Internet du Sénat français, Public Sénat, qui l’apporte dans un article dédié.

Cette visite de la délégation du Sénat venait «incarner la position de la République française sur le dossier du Sahara occidental», comme l’a rappelé Gérard Larcher sur le réseau social X.

Mais elle ne tient nullement compte de la phase tendue, et c’est peu dire, que traversent les relations entre Paris et Alger, notamment à la lumière de l’ultimatum fixé par la France à son ancienne colonie. Alger a le choix entre reprendre ses citoyens indésirables dans l’Hexagone et libérer l’écrivain Boualem Sansal, âgé de 80 ans et gravement malade, ou de se voir retirer le tapis bien confortable des accords migratoires entre les deux pays, favorables à l’Algérie et volontiers dévoyés par le régime, qui en a fait une rente.

Comme le rappelle Christian Cambon, sénateur du parti Les Républicains (LR) qui a fait partie de cette délégation, ce voyage était prévu de longue date et n’avait rien d’une provocation. «Vous vous doutez bien qu’un voyage comme celui-ci ne se prépare pas en une semaine. Il était d’ailleurs prévu que nous nous rendions au Maroc cet été. La dissolution nous a amenés à décaler. Il ne s’agissait pas pour nous de faire de la surenchère. Lors de ses nombreux entretiens, Gérard Larcher n’a eu aucune parole hostile vis-à-vis de l’Algérie. Ce n’était pas l’objectif de notre visite. Mais la France est un pays souverain dont les choix doivent être respectés», a-t-il précisé.

«Des relations au point mort»

Surtout, il insiste sur un fait clé: «En réalité, les relations entre le Sénat français et le Sénat algérien sont au point mort depuis déjà un certain temps». Autrement dit, la suspension annoncée par une des principales sentinelles du pouvoir algérien n’est qu’un coup d’épée dans l’eau, une gesticulation politique sans conséquence réelle.

«On peut, en effet, dater les derniers échanges significatifs entre les deux chambres hautes au 14 juin 2019, à l’occasion de la 20ème réunion des Sénats d’Europe. Salah Goudjil, le président du Conseil de la Nation, avait d’ailleurs été le premier intervenant à prendre la parole à la tribune de l’hémicycle du Palais du Luxembourg», écrit pour sa part Public Sénat.

Le fin mot de l’histoire, c’est la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio qui l’apporte en expliquant que la question du Sahara occidental «n’est qu’un prétexte utilisé par les Algériens pour humilier la France». En réalité, le véritable enjeu du psychodrame est ailleurs: Alger tente de masquer ses propres faiblesses en s’inventant des ennemis extérieurs.

La question des relations franco-algériennes sera à l’agenda du Sénat, mardi 4 mars, lors d’un débat sur l’accord migratoire de 1968, indique Public Sénat. En attendant, faut-il souligner que la réaction algérienne est pour le moins anachronique, le pouvoir se lavant les mains depuis un demi-siècle de toute implication dans le conflit et refusant de prendre part au processus onusien de règlement de cette question, notamment en opposant son niet à toute participation aux tables rondes organisées par l’ONU?

En définitive, cette colère algérienne est aussi prévisible que vide de sens. Elle confirme une chose: loin d’être une simple question diplomatique, le Sahara occidental est la véritable obsession d’un régime algérien qui ne sait plus comment exister sur la scène internationale autrement qu’en s’opposant au Maroc. La question du Sahara serait-elle ainsi la première cause nationale, mais inavouée, du régime d’Alger? La réponse est dans la question.

Par Tarik Qattab
Le 01/03/2025 à 09h30