Passeports diplomatiques: l’arme du régime d’Alger pour faire et défaire les hommes du pouvoir

Abdelmadjid Tebboune, le président algérien et Saïd Chengriha, le chef d'état-major de l'armée algérienne.

Abdelmadjid Tebboune, le président algérien et Saïd Chengriha, le chef d'état-major de l'armée algérienne.. DR

Revue de presseOn ne le dira jamais assez. L’Algérie est bel et bien une prison, cadenassée et à ciel ouvert. Même les anciens hauts responsables de l’Etat qui affichent un tant soit peu leur désaccord avec le pouvoir politico-militaire sont gardés à l’œil et privés du passeport diplomatique que la loi leur garantit pourtant. Une revue de presse tirée du quotidien Africa Intelligence.

Le 01/10/2024 à 20h47

Dans son édition du lundi 1er octobre, Africa Intelligence, édité à Paris et spécialisé dans l’analyse de l’actualité africaine, a consacré un article à un phénomène devenu très courant dans l’Algérie nouvelle et liberticide: celui de l’interdiction à d’anciens hauts responsables de voyager hors du pays, sans la moindre raison ou justification. Ce n’est pas la prison, mais c’est tout comme.

Certes, le décret présidentiel n° 23-201 signé par le président Abdelmadjid Tebboune le 1er juin 2023 fixe de nouvelles conditions d’attribution des titres officiels de voyage, dont le passeport diplomatique, délivré par le ministère des Affaires étrangères à des personnalités qui occupent encore, ou ont occupé par le passé, de hautes fonctions étatiques, civiles et militaires. Mais ce texte est anéanti par une règle non écrite, selon laquelle certains anciens hommes politiques en rupture de ban ou craints par le pouvoir ne doivent pas se faire délivrer ce sésame.

Ainsi, «plusieurs dizaines de personnalités, anciens hauts responsables et ex-diplomates réclament en vain leur titre de voyage au ministère algérien des Affaires étrangères», écrit Africa Intelligence. C’est à croire que le MAE algérien dispose d’une liste noire d’anciens hauts commis de l’Etat, que la présidence et les services de renseignements algériens tiennent absolument à garder à la maison.

Mais ces hauts responsables, privés de leur droit à avoir un document de voyage et de leur liberté de mouvement, peuvent s’estimer chanceux, car les prisons de «la Nouvelle Algérie» regorgent d’anciens Premiers ministres (Sellal, Ouyahya, Bedoui), de dizaines de généraux de l’armée et d’anciens ministres condamnés à des siècles cumulés de prison ferme.

L’ancien Premier ministre Ahmed Ghozali, qui n’a pas tellement la langue dans la poche, fait exception à cette règle, car il n’a passé que quelque petits six mois à attendre qu’on lui délivre un passeport diplomatique pour aller se soigner en Europe ou récupérer une décoration honorifique, comme celle que lui a délivrée le Japon le 29 août dernier.

A contrario, les anciens Premiers ministres Mokdad Sifi et Ali Benflis, qui ont définitivement tourné le dos à l’action politique, attendent depuis plus d’un an un improbable passeport diplomatique. Ces hommes seraient craints, car ils en détiennent des vertes et pas mûres sur les pratiques mafieuses du pouvoir algérien.

L’ancien ambassadeur algérien au Mexique et en Espagne, Abdelaziz Rahabi, très sollicité par les médias pour analyser les relations internationales et internes de l’Algérie, était, le 11 septembre dernier, à un doigt de récupérer son nouveau passeport diplomatique, quand la présidence algérienne a ordonné de tout bloquer.

Motif: Rahabi est coupable d’un post sur les réseaux sociaux, dans lequel il critique le rififi kafkaïen qui a caractérisé la proclamation des résultats de la présidentielle anticipée du 7 septembre dernier. Sans concession, il a écrit que l’Algérie post-présidentielle 2024 «entrait dans une phase d’ingouvernabilité en raison de la non-satisfaction des demandes majeures du Hirak et de la fermeture des champs politique et médiatique». D’autres hommes politiques, médias ou simples militants algériens sont actuellement embastillés pour moins que ça.

Par Mohamed Deychillaoui
Le 01/10/2024 à 20h47