On l’appelle le «Boss», un malien de 34 ans, corpulent et tatoué. D’après les enquêteurs espagnols, c’est lui qui dirige les réseaux de l’émigration clandestine depuis la ville algérienne de Maghnia, à une dizaine de kilomètres des frontières marocaines. Il vit dans une ferme près de cette ville frontalière. Il est à la tête des réseaux de trafic des êtres humains qui organisent l’arrivée des migrants clandestins depuis le Soudan jusqu’à leur installation provisoire dans les montagnes proches de Nador, sur un trajet de 5.000 km, avant de lancer les assauts contre la clôture de Melilia, comme cela s’est passé le vendredi 24 juillet.
Ce sont les éléments de l’enquête menée par les Espagnols et qui ont été publiés par l’Agence publique EFE et repris par le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans son édition du lundi 4 juillet. Ces informations auxquelles sont parvenus les enquêteurs espagnols confirment les résultats de l’enquête menée, du côté marocain, par les services de la police judiciaire, relève le quotidien. Suite au drame du vendredi 24 juin, les migrants interrogés ont affirmé qu’ils venaient, en effet, du Soudan et qu’ils sont passés par la Libye, puis par le territoire algérien avant de franchir les frontières pour entrer clandestinement au Maroc. La majorité des 65 migrants déférés devant la justice au lendemain de ces événements est d’ailleurs originaire du Soudan, relève le quotidien.
L’enquête menée par des Espagnols confirme également les conclusions auxquelles sont parvenus les services de la police judiciaire. Les migrants qui ont pu franchir la clôture de Melilia ont révélé qu’à leur arrivée dans les montagnes environnante de Nador, ils ont commencé par s’installer et puis s’organiser, en attendant le feu vert pour mener l’assaut contre la clôture. Ils sont organisés dans une structure hiérarchisée avec un «chef supérieur», affirment les enquêteurs espagnols, et sont divisés en plusieurs sous-groupes commandés par une dizaine de patrons.
Pour rallier le Maroc depuis leur Soudan natal, les migrants empruntent deux chemins, soit en traversant la Libye et le territoire algérien, pour arriver aux frontières maroco-algériennes ou alors en passant par le Tchad, le Niger, le Mali et l’Algérie. Dans le premier cas, note Al Ahdath Al Maghrebia toujours en reprenant l’enquête menée par les Espagnols, les migrants doivent débourser entre 50 et 70 euros pour traverser les frontières entre le Soudan et la Libye et entre 300 et 500 euros pour pouvoir entrer dans le territoire algérien. Ils restent ensuite plusieurs semaines en Algérie en attendant le moment opportun pour traverser les frontières avec le Maroc, en groupes de 30 à 40 personnes.
Les enquêteurs ont pu interroger un ressortissant tchadien et un autre soudanais qui ont confirmé qu’ils sont passés par des sortes de «tunnels» pour traverser la frontière. Beaucoup parmi les migrants interrogés affirment que les communications avec les membres du réseau, notamment le «Boss», se font à travers les applications de messagerie instantanée et des «groupes fermés» sur Facebook. C’est ainsi que se décide depuis l’Algérie quand et comment mener l’assaut contre la clôture de Melilia.
Après la traversée des frontières, ils sont pris en charge par deux membres du réseau, un Marocain et un Soudanais. Ils sont ensuite transférés depuis Oujda vers la forêt de Nador où d’autres membres du réseau, dont certains cagoulés pour ne pas être identifiés, les installent et commencent à leur apprendre comment fabriquer des armes pour attaquer les forces de l’ordre et des outils pour pouvoir escalader la clôture. Une chaîne de télévision espagnole a d’ailleurs montré, lors d’une récente émission, conclut le quotidien, une panoplie d’armes qu’ont été utilisées les migrants pour attaquer les forces de l’ordre.