«Tebboune va présider ce jeudi 19 mai une réunion consacrée à l’examen d’un nouveau projet de loi relative à l’investissement». Ce message posté sur le compte Twitter du président algérien a piqué notre curiosité, ne serait-ce que par son timing, qui intervient moins d’une semaine après la réunion interministérielle présidée, le vendredi 13 mai dernier, par le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, consacrée à la nouvelle charte de l'investissement.
Celle-ci doit voir le jour dans quelque mois, soit durant l’été 2022, a fait savoir de son côté Mohcine Jazouli, ministre délégué chargé de l’Investissement, dans le contexte de sa toute récente participation à la 31e assemblée annuelle de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).
Le360 a pu se procurer une copie de l’avant-projet algérien de loi relative à l’investissement (dont un document est disponible au bas de cet article) et a pu constater à quel point ses rédacteurs manquaient d’imagination, n’hésitant pas à littéralement voler la quintessence des concepts, des mécanismes et des idées apportées par la nouvelle charte marocaine de l’investissement. Le système d’incitation y est ainsi quasiment repris à l’identique: un «régime des secteurs»; «un régime de zones»; «un régime des investissements stratégiques» qui rappelle le dispositif stratégique marocain.
Dans ce document de 14 pages synthétisant le nouveau code algérien, le rôle du Conseil National de l’Investissement (CNI) est élargi pour dupliquer l’expérience marocaine de la «Commission des investissements».
L’Agence Nationale de Développement de l’investissement (ANDI), créée en Algérie en 2001, est ainsi renommée «Agence Algérienne de Promotion de l’Investissement», pour ajouter au rôle de guichet unique celui de promouvoir les investissements, devenant ainsi l’exact miroir de l’Agence marocaine de développement de l’investissement et des exportations (AMDIE).
Le renforcement des acteurs des guichets uniques décentralisés est renforcé pour délivrer des autorisations, ce qui fait un vrai effet miroir à notre processus de déconcentration. Leur réorganisation en pôles rappelle d'ailleurs les dispositions de la réforme des CRI, engagées par le Royaume dès 2018.
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Mais copier dans l’urgence des modalités techniques ne permet pas de s’approprier la philosophie ambitieuse et audacieuse des artisans de la nouvelle charte marocaine de l’investissement. C’est pourquoi l’exposé des motifs explicités dans le code algérien mélange à la fois objectifs stratégiques et détails techniques, qui relèvent de fait des opérations. C’est pathétiquement drôle, pour un code qui ambitionne d’apporter de la lisibilité et de la rationalité à un cadre algérien qui, jusqu’ici, a manqué de clarté. Le code et les investissements sont présentés uniquement comme un élément de la relance et du redressement de l’économie algérienne.
Dans le Royaume, la charte constitue au contraire un changement de paradigme qui préfigure ce que sera le Maroc de demain. Aussi bien le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, que son ministre délégué, Mohcine Jazouli, ont pris ces derniers jours la parole (le premier au Parlement, le second en marge de la réunion de la BERD) pour souligner que le Royaume était entré dans une nouvelle phase de développement où le secteur privé devait prendre le relais. Et dire que notre projet de loi-cadre établit l’investissement comme moyen en vue d’une fin: le fait que l’investissement privé doive permettre à l’Etat de financer les projets sociaux structurants, souhaités par Sa Majesté le Roi Mohammed VI...
Le nouveau code algérien, qui s’inspire maladroitement de la charte marocaine, est symptomatique de deux travers algériens qui ont déjà lourdement pesé sur le développement de ce pays ces dernières décennies: des politiques incohérentes, qui se traduisent par l'incapacité d'organiser de véritables transitions économiques. Le Maroc, en revanche, est sur le chemin de la modernité et, sous la conduite éclairée du Souverain, le pays se développe avec constance, continuité et stabilité.
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En dehors du régime territorial, les régimes de soutien algérien suivent une logique essentiellement sectorielle (substitution aux importations; intégration dans les chaînes de valeur; acquisition de technologie; projets industriels; projet de réalisation d’infrastructures socio-économiques).
Ces éléments sont importants, mais loin d’être suffisants. Le Maroc, au contraire, va beaucoup plus loin en fondant son développement sur une logique moderne qui vise non seulement des aspects économiques mais aussi sociaux: des emplois pérennes, la recherche d'une égalité hommes-femmes etc.
Le retour d’une logique sectorielle témoigne des contradictions de la politique algérienne où se succèdent des actions contraires: tentative de libéralisation dans les années 2000-2006, immédiatement avortées (cf. la réforme du code des hydrocarbures en 2005 pour mettre en concurrence la Sonatrach, modifiée dès 2006 pour rétablir sa prééminence), voire aussi une alternance de politiques de désindustrialisation puis de réindustrialisation...
D'ailleurs, les incitations des régimes de soutien du code sont de nature exclusivement fiscale, ce qui s’apparente à une forme de dumping, en rupture avec les recommandations des institutions internationales.
Les critères d’éligibilité ne font aucunement intervenir la notion de développement durable. Cela vient démontrer que le pays n’est pas aligné avec les exigences futures des économies vertes. Quoi de plus logique pour un pays qui dépend autant des hydrocarbures (qui constituent près de 90% des recettes d’exportation) et qui témoigne aussi d’une logique opportuniste (profitant, par exemple, de l'envolée des prix actuelles). Cela montre aussi, une fois de plus, l’incapacité de l’Etat à organiser une diversification de son économie.
La charte de l’investissement du Royaume prévoit la création d’un dispositif pour les TPME, afin de faire émerger une nouvelle génération d’entrepreneurs, audacieux et innovants. Le code algérien suit au contraire une logique de secteur et de projets structurants, qui semble consacrer uniquement l’importance des «grands projets d’investissement». Voilà qui démontre encore une fois la persistance d’une économie planifiée et rigide qui ne renforce pas le rôle des individus. Or, un développement harmonieux repose au contraire sur l’intelligence collective et la mobilisation, l’engagement de tous les acteurs.
Par ailleurs, ne pas soutenir spécifiquement et particulièrement les TPME démontre une mécompréhension des véritables enjeux de la décentralisation. Car les spécificités et les potentialités du local s’expriment d’abord et avant tout à travers les individus. Très étonnant, pour un pays dont les TPME représentent plus de 80% du tissu économique...
- avant_projet_loi_sur_linvestissement_26_04_2022-vf.pdf