En effet, le soutien de plus en plus grandissant à l’échelle mondiale en faveur de l’initiative marocaine d’autonomie sur le plan multilatéral, combiné à une approche bilatérale redoutable d’efficacité et de réalisme, fait que le dénouement de ce dossier sur le plan diplomatique n’est plus qu’une question de temps.
Effectivement, sur les 5 membres permanents du Conseil de sécurité, 4 ont voté en faveur de la résolution, dans un schéma qui transcende les antagonismes géopolitiques contemporains. Puisque le bloc occidental, incarné par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, a voté favorablement au même titre que la Chine, pourtant alignée sur Moscou sur les différents dossiers géopolitiques chauds du moment.
En effet, parlons-en, de Moscou. L’abstention russe depuis 2018 qui aurait pu prendre la forme d’un vote contre, autrement dit d’un véto, révèle plus de choses qu’il n’y paraît.
Car dans un contexte d’affrontement total et sans concession entre l’Occident collectif et la Russie sur le terrain ukrainien, Moscou aurait pu être tentée d’adopter une stratégie de neutralisation et de sabotage de toute initiative occidentale au niveau de l’ONU. Elle en a les moyens, le véto, et l’intérêt pourrait y être aussi, à savoir mettre en lumière l’impuissance et l’incapacité de l’Occident à défendre les intérêts de ses alliés et/ou partenaires sur le plan diplomatique. Le risque était donc que le dossier du Sahara marocain soit converti par la Russie en nouveaux champs de bataille entre Moscou et Washington. Cela, sachant qu’au niveau de la question israélo-palestinienne, la Russie n’a pas hésité à adopter, au niveau de l’ONU, une approche ouvertement anti-israélienne et par conséquent anti-occidentale.
Ce ne fut aucunement le cas concernant le Maroc. La consistance et le sérieux de la diplomatie russe l’ont finalement emporté sur une telle tentation contre-productive à bien des égards.
Autre élément et pas des moindres: la Russie est souvent présentée comme un allié de l’Algérie, qui, par conséquent, aurait dû voter contre la résolution 2703. Là encore, il est utile de rappeler que contrairement à ce stéréotype diplomatique très répandu, Moscou est davantage un partenaire économique et militaire de la junte algérienne qu’un allié, et ce, malgré les génuflexions réalisées avec beaucoup de souplesse par le président algérien à Moscou en juillet dernier.
Certes, les milliards de dollars dépensés par l’Algérie dans sa militarisation intéressent très fortement le complexe militaro-industriel russe et représentent une manne qu’il n’est pas question de perdre pour Moscou. Mais le critère fondamental de fiabilité pour la diplomatie russe demeure l’autonomie stratégique de l’éventuel partenaire et la stabilité. Autrement dit, agit-il sur les différents dossiers diplomatiques dans ses propres intérêts, quand bien même ces derniers seraient partiellement opposés à ceux de Moscou? Ou agit-il pour le compte d’un tiers? De même, le potentiel partenaire est-il un facteur de stabilité régionale ou d’instabilité?
A titre d’exemple, on peut citer brièvement l’exemple de la Turquie, qui, après avoir abandonné la doctrine Davutoglu (zéro problème avec les voisins), est entrée en opposition frontale avec Moscou sur le dossier syrien, allant même jusqu’à abattre un bombardier russe dans le ciel syrien. Cela n’a pas empêché les deux pays de dépasser cette crise en rétablissant des relations bilatérales très solides. Car du point de vue russe, quand Moscou traite avec Ankara, elle sait qu’elle ne traite qu’avec Ankara, et non avec un vassal.
Concernant l’autre volet, celui de la stabilité, le Maroc est vu à l’unanimité sur le plan mondial comme le seul îlot de stabilité en Afrique du Nord, dans un contexte de déstabilisation régionale de plus en plus accélérée (coups d’Etat, guerres, terrorisme...). De ce point de vue, dans une perspective de longue durée, miser sur le Maroc est du point de vue de Moscou, plus qu’une option stratégique, un impératif stratégique, là où l’instabilité et la fragilité chronique du régime algérien laisse entrevoir des perspectives assez sombres pour le partenariat entre Moscou et Alger. De même, le Maroc incarne sur différents dossiers régionaux et internationaux une autonomie stratégique indiscutable, puisque Rabat n’hésite pas, quand ses intérêts nationaux sont menacés, à entamer un bras de fer diplomatique frontal avec ses partenaires économiques et/ou historiques comme l’Espagne, la France ou encore l’Allemagne.
Par conséquent, là où l’Algérie est vue comme un chéquier et un client par Moscou, le Maroc est de plus en plus perçu comme un partenaire incontournable pour la géopolitique nord-africaine, et plus globalement africaine, de la Russie.
Par conséquent, là où le Maroc déploie sa géopolitique pour défendre ses intérêts vitaux et son intégrité territoriale, l’Algérie le fait pour empêcher celle des autres.
Milan Kundera disait: «Est sérieux celui qui croit à ce qu’il fait croire aux autres.»
Or, il est évident que l’Algérie ne croit pas elle-même à ce qu’elle prétend défendre sur le plan diplomatique. Une géopolitique de parasitage et d’empêchement qui, année après année, semble faire de moins en moins d’adeptes sur le plan international, car la vanité rend ceux qui en sont victimes aussi dupes que sots.