C’est un livre qu’il faut absolument lire. Ses auteurs ne racontent pas seulement, de façon documentée, leur expérience de l’Algérie, mais décrivent avec la précision d’un chirurgien la genèse et les bases du système sur lequel repose le pouvoir dans ce pays. Les racines du mal, implantées depuis 1962 par Houari Boumediene et largement alimentées par des généraux corrompus, sont le socle sur lequel repose aujourd’hui le pouvoir en Algérie et ce qui en détermine la gouvernance et les choix économiques désastreux.
Couverture du livre Le mal algérien
.. Editions Bouquins
C’est un livre qui décortique, éventre l’opacité du Système, en explique le fonctionnement avec des mots intelligibles alors même que le propre du pouvoir algérien et des dispositifs de rente et de corruption qui lui permettent de se pérenniser est d’être aux antipodes de tous les modèles connus et de défier même la rationalité. Cette monstruosité du pouvoir algérien, les auteurs la nomment «le fonctionnement inversé des valeurs normales». Et il convient de saluer leur opiniâtreté à avoir résisté au vertige que donne ce pays qui marche sur la tête. «L’Algérie donne le tournis. Au sens propre du terme. Par le simple exercice du bon sens, elle se révèle le pays du monde à l’envers», constatent Jean-Louis Levet et Paul Tolila, auteurs du livre «Le mal algérien». Les deux auteurs ont résisté au vertige et ont trouvé des mots descriptifs et analytiques pour circonscrire le fonctionnement du Système.
L’un des principaux mérites du «Mal algérien» est que ses auteurs ne sont pas des politiques, mais des experts, mandatés dans le cadre d’une mission officielle de coopération économique entre la France et l’Algérie, de 2013 à 2019, et qui ont pu, durant leurs multiples séjours dans plusieurs villes en Algérie, leurs échanges avec les responsables politiques, les hommes d’affaires et les acteurs de la société civile, diagnostiquer de l’intérieur le «chaos administratif» et l’immobilisme du Système. Jean-Louis Levet et Paul Tolila sont deux universitaires de renom. Le premier est docteur d’Etat en sciences économiques, le second est normalien. Durant leur expérience de terrain et leur immersion au cœur des réalités algériennes, ils ont pris la mesure de l’incurabilité, volontairement voulue par le Système, du mal algérien.
La genèse du Système
Comprendre le système algérien, c’est comprendre sa genèse intimement liée au coup d’Etat de Houari Boumediene en 1962. A la tête de l’armée des frontières, le colonel Boumediene n’a «jamais tiré un seul coup de feu pendant la guerre de libération». Il a attendu que les maquisards fassent le boulot contre l’armée française pour marcher sur Alger, tuant et poussant à la fuite les survivants, épuisés, qui avaient mené la guerre de libération. Houari Boumediene propose à Ben Bella un partage du pouvoir, avant de se débarrasser de lui en 1965 pour diriger l’Algérie jusqu’à sa mort en 1978.
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«Du coup d’Etat de 1962 naît la configuration typique du pouvoir algérien pour des décennies: un pouvoir réel aux mains de l’armée, dissimulé derrière le paravent d’une présidence civile, et appuyé sur des services secrets quadrillant la population, capables de tenir à l’œil, voire de liquider, les opposants, organisés pour tout type de manipulations», notent les auteurs du livre.
Posé par Houari Boumediene, le Système a été développé par le général Larbi Belkheir, «le parrain des parrains», qui a structuré un dispositif de rente et de corruption généralisée qui profite aux généraux et dont tireront profit, plus tard, les oligarques qui feront leur apparition sous le règne d’Abdelaziz Bouteflika.
Le Système est au-dessus de tout. Les luttes à mort entre les différents clans, ainsi que les purges et les procès qui conduisent à la prison visent aussi à le préserver. A ce sujet, Jean-Louis Levet et Paul Tolila écrivent que «les purges restent un moyen de défense du système général de domination et non pas une opération de justice». La corruption et l’enrichissement indu étant à ciel ouvert, le Système ne peut se permettre de laisser la case «homme fort» vide.
