«Une page est tournée», c’est en ces termes qu’un haut responsable dans la diplomatie marocaine commente la très importante visite au Maroc, du 15 au 20 novembre dernier, de Bankole Adeoye, commissaire de l’Union africaine (UA) aux Affaires politiques, à la Paix et à la Sécurité. Ce département, le plus puissant et le mieux doté budgétairement de l’UA, a été le fief de l’Algérie depuis la création de cette organisation en 2002. Il a été dirigé par trois Algériens, avant que l’élection du Nigérian Bankole Adeoye, en février 2021, ne mette un terme à un monopole qui n’a pas servi le continent.
En effet, tour à tour dirigé par les Algériens Saïd Djinnit, Ramtane Lamamra et Smaïl Chergui, le département Paix et sécurité de l’Union africaine a toujours été instrumentalisé, manipulé à seule fin de servir les intérêts et l’agenda du régime algérien. «Ce département a été l’arme de l’Algérie pour contrer les intérêts du Maroc en Afrique», précise notre source.
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Ce département a donc constitué pour le régime algérien un fief, et, aux yeux des Marocains, il faisait office de la centrale dans l’UA d’où sortaient les coups tordus contre le Royaume. D’où l’importance de l’élection de de Bankole Adeoye, qui met un terme à près de 20 ans de règne, sans partage, de l’Algérie sur le plus puissant département de l’Union africaine.
Réforme et bonne gouvernance«Pollué, le département Paix et Sécurité doit être assaini pour servir l’Afrique et les Africains, loin des calculs et des agendas qui ont été de mise pendant les mandats des trois commissaires algériens», précise notre source. Depuis son retour à l’UA en 2017, le Maroc n’a pas usé d’un double langage. Il a clairement affirmé que l’Afrique ne peut pas relever les innombrables défis tant que le département et le Conseil Paix et Sécurité ne sont pas réformés.
Le sinistre épisode la présidence kenyane du Conseil Paix et Sécurité, en mars 2021, prouve l’urgence de la réforme. L’on se souvient que pendant la présidence kenyane de ce conseil, un communiqué a sanctionné la 984e réunion du CPS qui s’est déroulée le 9 mars. Au mépris des règles, des procédures et des normes de l’Union africaine, ce conseil a non seulement établi l’ordre du jour sans se concerter avec les Etats membres, mais la présidence kenyane a unilatéralement procédé à la publication d’un communiqué, entachant ainsi la crédibilité du seul organe permanent de prise de décision de l’UA.
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L’on se souvient aussi que les manœuvres de l’Algérien qui dirigeait ce département ont provoqué l’ire du président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, lors de la 14e session extraordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA sur les activités et les efforts visant à faire taire les armes, tenue le 6 décembre 2020. Moussa Faki Mahamat a en effet ouvertement dénoncé les manœuvres de l’Algérien Smaïl Chergui, devant l’ensemble de l’auditoire.
«Il faut en finir avec les manœuvres du commissaire Chergui qui nous mettent devant le fait accompli. Je n’ai eu de cesse d’insister sur la nécessité de laisser la Troïka faire sans travail et arrêter de vouloir inventer des mécanismes à chaque réunion», avait lancé en substance Moussa Faki Mahamat au cours de son intervention.
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«Depuis l’épisode du Kenya, il y a un consensus sur le constat que le Conseil ne fonctionne pas», nous confie un diplomate en fonction. Et d’ajouter: «même Bankole Adeoye a introduit un amendement relatif à la non élaboration d’un communiqué le jour même de la réunion. Le communiqué doit être préparé plusieurs jours à l’avance pour que les ambassadeurs le discutent avec leur capitale et apportent leurs amendements».
En somme, plusieurs voix appellent à éradiquer les manœuvres qui ne servent pas l’UA et ne plus distribuer un communiqué pour son adoption le jour même de la réunion.
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«Le Maroc a bien identifié le mal et apporté des propositions pour réformer le Conseil. Il faut un département de professionnels au niveau du secrétariat, une transparence et des règles claires au niveau du Conseil de paix et de sécurité», martèle le responsable au ministère des Affaires étrangères.
L’apport du Maroc à l’action du Département Paix et sécuritéL’un des rôles clés de la commission de l’UA aux Affaires politiques, à la Paix et à la Sécurité est la gestion des conflits, le maintien de la paix, la consolidation de la paix post-conflit, ainsi que la diplomatie préventive et la bonne gouvernance. Pour chacune de ces actions-phares, le Maroc peut contribuer activement et partager son expérience.
Au cours de son séjour au Maroc, Bankole Adeoye a rencontré Abdellatif Loudyi, ministre délégué auprès du chef du gouvernement, chargé de l’Administration de la Défense nationale, ainsi que l’inspecteur général des FAR et commandant la zone Sud, le général de Corps d’Armée Belkhir El Farouk.
La rencontre entre le commissaire africain et l’inspecteur général des FAR a été sanctionnée par un communiqué de l’état-major des FAR qui indique que «les discussions entre les deux responsables ont porté sur la contribution des Forces Armées Royales dans les différentes opérations de maintien de la paix au continent depuis les années soixante sous l’égide de l’ONU, inclusives d’actions humanitaires dont le déploiement d’hôpitaux militaires et médico-chirurgicaux».
Le Maroc a en effet une longue expérience dans les opérations de maintien de la paix. En 1960 déjà, avant même l’indépendance de l’Algérie, pays qui a attendu 2020 pour introduire dans la Constitution un amendement autorisant son armée à participer à des opérations panafricaines, le Maroc avait pris part à une opération de maintien de la paix au Congo.
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Les responsables marocains ont dû certainement expliquer à Bankole Adeoye que le Royaume est le seul pays en Afrique qui a pris part à des opérations de maintien de la paix avec les plus grands organismes au monde: avec l’OTAN au Kossovo, avec l’UE en Bosnie, avec l’ONU dans une quatorzaine d’opérations. De plus, le Maroc est seul pays qui a fait le maintien de la paix sur tous les continents: en Haïti (continent américain), au Cambodge (Asie), en Europe, dans plusieurs pays en Afrique. Il y a une expérience à la fois du terrain et de la coopération avec de grands organismes internationaux qui ne peut que profiter à l’UA. Et même dans la gestion du post-conflit, le Maroc a une grande expérience comme le prouve au quotidien la présence de éléments des FAR à la RCA.
Bankole Adeoye a également visité le port Tanger-Med. La visite de ce port a une portée qui ne peut échapper à tout observateur des défis auxquels est confronté le continent. L’Afrique n’est pas seulement terrestre, elle est aussi maritime. Et en ce qui concerne la sécurité maritime, le continent accuse un retard abyssal. Autant dire que l’expérience marocaine dans ce domaine peut contribuer activement à la réflexion sur la sécurité maritime du continent.