À Marrakech, dans un hôtel de l’Hivernage, j’ai fait la connaissance, jeudi dernier, de deux sœurs algériennes qui passaient quelques jours de vacances dans la ville rouge. Le hasard fit bien les choses: nous nous trouvions au même moment dans le hall de l’hôtel, elles avaient besoin d’un petit renseignement, je le leur donnai puis, par instinct de journaliste, je leur demandai d’où elles venaient, etc. La conversation ‘prit’, comme on dit d’une mayonnaise qu’elle ‘prend’. Bref, nous sommes allées bavarder quelque temps autour d’une théière et de pâtisseries diverses dans un petit café, au coin de la rue.
Première surprise, m’ont-elles dit, l’accueil amical qu’elles ont partout reçu à Marrakech, même et surtout après qu’elles se présentent comme Algériennes.
- Il est vrai que nous voyageons avec des passeports français, mais nos interlocuteurs ne le savent pas, me dit l’une, H.
L’autre (N.) ajoute:
- On fait croire à notre peuple que les Marocains ne nous aiment pas, qu’ils seraient agressifs à notre égard. C’est tout le contraire. Je me sens vraiment chez moi ici. Ça me touche beaucoup.
Quelques gorgées de thé plus tard, c’est de nouveau H. qui prend la parole et part dans un long laïus ponctué de mimiques qui traduisent son énervement et son mépris.
- Nous avons vraiment des dirigeants d’une bêtise insondable! Quoiqu’Algériennes, nous vivons en France; nous avons donc suivi toutes les tentatives entreprises par Emmanuel Macron pour rapprocher l’Algérie de la France. Ces voyages officiels où il emmenait la moitié de son gouvernement… Les accolades avec les officiels algériens… Les sourires, les embrassades, les tapes dans le dos… Les offres de coopération économiques… Les crédits… Jamais nous n’avons eu à l’Élysée, depuis 1962, un chef d’État aussi favorable à notre pays. Nos dirigeants auraient pu tout obtenir de lui. Tout! Il leur suffisait de faire preuve d’amabilité et d’un peu de souplesse, c’est tout. Mais non. Ces… (elle hésite)… ces imbéciles ont réagi en redoublant d’arrogance et d’agressivité envers Paris. Finalement, Macron en a eu assez. Ne gagnant rien à faire la cour à ces brèles, il a changé radicalement d’optique et a choisi le Maroc. Et comme vos dirigeants sont plus fins et meilleurs diplomates que les nôtres, ils en ont profité pour obtenir de lui le maximum. Bien joué!
N. intervient pour modérer un peu les propos de sa sœur. S’adressant à moi:
- Tant mieux pour vous, après tout.
H. se reprend:
- Oui, tant mieux pour vous, mais je suis quand même en colère. Comment nos dirigeants ont-ils pu être aussi nuls et décourager définitivement le président français le mieux disposé à leur égard? C’est incompréhensible.
Je me contente de sourire sans rien dire, savourant une mini-corne de gazelle à la pistache (je découvre cette innovation pas du tout blâmable); mais en moi monte ce cri de gratitude envers la pathétique marionnette des galonnés d’Alger:
- Merci, M. Tebboune, merci d’être aussi (…)!
Vous aurez complété de vous-même, lecteurs.