Tous les dirigeants algériens sont soumis au Système et ne peuvent prendre une décision importante en dehors de ses rouages. Les interlocuteurs des deux auteurs, y compris certains parmi les hauts placés dans la hiérarchie politico-administrative, peuvent se laisser aller à de troublantes confidences sur le caractère purement théâtral des autres représentations de l’Etat qui ne sont pas au cœur du Système. «Vous savez, chez nous, on a des ministres parce que lorsque nous recevons des ministres d’autres pays, il faut bien que nous en mettions en face!»
La pérennisation du Système est garantie par un nombre impressionnant de policiers et de gendarmes. «Le régime algérien utilise l’intimidation pour maintenir la population dans la résignation. 210 000 policiers et 180 000 gendarmes veillent au maintien de l’ordre.» Les deux auteurs précisent que proportionnellement à la population, les forces de l’ordre en Algérie sont deux fois plus nombreuses qu’en France.
Le récit national, une imposture
Le récit national en Algérie repose sur un mensonge, une imposture. L’armée algérienne est la garante et la protectrice de ce narratif mensonger. Celui qu’on présente comme le fondateur de l’Algérie moderne et le concepteur du Système, Houari Boumediene, n’a jamais combattu l’armée française. Ce «moudjahid» qui n’a jamais tiré une seule balle incarne le récit national qui est enseigné dans les écoles algériennes.
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«Mais le problème demeure: on reste dans la logique de guerre et de la faiblesse d’opérations brutales qui, en 1962 et 1965, ont donné, par un coup d’Etat, la prééminence à une armée qui n’avait jamais combattu et qui fraya sa route jusqu’à Alger sur les corps d’authentiques maquisards.»
Abane Ramadane, l’architecte de la révolution algérienne, «le défenseur de la suprématie du politique sur le militaire, [a été] assassiné par ses propres compagnons en décembre 1957 au Maroc. Sa tombe, au Carré des Martyrs dans le cimetière d’El Alia est, semble-t-il, vide, car il a été impossible de trouver ses restes malgré les tentatives du président Chadli.»
D’autres véritables résistants et pères de l’indépendance de l’Algérie ont été assassinés par Houari Boumediene. Il s’agit, entre autres, de «Mohamed Khider, assassiné en Espagne (1967) et enterré au Maroc, Krim Belkacem, assassiné en Allemagne en 1970 et transféré seulement vingt-cinq ans plus tard au Carré des Martyrs», sans parler du Colonel Amirouche, dont la dépouille a été souillée et cachée dans une cave.
«Ce déficit guerrier d’une armée dont la seule victoire fut celle d’un coup de force étatique dans son propre pays explique peut-être en partie l’héroïsation outrancière de la caste militaire algérienne comme une tentative sans cesse recommencée de combler un manque symbolique, un trou dans une histoire sans victoire authentique», analysent avec lucidité les deux auteurs.
L’Algérie n’existe que par ses ennemis
Le Système maintient une menace constante sur les populations par la ritournelle de l’ennemi extérieur. «Rien ne va mal en Algérie sans que soient impliquées les intentions malveillantes des “autres”, que ce soit la France, le Maroc ou tout pays qui servira opportunément de repoussoir idéologique commode», notent Jean-Louis Levet et Paul Tolila.
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Le Système ne définit pas la nation algérienne par un «avenir commun à construire», mais par des ennemis. «C’est un appel incessant que celui des pouvoirs algériens aux complots contre le pays, la menace étrangère, la désignation des traitres alliés aux machinations de l’extérieur: tout le monde en veut à l’Algérie nouvelle! Vus par le pouvoir, ce ne sont pas les objectifs communs à construire qui définissent la nation algérienne, mais ses ennemis.»
Faire peser de façon constante la menace d’un ennemi extérieur, c’est aussi garder les feux des projecteurs sur l’armée, prétendument supposée protéger le peuple algérien contre cet ennemi omniprésent.
La rente-mère
«Les exportations d’hydrocarbures (gaz et pétrole) représentent entre 95 et 98% du total des exportations de l’Algérie.» Les hydrocarbures sont «la reine des rentes, la rente-mère». Tous les autres dispositifs de rente en dépendent. «Tout le système économique de la vie quotidienne est suspendu à cette rente qui, elle-même, est suspendue aux variations de prix sur les marchés mondiaux» et à la menace d’un épuisement inéluctable des ressources, est-on tenté d’ajouter.
