Sécurité: Dkhissi, le patron de la PJ, déballe tout

Mohamed Dkhissi.

Mohamed Dkhissi. . DR

Revue de presseKiosque360. Evolution de la police, criminalité, lutte antiterroriste, droits de l’Homme, autant de thèmes qui ont été soulevés par le directeur de la PJ à la DGSN dans un long entretien accordé à "Al Ahdath Al Maghrebia".

Le 15/11/2019 à 20h09

Le directeur de la police judiciaire à la DGSN, Mohamed Dkhissi, a tenu a rétablir plusieurs vérités, rejetant au passage quelques préjugés bien ancrés dans la mentalité des Marocains. Le patron de la PJ, également directeur d’Interpol au Maroc, affirme que le Maroc n’est pas un «Etat policier». «Nous sommes une police démocratique et le Maroc n’est pas un pas un Etat policier», a-t-il affirmé dans un entretien fleuve publié par le quotidien Al Ahdath Al Maghrebia dans son édition du 16 au 18 novembre. 

Dans cet entretien, le directeur de la PJ est notamment revenu sur l’évolution de la police pendant ces deux dernières décennies, qui s’est faite en trois temps. De 1999 à 2012, la direction générale a travaillé sur le thème de la proximité. Toute la stratégie et les actions de la police pendant cette période ont été imprégnées par cette philosophie. Entre 2012 et 2018, la police judiciaire, et la police en général, s’est efforcée de devenir une «police citoyenne». Depuis 2018, elle travaille sur le thème de «la police citoyenne et démocratique». 

Ce qui fait dire à Mohamed Dkhissi, et c’est une vérité qu’il a tenu à rétablir, que non, «le citoyen ne s’est pas réconcilié avec la police». Cela peut se révéler choquant. En réalité, explique-t-il, «le citoyen et la police n’ont jamais été en conflit». Certes, il y a bien eu ce qu’on appelle «les années de plomb», mais il ne faut pas oublier non plus qu’il s’agit d’un contexte particulier, lors duquel des petits groupes extrémistes et radicaux, islamistes ou de gauche, ont tenté de renverser le régime. Et même à cette époque, la police n'était pas en conflit avec les citoyens. Au contraire, par son intervention, elle veillait à la préservation de la sécurité du pays.

Il est tout aussi vrai que la police n'est pas non plus impliquée dans un quelconque règlement de compte politique, quelle que soit sa nature. La police n’a pas non plus pour vocation de persécuter ou espionner les citoyens. «Il y a ceux qui se croient observés et espionnés par la police depuis des années et ne cessent de le clamer. Ce n’est pas vrai. Nous n’avons pas que ça à faire», affirme-t-il. La police, explique le patron de la PJ, travaille sur des faits, sur les éléments du crime, abstraction faite de l’identité de son auteur, à moins que celle-ci ne soit encadrée par la loi, comme lorsqu’il s’agit de diplomates, auquel cas il y a changement de procédure. 

Autre vérité rétablie: non, les opérations antiterroristes ne sont pas des pièces de théâtre. Après chacune de ces opérations, les réseaux sociaux pullulent de commentaires qui versent dans le sens d'une mise en scène. «Il faut faire attention à ce qui se publie sur les réseaux sociaux, faire un effort d’analyse. Il faut d’abord vérifier d’où ce genre de messages est posté, si leurs auteurs vivent au Maroc ou à l’étranger et tenter de déceler leur orientation idéologique», conseille-t-il. Dans la plupart des cas, il s’agit des ennemis, internes ou externes, du Maroc. Depuis 2004, le Royaume a mis en place une politique multidimensionnelle de lutte contre le terrorisme, le volet sécuritaire n’est qu’une de ses dimensions. Cette politique a donné ses fruit et fait des envieux et forcément des ennemis.

En matière de lutte contre le terrorisme, il faut savoir que les interventions de la police se préparent plusieurs mois à l’avance. Les cellules et les éléments terroristes sont observés et traqués pendant des mois. Cela peut prendre une année voire deux avant l’intervention finale. C’est ainsi qu’entre 2002 et 2019, les services de sécurité ont pu démanteler 200 cellules terroristes et avorter 395 projets d’attentats terroristes.

Au cours de cet entretien, le directeur de la PJ a également infirmé un autre préjugé et non des moindres. Contrairement à l’impression créée par les réseaux sociaux, la police et les forces de sécurité sont présentes partout, dans chaque douar et dans chaque quartier, et «je sais de quoi je parle», souligne-t-il. «Alors, ne venez pas me dire que la police n'est jamais entrée ou ne peut pas entrer dans tel ou tel quartier», ajoute-t-il. Selon lui, la police peut être en sous effectifs et manquer de moyens, c'est vrai, mais elle est présente partout pour fournir un service public. Pour preuve, depuis le début de l’année, la police a arrêté 520.000 individus, dont 110.000 étaient recherchés à l’échelle nationale. Ce qui représente un taux de répression de crimes de 97%.

Elle est même présente sur les réseaux sociaux. En effet, affirme le directeur de la PJ, «tout ce qui se publie sur les réseaux sociaux ayant trait à la sécurité des citoyens est pris au sérieux». En fait, la DGSN dispose au niveau national de pas moins de 29 brigades dédiées, formées d’ingénieurs et de techniciens, officiers et commissaires de police, qui traquent le crime sur internet. Ces brigades mènent des investigations techniques et opérationnelles pour s’assurer d’abord si les vidéos des crimes publiées sur les réseaux sociaux ont bien été filmées au Maroc. Auquel cas, l’auteur est recherché et appréhendé. 

Au long de cet entretien, le responsable de la PJ n’a cessé de mettre en avant la question des droits de l’Homme. La thématique fait partie du cursus de formation des dernières générations de policiers et une fois sur le terrain, ils veillent à agir en les respectant, surtout lorsqu’il s’agit d’intervenir lors des manifestations.

Mohamed Dkhissi est également revenu, entre autres, sur la question de la criminalité en général qui n’est pas la même au Maroc que dans d’autres pays. Ainsi, pour lutter contre la criminalité, la police est allée à sa source: les psychotropes et les armes blanches. Entre autres propositions qu’elle a faites en ce sens, la répression du port d’armes blanches qui, même en l’absence de crime, doit être sévèrement sanctionnée par une peine de cinq ans de prison.

Par ailleurs, le directeur de la PJ a également évoqué la politique d’ouverture de la police sur la société. La dernière édition des journées portes ouvertes, organisées par la DGSN ces trois dernières années, a drainé plus de 500.000 personnes en trois jours. Les conférences et les leçons données dans les établissements scolaires par les officiers et les commissaires de police durant ces deux dernières années ont bénéficié à près de 2,2 millions de personnes. La police a également organisé des sessions de formations au profit de 12.000 associations pendant la même période. «Et dans tous les cas, il ne s’agit pas d’aller faire des speechs et de repartir. Il s’agit de débat et d’échange», assure Mohamed Dkhissi.

Par Amyne Asmlal
Le 15/11/2019 à 20h09