L’Union du Maghreb arabe (UMA) a un nouveau secrétaire général, en la personne du diplomate tunisien Tarek Ben Salem (64 ans), ancien ambassadeur de Tunisie à Moscou, Bamako, Niamey et Ouagadougou. Dans un communiqué officiel, publié le mardi 28 mai, le ministère tunisien des Affaires étrangères a annoncé que, «conformément aux dispositions du traité fondateur de l’Union du Maghreb arabe de 1989, sur proposition du président de la République Kaïs Saïed, et après l’approbation de tous les dirigeants des États membres de l’Union, il a été décidé la nomination du diplomate tunisien Tarek Ben Salem comme secrétaire général de l’Union du Maghreb arabe pour les trois prochaines années».
Ce communiqué précise également que Tarek Ben Salem prendra ses fonctions au siège du secrétariat général de l’UMA à Rabat à compter du 1er juin prochain, c’est-à-dire dès la fin de cette semaine. D’aucuns attendaient qu’une nomination vienne donner corps à une institution coiffant la récente tentative de création d’un «bloc maghrébin à trois», censé supplanter l’UMA, et dont l’objectif, tantôt voilé et tantôt déclaré ouvertement par Alger, est d’en exclure le Maroc en particulier, alors que la Mauritanie a fermement refusé à deux reprises de rejoindre ce trio qui s’est réuni à Alger le 2 mars 2024, puis à Tunis le 22 avril.
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Finalement, même la partie libyenne a réitéré de façon très insistante son attachement à l’UMA. La manœuvre algérienne a tourné court, se transformant en un simple cadre de concertation tripartite sur «la sécurité des frontières communes, la lutte contre la migration irrégulière, le lancement de grands projets d’investissements communs dont l’énergie, la production de céréales ou le dessalement de l’eau de mer et les défis climatiques», comme le résume le communiqué sanctionnant le sommet de Carthage du 22 avril dernier.
Vue d’Alger, la nomination du nouveau secrétaire général de l’UMA est perçue, à travers les médias locaux, comme une grande victoire diplomatique. Un triomphe! Contre qui? Contre l’ex-SG de l’UMA, Taeïb Baccouche, qualifié de «serviteur de la diplomatie du Makhzen». Ce dernier faisait régulièrement l’objet d’attaques d’une rare violence par les médias du régime d’Alger. Il avait subi, il y a tout juste une année, les foudres vindicatives du ministère algérien des Affaires étrangères qui lui reprochait d’avoir désigné la diplomate marocaine, Amina Selmane, en tant que représentante permanente de l’UMA auprès de l’Union africaine (UA), nomination qui a reçu l’agrément de Moussa Faki, président de la Commission de l’UA.
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Au fond, l’Algérie reproche à Taïeb Baccouche son franc-parler, à travers lequel il a eu le courage de dévoiler que, depuis 2016, Alger, en plus d’être derrière les blocages qui entravent le bon fonctionnement des institutions maghrébines, n’a jamais daigné verser un seul dinar dans les caisses de l’UMA, alors que les quatre autres pays s’acquittaient régulièrement de leurs cotisations.
Les attaques du régime d’Alger contre Taïeb Baccouche, un diplomate chevronné, l’ont transformé, malgré lui, en obstacle à la bonne marche de l’UMA. On verra si, avec la nomination d’un successeur, Alger va enfin cesser son bashing de l’UMA et s’acquitter de ses cotisations.
Pour rappel, selon le Traité de Marrakech, le secrétaire général de l’UMA doit être de nationalité tunisienne, ce qui fait de Tarek Ben Salem le 5ème secrétaire général de l’UMA, après Mohamed Amamou (1991-2002), Habib Boulares (2002-2006), Habib Ben Yahia (2006-2016) et Taïeb Baccouche, qui a prolongé tacitement son mandat de deux années en attendant la nomination de son remplaçant. Depuis le sommet de Tunis en 1994, et à la suite de l’attaque fomentée par des terroristes en majorité algériens contre l’hôtel Atlas Asni à Marrakech, aucun sommet de l’UMA ne s’est plus tenu.
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Un nouveau souffle est aujourd’hui donné à l’UMA, ne serait-ce que parce que les cinq chefs d’État se sont accordés sur la nomination d’un nouveau secrétaire général. Un geste symbolique de haute portée qui a le mérite de démontrer qu’il ne peut exister, en Afrique du Nord, d’autre alternative régionale que l’UMA. C’est ce qui explique qu’au récent sommet de Carthage, aucune annonce, faute d’accord entre les trois parties, n’a été faite concernant la création ou l’esquisse des contours d’un nouveau bloc maghrébin visant à supplanter l’UMA. Ce qui n’a pas empêché l’agence de presse algérienne (APS) d’annoncer le 29 avril dernier qu’un «G3 est né à Carthage» et que «le Maghreb de l’action succède au Maghreb des slogans», décrétant ainsi que «la mort clinique de l’UMA a été actée» et que «l’UMA n’existe plus sur le terrain» depuis 30 ans… à cause du Maroc.
Pourtant, la démarche entreprise par le président du Conseil présidentiel libyen, Mohamed Younès El Menfi, a clairement montré que la tentative de créer un bloc maghrébin à trois n’est rien d’autre qu’un feu de paille. En dépêchant deux émissaires au Maroc et en Mauritanie, au lendemain du sommet de Tunis, le chef de l’exécutif de Tripoli a envoyé un message sans équivoque, en vertu duquel l’UMA doit être redynamisée et non pas remplacée.
Avec la nomination d’un nouveau SG de l’UMA, les espoirs, même minimes, d’une relance de cette institution sont permis. Cette relance dépend de l’engagement des cinq États membres pour une action opérationnelle de l’UMA, en vue de répondre aux défis des peuples du Maghreb.