Le 6 novembre, dans le discours prononcé à l’occasion du 48ème anniversaire de la Marche verte, SM le Roi Mohammed VI a clairement défini l’axe stratégique majeur qu’il nous faudra développer dans les prochaines décennies pour exprimer pleinement notre potentiel, autant économique que géopolitique au sens large.
Cependant, ce développement ne pourra s’inscrire dans la durée que dans le cadre d’une synergie régionale, bâtie selon un schéma de co-développement et d’intégration économique plus poussée.
À cet effet, le Roi Mohammed VI a proposé, dans le cadre d’une initiative internationale, de permettre à des pays frères, dont l’enclavement retarde le développement et met en péril leur stabilité, d’accéder au potentiel immense offert par l’océan Atlantique.
Cette approche réclame, comme le rappelle le Souverain, une mise à niveau des infrastructures des États du Sahel. Dans cet esprit de solidarité avec les pays «frères», le Maroc entend apporter la principale pièce à l’édifice, comme évoqué par le Roi en ces termes:
«Parce que Nous sommes convaincus que cette initiative transformera substantiellement l’économie de ces pays frères et, au-delà, toute la région, le Maroc est disposé à mettre à leur disposition ses infrastructures routières, portuaires et ferroviaires.»
Cette option permettrait, si elle venait à voir le jour, puisque sa réussite est tributaire également d’un engagement régional et international sérieux de la part de nos partenaires, d’atteindre simultanément plusieurs objectifs majeurs.
Premièrement, sur le plan économique, une intégration d’une telle ampleur sur le plan infrastructurel pourrait constituer un fondement solide pour une intégration économique multidimensionnelle: libre-échange, marché commun, harmonisation juridique et commerciale et, pourquoi pas, une monnaie unique post-franc CFA.
Deuxièmement, sur le plan sécuritaire, la création d’un continuum infrastructurel et économique allant du Mali jusqu’au sud du Maroc réclame un investissement sécuritaire plus intense dans les régions de transit, ce qui mettra de facto fin à un ensemble de no man’s land, où pullulent divers groupuscules terroristes et de contrebande. De même, l’effet d’entraînement que cette dynamique économique engendrera profitera également à des populations dont la misère et la pauvreté servent de réservoir de recrutement pour ces différentes organisations criminelles.
Troisièmement, sur le plan diplomatique, une entreprise géopolitique d’une telle ampleur mettra l’Algérie face à un choix cornélien. Ne pas y participer, voire y résister, au risque de se voir totalement enclavée diplomatiquement et géopolitiquement, ou rejoindre cette initiative où elle n’a, non seulement, rien à perdre, mais surtout tout à gagner. Le préalable serait naturellement qu’Alger reconnaisse, une fois pour toutes, ce qui relève de l’évidence, que le Sahara est marocain, mais que l’Atlantique pourrait devenir régional et continental à travers cette initiative marocaine. Alger n’a-t-elle pas toujours rêvé d’avoir une ouverture sur l’Atlantique? Désormais, cela pourrait être possible, sans antagonismes ni rivalités. Bien au contraire.
En attendant cette prise de conscience stratégique pour la stabilité de la région, l’autre option incontournable demeure la Mauritanie. Car la géographie autant topographique que politique est ce qu’elle est.
En effet, connecter les infrastructures des pays du Sahel à celles du Maroc réclame nécessairement de passer soit par l’Algérie, option inenvisageable pour le moment, soit par la Mauritanie, ce qui relève du possible. Mais l’entreprise est difficilement envisageable, en raison notamment du chantage sécuritaire exercé par Alger à l’encontre de Nouakchott.
La Mauritanie deviendra-t-elle l’un des enjeux majeurs de la diplomatie régionale du Maroc? Elle le devra d’une manière ou d’une autre.
Il y a à peu près deux ans, j’écrivais dans l’une de mes chroniques que:
«Or, il se trouve qu’un pays auquel nous sommes liés autant par la géographie que par l’histoire est souvent occulté dans les différentes analyses. Pourtant, de par sa position, ce dernier revêt un caractère éminemment stratégique autant pour le Maroc que pour l’Algérie. Je parle, vous l’avez bien compris, de la Mauritanie… L’idée du « Grand Maghreb » étant désormais révolue, du moins tant que la junte militaire sera au pouvoir en Algérie, une alternative ouest-atlantique représente une opportunité stratégique qu’il serait irresponsable de ne pas considérer.»
A-t-on par conséquent le droit de rêver de voir un jour un «Sahel Express» ou un «Sahara Express»? Une ligne ferroviaire trans-sahélienne et trans-saharienne qui irait de Laâyoune jusqu’à Niamey? Et pourquoi pas jusqu’à N’Djamena ou même Khartoum?
Pour ma part, je ne m’interdis aucunement de nourrir ce rêve. Car, qui eût cru, il y a quelques décennies, que le Maroc était capable d’atteindre les grandes réalisations qui sont les nôtres aujourd’hui, autant au niveau diplomatique que sportif et économique?