Les eurodéputés espagnols jouaient pourtant en terrain conquis. Compte tenu des intérêts entre les différents groupes, le quatrième plus grand pays de l’UE en termes de représentation au Parlement européen (PE) était supposé convaincre, sans difficultés, les eurodéputés des autres pays à voter massivement une résolution hostile au Maroc. Cela semblait d’autant plus acquis que le projet de résolution avait l’approbation des quatre grands groupes du PE, (PPE, S&D, Renew Europe et Verts/ALE). Pourtant, le texte proposé par les parlementaires espagnols a été adopté, hier, jeudi 10 juin, par seulement 397 voix favorables (85 contre et 196 abstentions). 397 voix sur 705, ce n’est pas une victoire pour l’Espagne qui a pesé de tout son poids pour arracher un vote massif.
Lors de la séance des débats qui a précédé le vote, les députés espagnols sont montés au créneau, chauffant à bloc la salle où se déroulait la plénière. Ils se sont relayés pour critiquer vertement le Maroc, dénonçant avec force trémolos ce qu’ils ont qualifié de «chantage» et d’ «utilisation des mineurs» par le Royaume.
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Le régime marocain a été traité d’«autocratique qui jette ses enfants à la mer» et le parallèle avec la Turquie a été à chaque fois brandi par de nombreux députés européens qui ont parlé de «représailles politiques» de la part du Maroc contre l’Espagne pour avoir soigné pour des «considérations humanitaires» le chef du Polisario, Brahim Ghali.
Le député espagnol Jordi Cañas, l’un des architectes de cette résolution, a même comparé la séquence migratoire de Sebta à la Marche verte.
Un autre eurodéputé espagnol, Miguel Urban Crespo, un inconditionnel au demeurant du Polisario, a profité de l’occasion pour distiller ses messages sur la question du Sahara, appelant à mettre fin à son «occupation» par le Maroc et à «la reconnaissance» de la pseudo «RASD». Il a également parlé de ce qu’il a appelé la «répression des journalistes», «les violations des droits de l'homme», etc. Le débat s’est mué en une tribune contre le Royaume.
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L’eurodéputée algérienne Salima Yenbou du groupe des Verts s’est jointe aux Espagnols pour crier au loup, elle aussi. Connue pour sa proximité avec les services de la chancellerie algérienne à Bruxelles, Salima Yenbou s’est prononcée sans surprise pour «l’autodétermination afin de mettre fin à l’occupation marocaine».
Salima Yenbou et l’agence de presse de l’Etat algérien, qui a fait ses choux gras de ce vote, ont pourtant la mémoire bien courte. Le Parlement européen a adopté le 26 novembre 2020 à une écrasante majorité (669 voix pour, 2 contre, 22 abstentions) une résolution d’urgence sur l’Algérie soulignant la détérioration de la situation des droits de l’homme en Algérie et la mainmise de l’armée sur le pouvoir. Parmi les deux voix qui ont voté contre cette résolution, qui a obtenu 669 voix favorables sur 709, celle, justement, de Salima Yenbou.
Le parlement panafricain et le parlement arabe ont réagi à la résolution du PE qui cherche à banaliser l’occupation espagnole de territoires marocains. Dans un communiqué, publié hier, jeudi 10 juin 2021, le parlement arabe a critiqué «la position du Parlement européen et son obstination à s'immiscer dans une crise bilatérale qui peut être résolue par des moyens diplomatiques et des négociations bilatérales directes entre le Royaume du Maroc et l'Espagne, passant outre la voix de la raison et de la sagesse, y compris celle du Parlement arabe qui lui a pourtant demandé de s'abstenir de toute ingérence injustifiée dans cette crise bilatérale».
«Le Parlement Panafricain appelle son homologue européen à s’abstenir de toute prise de position susceptible d’exacerber les tensions et appelle les deux parties à résoudre la crise dans un cadre purement bilatéral», a souligné de son côté, Nkodo Dang, le président sortant du PAP, dans un communiqué.
La tentative espagnole d’européaniser une crise bilatérale n’a donc pas obtenu les résultats escomptés par Madrid au Parlement européen.