Moins d’une année après avoir été décidées, les négociations entre le Maroc et l’Espagne, relatives à la gestion future de l’espace aérien au Sahara atlantique, sont entamées. Elles ont pour objet le transfert au Maroc d’attributions pour l’heure aux mains de l’Espagne et ce, depuis les îles Canaries, comme le prévoit l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) des Nations unies. Le lancement des négociations pour la passation de ces prérogatives figurait dans la Déclaration conjointe adoptée le 7 avril 2022 au terme des discussions entre le roi Mohammed VI et le président du gouvernement espagnol Pedro Sánchez, alors en visite à Rabat. Ce point stipule que «des discussions concernant la gestion des espaces aériens seront engagées».
«Les négociations avec le Maroc dans ce domaine ont commencé», a ainsi confirmé, par écrit, le gouvernement espagnol en réponse aux questions du sénateur canarien Fernando Clavijo. Les discussions avec le Maroc à ce sujet «se limitent à la gestion de l’espace aérien et à la coordination entre les deux parties afin d’obtenir une plus grande sécurité dans les liaisons et la coopération technique», précise le gouvernement dans sa réponse rapportée, mercredi 22 mars, par l’agence officielle d’information espagnole EFE.
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Pour rappel, et après la récupération par le Maroc de ses provinces sahariennes, l’OACI a décidé de laisser le contrôle aérien de la zone à l’État espagnol. Mais dans les faits, l’ENAIRE, l’autorité aéroportuaire espagnole, avait signé un accord avec l’ONDA pour la coordination des mouvements aériens. Ainsi, les autorisations de vols depuis les aéroports de Laâyoune, Dakhla et Es-Smara sont d’abord accordées par le Centre de contrôle régional de Casablanca. Une demande additionnelle est ensuite envoyée au centre de contrôle des îles Canaries.
Les trois aéroports précités sont sous juridiction marocaine, avec un code OACI «GM», relatif au Royaume du Maroc. Le partage d’informations entre les contrôleurs marocains et espagnols inclut aussi bien les vols réguliers que ceux de la MINURSO, ainsi que d’autres vols plus occasionnels, comme ceux liés un certain temps au rallye Paris-Dakar. Il exclut cependant les vols militaires, puisque la convention de Chicago, relative à l’aviation civile internationale, ne s’applique pas aux «aéronefs utilisés dans des services militaires, de douane ou de police».
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Pour logique qu’il soit, ce transfert fait grincer des dents aux îles Canaries. Portées par le sénateur Fernando Clavijo, des voix pointent ainsi tout le manque à gagner qui se profile pour les plateformes aériennes des îles Canaries en termes d’emplois et de redevances collectées. Elles évoquent également le risque que les compagnies aériennes qui survolent l’Archipel en direction de pays européens, africains ou d’Amérique ne décident d’opter pour les aéroports marocains du Sud, moins sollicités, plus compétitifs et plus abordables.
«L’Espagne a déjà cédé les eaux occidentales du Sahara au Maroc et, maintenant, il semble que le contrôle de l’espace aérien assuré depuis les îles Canaries sera également cédé au Maroc», s’alarme Fernando Clavijo, ex-président du gouvernement des Canaries de 2015 à 2019. Le responsable espagnol oublie cependant qu’il s’agit avant tout de souveraineté, mais aussi d’une volonté constructive de bâtir un partenariat futur autrement plus bénéfique au Maroc, à l’Espagne continentale et aux îles Canaries.