L’éclairage de Adnan Debbarh. Assurer la bonne gouvernance

Adnan Debbarh.

ChroniqueFaiblement doté en richesses minières, qui représentent 3% des recettes du budget de l’État contre 50% et plus dans la plupart des pays pétroliers, le Maroc ne peut compter que sur le travail et la bonne gouvernance pour atteindre ses objectifs de développement. Nos performances dépendent en grande partie aussi de cette dernière.

Le 05/06/2023 à 10h31

En dégageant une majorité gouvernementale confortable de seulement trois partis politiques aux idéaux et programmes proches, les résultats des dernières élections législatives ont permis à beaucoup de Marocains de pousser un ouf de soulagement. Le temps des majorités «patchwork» était révolu et la route ouverte à une mandature faite de travail assidu et de réalisations à la hauteur des aspirations du peuple marocain et de son Roi.

Le récent communiqué du Parti authenticité et modernité (PAM), un des trois partis de la majorité, a introduit un bémol dans ce scénario, en faisant cas de dysfonctionnements au sein de l’équipe gouvernementale et de l’absence d’une réelle stratégie de communication. Mise sur la place publique, cette situation n’a fait que confirmer ce que plusieurs analystes ont avancé depuis plusieurs mois, à savoir l’apparition au sein du gouvernement de déséquilibres dans le traitement entre ministres, la priorité donnée à certains dossiers sur d’autres et enfin un déficit patent de communication. L’harmonie supposée exister au sein de l’équipe gouvernementale n’était qu’un leurre cachant un réel malaise.

La démarche du Bureau politique du PAM est à saluer. En déclenchant l’alerte, il a fait preuve de courage politique et a contribué, en posant le problème, à inviter à sa solution afin d’éviter une crise dont le pays n’a nullement besoin en ces temps difficiles.

En utilisant les instruments d’analyse des sciences politiques, on pourrait avancer que le gouvernement actuel connaît deux difficultés de fonctionnement importantes, mais non majeures, donc rattrapables. La première a trait au processus décisionnel en son sein et la seconde à la traduction dans les réalités des règles de bonne gouvernance. Le Chef du gouvernement, d’après des sources concordantes que vient de confirmer le communiqué du PAM, pencherait largement vers la verticalité au détriment de l’horizontalité dans la prise de décision. Il aurait tendance à décider seul ou au mieux avec son équipe restreinte. Une démarche plutôt subie que voulue, s’empressent d’avancer ses partisans, dictée par le souci d’efficacité et de rapidité et le manque d’expérience de certains profils ministériels. Le coup de semonce du PAM va-t-il ouvrir la porte à un surcroît de collégialité, à une utilisation croissante des comités interministériels? La question reste posée. En tout cas, le management public moderne le recommande avec insistance, en le considérant comme élément contribuant à une meilleure performance.

L’application des règles de bonne gouvernance, dont le rappel de quelques points ne serait pas superflu: efficacité; transparence; reddition de comptes; participation à la décision des élus, du secteur privé et de la société civile; prise en compte des besoins exprimés par la population et échange avec cette dernière… pose un problème de fond qu’est la qualité de la formation des élites politiques.

Au Maroc, les politiques n’ont pas de culture technique et les technocrates n’ont pas de formation politique, ce qui limite les capacités de communication des uns et des autres sur la plupart des dossiers. Les premiers sont incapables d’enrichir leur discours politique par la nécessaire maîtrise technique et les seconds sont incapables de valoriser leur travail en lui donnant sa dimension politique.

Des exemples concrets peuvent mieux éclairer notre propos. Du fait d’un recours excessif à la verticalité, certains dossiers d’investissement, certes non stratégiques, connaissent un retard de traitement important et leur nombre est loin d’être négligeable. La politique énergétique ne connaît pas le dynamisme qui devrait être le sien. Le bâtiment, grand pourvoyeur d’emplois, tourne au ralenti. Le nombre d’autorisations a considérablement baissé, les déficits en logements s’accumulent et la demande de ciment est en baisse. Le département de la PME, grand concerné par le programme Forsa et par le développement des territoires, est inaudible, alors qu’il dispose là d’un immense chantier. Nous nous arrêterons là.

Faisant partie de la bonne gouvernance, l’écoute des élus et de la société civile devrait être accrue. Plus de 160 propositions de loi de parlementaires attendent discussion et éventuel soutien du gouvernement. Une organisation professionnelle importante de la place, dont nous tairons le nom, a dû s’y prendre à plus de quatre fois pour obtenir un rendez-vous avec un ministre. Elle ne serait pas la seule dans ce cas. Ce n’était guère l’usage en un autre temps.

Il y a plusieurs autres points qui, pris en compte, pourront contribuer à améliorer le rendu gouvernemental. C’est ce qui nous importe le plus afin de mieux outiller notre pays à renforcer ses capacités gestionnaires et le bien-être de ses citoyens.

La sortie du PAM a eu le mérite d’alerter sur une situation qui nous oblige à engager une réflexion sur les moyens à mettre en œuvre pour l’amélioration de la gouvernance publique. Peu importe qu’elle ait été motivée ou pas par des soubassements électoraux. Qui n’en a pas dans une démocratie?

Par Adnan Debbarh
Le 05/06/2023 à 10h31