Le «très sérieux» hebdomadaire anglais The Economist a ouvertement reproché la semaine dernière à certains pays africains de ne pas avoir voté pour la résolution des Nations Unis condamnant la Russie. Dans son analyse, il a mis en avant les perturbations que ce conflit, dont la Russie endosse la seule responsabilité, allait introduire dans l’approvisionnement du blé au niveau mondial. Rappelant l’importance du blé dans l’alimentation de ces pays, il leur a «prédit» l’imminence de troubles sociaux, comme c’est déjà arrivé, voire l’apparition de la famine.
Est-ce une forme de chantage à l’alimentation dans le cadre du «food power»? A voir.
Est-ce qu’un autre vote de ces pays aurait bouleversé la donne ou dissuader la Russie de continuer? Il est permis d’en douter.
Le Maroc, ayant opté pour l’ouverture de son économie, la diversification de ses partenaires et la mise en jeu de ses avantages comparatifs, se trouve plus ou moins concerné par la plupart des conflits à travers le monde. Ajoutons à cela qu’il a à gérer le dossier de nos provinces méridionales qui est traité périodiquement par le Conseil de sécurité. Partant de ce constat, il est appelé, aidé d’une veille stratégique permanente, à adapter sa diplomatie et son économie aux impératifs de préservation de sa souveraineté. Il est appelé aussi à améliorer continuellement sa capacité à gérer les crises et à leur apporter les réponses les plus appropriées.
Le conflit en Ukraine concerne doublement le Maroc. Directement, il entretient des relations diplomatiques, commerciales et culturelles importantes avec les deux belligérants, (il est le premier partenaire commercial de la Russie en Afrique), qu’il a intérêt à préserver. Indirectement, il sera impacté par l’inflation mondiale, nous allons y revenir, et sa diplomatie se trouve encore une fois dans l’obligation d’expliquer à ses amis européens en particulier et occidentaux en général qu’elle opère un distinguo entre alliance et alignement. Le Maroc, faut-il le rappeler, est un pays souverain.
Revenons maintenant aux réflexions de l’hebdomadaire britannique sur le blé et de manière générale sur l’impact de cette crise sur notre pays, pour en tirer quelques enseignements.
Il est vrai que les perturbations que va connaître le marché mondial des céréales tombent en une année où nous connaissant une sécheresse sévère qui va induire une récolte qui nous permettra, au mieux, de couvrir 50% de nos besoins. Le reliquat devrait être importé.
Nouvelle rassurante, il n’y a pas un problème d’offre mondiale. La production de 2022, d’après la FAO, dépassera légèrement celle de 2021. Les stocks sont constitués et suffisants au niveau mondial. Probablement, si le conflit en Ukraine se prolonge, pour des considérations de logistique et d’intermédiation, les prix connaîtront une hausse, mais la matière est là. Le Maroc, avec un stock stratégique disponible de 5 mois, peut faire la jonction avec les récoltes qui viendront à partir de mi avril et envisager des achats à partir du début de l’été. Si impact il y a, il sera budgétaire, la rareté de l’offre n’est pas posée, comme c’était le cas avec le vaccin Covid-19.
La dépendance énergétique du Maroc est un fait établi. L’économie devra subir les conséquences jusqu’à la mise ne place de solutions alternatives sous formes d’énergies renouvelables, seule issue à long terme.
A lire les écrits nationaux et étrangers sur l’impact de la crise mondiale sur le Maroc, l’accent est souvent mis de manière excessive et quelques fois erronée sur ce que nous allons subir et il y a oubli de l’embellie que connaissent certains secteurs.
L’Office chérifien des phosphates connaît un accroissement de son volume d’affaires et confirme sa percée en Amérique latine. La joint-venture réalisée avec une entreprise américaine de premier plan dans la commercialisation va ouvrir de nouvelles perspectives de développement.
Nos exportations d’agrumes et autres produits agricoles s’améliorent. Les ventes intéressantes réalisées sur le marché américain cette saison sont le fruit d’un long et immense effort des agriculteurs. Le potentiel du marché américain est très intéressant.
La fermeture de deux usines Renault en Russie va augmenter la demande automobile sur le Maroc, il suffit que ce secteur fasse preuve de plus de dynamisme pour résoudre quelques problèmes de sourcing.
La demande dans le secteur textile n’a jamais été meilleure depuis la fin des années 90, la montée en qualité a fini par payer.
Le tourisme reprend avec de nouveaux marchés et des opérateurs durement éprouvés par la crise, mais décidés à récupérer «intelligemment» leurs retards.
Sommes-nous entrain de faire preuve d’un optimisme béat face à une crise géopolitique mondiale inégalée depuis 1945? Votre serviteur lit ce qui s’écrit sur les différents supports et aussi dans les réseaux sociaux.
Ma conviction est que notre pays gagnerait à avoir un gouvernement qui communique mieux et une opposition disposant d’une offre politique. A défaut, le champ est libre aux marchands de la peur qui nous prédisent la disette, les troubles sociaux et colportent de fausses nouvelles de la vente de la moitié de l’OCP aux américains (?!).
Le Maroc dispose d’assez de ressources pour dépasser cette crise.