Depuis l'annonce des nouvelles dispositions fiscales prévues dans le PLF 2023, entre les avocats et le gouvernement, la crise perdure. A Casablanca, le samedi 26 novembre dernier, les membres du Bureau du Conseil des avocats au barreau de Casablanca, en première ligne dans cette contestation, ont décidé de poursuivre toutes les formes de protestations qui avaient été entreprises, afin de continuer à manifester leur refus de ces mesures.
Entamée le 1er novembre 2022, la grève se poursuit donc dans différents tribunaux de Casablanca, mais aussi de Mohammedia et Sidi Slimane, «jusqu’à nouvel avis», indique le communiqué qui a été diffusé suite à cette réunion.
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«Avant, on protestait uniquement contre les nouvelles dispositions fiscales introduites par le PLF 2023, on a décidé actuellement d’étendre le champ de nos revendications pour exiger, entre autres, une révision du projet de loi qui gère la profession des avocats», explique Me Lahcen Dadsi, avocat au Barreau de Casablanca, que Le360 a contacté.
Une grève qui ne soude pas les avocatsMais ce mouvement de grève, interminable, ne fait pas l’unanimité parmi les avocats casablancais. Alors que la décision de poursuivre cette protestation a été prise par les membres du Bureau, «une grande partie des avocats ont ouvertement manifesté leur refus», indique cet interlocuteur.
«Cette catégorie d'avocats, tout en adhérant au dossier revendicatif du Conseil des avocats au barreau de Casablanca et de l’Association des avocats aux barreaux du Maroc (ABAM), refuse cette interminable grève, qui pèse lourdement sur les intérêts d’une partie des justiciables», précise Me Dadsi.
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Tout en optant pour l’option de la grève, cet avocat juge «indispensable» d’étendre le champ des exceptions au-delà de ce qui est actuellement convenu, notamment en ce qui concerne, déclare-t-il, «le dépôt des déclarations d’appel soumises à une date d’échéance», ainsi que les «requêtes d’appel et de cassation».
Derrière les barreaux… à cause d’une grève qui perdure«Les chambres criminelle et correctionnelle des mineurs, par exemple, doivent poursuivre leurs activités», explique cet avocat, qui explique que «dans les affaires criminelles et celles impliquant des mineurs, la présence d’un avocat est obligatoire... Du coup, cela fait presque un mois que les dossiers sont reportés sine die. Ainsi, des détenus, qu’ils soient majeurs ou mineurs, sont maintenus en garde à vue, alors que le juge pourrait décider de leur libération ou de leur mise en liberté conditionnelle».
Ce mouvement de grève, poursuit Me Dadsi, complique davantage la situation de certains détenus, tout particulièrement en cas d’abandon de recours (c'est à dire s'il y a eu un désistement de l’action judiciaire préalablement entreprise): ceux-ci «doivent se présenter devant le juge avant d’être relaxés, malheureusement, cela est impossible en l’absence d’un avocat», regrette-t-il.
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En plus de ceux de Casablanca, les représentants de barreaux d'autres régions de Royaume ont décidé du maintien de ce mouvement de grève jusqu’à nouvel avis. «L’ABAM a décidé du maintien de la grève au niveau national, et a délégué au Conseil de l’ordre des barreaux de prendre les mesures qui s’imposent contre les dispositions fiscales, et à chaque Conseil des barreaux de gérer le dossier sur le terrain», précise Me Lahcen Dadsi.
Face à la grève, l’intransigeance du gouvernementConfronté à ce mouvement de grève «interminable», qui commence à «diviser» la corporation des avocats, le gouvernement, lui, ne veut rien lâcher. Et a rappelé, par la voix de son porte-parole, Mustapha Baitas, son ferme attachement au dernier compromis qui avait conclu à Rabat à la mi-novembre dernier, par d’une part, l’Exécutif, représenté par le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, et son confrère au gouvernement, en charge du Budget, Fouzi Lekjaa, et, de l'autre, les représentants de l’ABAM.
Au cours de cette réunion dans la capitale, le chef du gouvernement avait proposé aux représentants des avocats de revoir légèrement quelques paramètres (des taux, des montants), mais sans toucher au principe de l'imposition des revenus et des bénéfices réalisés par les robes noires (que ce soient des personnes physiques et morales).
Dans la nouvelle offre proposée par le gouvernement, la TVA est maintenue à 20%. La retenue à la source a, quant à elle, légèrement été révisée à la baisse (de 10 à 5% pour les avocats exerçant leur activité sous la forme de société et de 10%, au lieu de 15%, pour les avocats qui exercent leur activité en tant que personnes physiques).
S’agissant de la très controversée avance sur impôt, Aziz Akhannouch a proposé de baisser son montant à 100 dirhams (au lieu d’un minimum de 300 dirhams) pour chaque dossier traité.
Le gouvernement et l'association des barreaux du Maroc avaient décidé, à l'issue de cette réunion, de constituer une commission conjointe, afin d'examiner les modalités d'application de ce nouveau dispositif.