Le séisme d’Al Haouz. Une catastrophe naturelle, une tragédie aussi, mais quelle démonstration de solidarité! Comme un seul homme, le peuple marocain a réagi dans un bel élan pour prêter aide et assistance aux 300.000 sinistrés, dont 100.000 enfants. Le peuple, dit-on, qui prend en charge et assume de faire face; le peuple comme communauté nationale mesurant que c’est le destin collectif qui est en jeu. Ce qui a été décidé et entrepris par la gouvernance royale est exemplaire: un cas d’école de management, avec ses déclinaisons dans les programmes et les politiques publiques à mettre en œuvre.
Le plan de reconstruction arrêté par SM le Roi est d’une grande ambition: son budget est de 120 milliards de dirhams sur cinq ans, soit environ 9% du PIB national, qui est de l’ordre de 140 milliards de dollars US. Le cap est là, l’élan doit être soutenu. En même temps, une nouvelle stratégie de développement territorial est désormais priorisée. Elle va être le référentiel d’un modèle devant imprimer sa marque dans la région d’Al Haouz et remodeler, suivant des conditions spécifiques, tout le maillage des territoires et des régions.
Les acquis engrangés sont importants et précieux: le volontarisme du Roi, grand timonier, la mobilisation et la solidarité de l’ensemble des Marocains, et l’exceptionnelle contribution du réseau associatif en première ligne avec d’autres acteurs publics -Forces armées royales, DGSN, Protection civile, autorités locales, départements ministériels et corps et corporations privés (médecins, infirmiers, architectes, ingénieurs, sismologues, bureaux d’études...). Que manque-t-il donc dans ce large spectre? Les partis politiques! Non pas que leurs dirigeants n’aient pas exprimé publiquement leur solidarité avec les familles des victimes; mais il s’agit en l’occurrence d’autre chose: leurs insuffisances, voire leurs carences dans leurs fonctions constitutionnelles de représentation et d’encadrement des citoyens, et d’agrégation de leurs besoins, attentes et aspirations.
L’interpellation des formations partisanes est double. À un premier niveau d’analyse, leur implantation territoriale est marginale parmi les habitants des régions montagneuses dans les quelque 300.000 km2 que représentent ces territoires, soit 42 % de la superficie totale du Royaume: cela pose problème.
C’est qu’en effet, si les habitants dans le monde rural votent comme ceux du monde urbain, leur choix dans les urnes est davantage sociologique et culturel: il est familial, local, tribal. Les étiquettes partisanes ne sont pas décisives: tant s’en faut. Le candidat est choisi pour ce qu’il est, autrement dit par rapport à son «statut». Combien de parachutés venant des villes ont subi d’écrasantes défaites dans ces régions, ici et là, fussent-ils bien dotés comme des «moul chkara»…
Face à ces réalités, les partis ont veillé surtout à s’activer et à se déployer dans les agglomérations urbaines, petites ou grandes, ainsi que dans leur couronne périurbaine. Cela ne veut pas dire que le monde rural est dépolitisé -grossière erreur! Cela signifie seulement qu’il est éloigné des clivages partisans si prégnants ailleurs. Avec les réseaux sociaux et les chaînes de télévision nationales et arabes, la politisation est entretenue au quotidien. Elle est nationale et même élargie, et elle a accentué ce que l’on appelle la conscientisation. Le séisme d’Al Haouz aurait pu être l’occasion pour les partis politiques de se distinguer sur le terrain en tant qu’institutions organiques. Tel n’a pas été le cas, tant il est vrai que le périmètre de la solidarité a été investi dès les premières heures et les jours suivants par l’État, soutenu par la société civile. Pas de quoi laisser une place ni une visibilité à une éventuelle participation des formations partisanes…
Mais il y a plus -et c’est le second niveau d’appréhension. C’est que la crédibilité des partis reste fortement sujette à caution dans les zones montagneuses, compte tenu de leur passé gouvernemental et, partant, de leur passif. Depuis plus de deux décennies, toutes les formations ont assumé des responsabilités gouvernementales, suivant des séquences et des configurations variables. Nul doute que bien des programmes ont été réalisés, le plus emblématique n’étant autre que le Plan Maroc Vert 2008-2018. Cette stratégie se plaçait sur ces axes: intensification de la production et des investissements, instruments d’intervention liés aux filières, aux territoires et aux types d’exploitation. Mais dans les régions montagneuses, dont celle d’Al Haouz par exemple, qu’en est-il? La production a-t-elle augmenté? Des chaînes de valeur ont-elles été mises sur pied? Les conditions de vie des petits agriculteurs se sont-elles améliorées? Difficile de donner une réponse affirmative! Il faut donc espérer aujourd’hui qu’il en sera autrement demain. Le diagnostic établi dans cette région doit être la grande opportunité, mise en perspective par SM le Roi, pour changer le logiciel qui prévalait jusqu’alors. Une ardente obligation pour le gouvernement.