Durant les 20 ans de règne d’Abdelaziz Bouteflika, «l’Algérie a engrangé près de 1.200 milliards de dollars grâce aux hydrocarbures, échappant à tout contrôle du Parlement et de l’administration fiscale». Au lieu de les investir dans des projets de développement qui assurent un avenir aux Algériens, en dehors de la dépendance des hydrocarbures, les 1.200 milliards de dollars se sont évaporés dans la corruption et par le biais de subventions directes, à destination des populations. Le prix à payer pour la paix sociale.
A propos de l’argent de la rente qui finit par tout acheter mais détruit la valeur du travail dans le pays, les auteurs notent, avec une implacable lucidité, que contrairement à l’adage de Mao Tsé-toung, le régime algérien préfère donner des poissons aux gens plutôt que de leur apprendre à pêcher. «Dans un pays avec 20% de chômage, allant jusqu’à 50% dans certaines régions de l’intérieur, la rente pétrolière est un remède qui tue lentement, de façon générationnelle.»
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La rente profite particulièrement aux moudjahidines et à leurs descendants; un ministère très riche s’occupe bien de cette catégorie d’Algériens qui n’a nullement besoin de travailler et dont le nombre a été, étonnamment, multiplié au moins par 10 depuis les années 70. A propos d’eux, les auteurs citent une plaisanterie très en vogue en Algérie et qui montre jusqu’à quel point la société est gangrénée par la rente: «On demande à un enfant quel métier il voudra faire plus tard. Médecin, soldat, avocat, marchand? “Non, répond l’enfant, je veux être fils de moudjahid!”».
La corruption à tous les étages
Quand on lit «Le mal algérien», impossible de ne pas conclure que derrière chaque projet annoncé en Algérie, il y a moins une volonté de développement qu’un désir de pot-de-vin. «La rente, la corruption sont devenues des éléments constituants de l’Etat algérien au fil du temps», notent sans pince-rire les deux auteurs.
Les montants en jeu sont stratosphériques. ETRHB, le groupe de l’oligarque Ali Haddad, «a bénéficié, via quatre cent cinquante-sept (457) crédits bancaires sur les vingt dernières années, d’un montant total astronomique de 18 milliards d’euros remboursables à long terme, soit d’ici 2030, ce qui, bien sûr, ne sera jamais réalisé».
Estimée à 11 milliards de dollars, la construction de l’autoroute Est-Ouest, dont la grande partie a été confiée à des entreprises chinoises, en a coûté 17. «De nombreuses lacunes dans la rédaction des contrats ont permis de contourner la législation pour ensuite donner libre cours à la corruption, estimée par l’un des anciens managers de l’Agence nationale de l’autoroute (ANA) à 4 milliards de dollars.» A ce sujet, les deux auteurs rapportent une anecdote éclairante: des Japonais, en charge d’un tronçon de l’autoroute Est-Ouest, prennent littéralement la fuite en direction de la Tunisie devant le nombre impressionnant de responsables algériens qui leur demandaient de l’argent.
L’édification de la Grande mosquée d’Alger, également confiée à un groupe chinois, est estimée à 1 milliard de dollars. «Quelques années plus tard, la presse algérienne parle d’un coût de 3 à 4 milliards de dollars.»
Un pays très peu fiable
Que les autorités algériennes signent des conventions ou des projets avec leurs homologues d’un autre pays, cela n’engage que ceux qui ne connaissent pas l’Algérie. En effet, précisent les auteurs avec des exemples de situations réelles, «qu’un projet soit signé ne le préserve en rien de menaces qui peuvent surgir sur la base de raisons abracadabrantes, voire parfois sans explications du tout». Et de préciser que nombre d’accords, signés dans le cadre de leur mission, «sont dans d’inexplicables ensablements, certains sans début d’exécution, d’autres stoppés sans motifs déclarés».
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Ce qui contribue à l’ensablement des projets, c’est souvent le correspondant algérien de la partie étrangère qui disparaît du jour au lendemain sans explication et sans laisser de trace. «Cette perte de l’interlocuteur algérien est une sorte de classique pour dire “non” et se débarrasser de projets dont on ne veut plus, sans se donner la peine d’expliquer pourquoi», commentent les deux auteurs. Et de préciser qu’à la différence des pays voisins, comme le Maroc et la Tunisie, «les administrations publiques algériennes n’ont pas d’intranet, tous les fonctionnaires travaillent avec des messageries personnelles; l’évaporation des individus en est grandement facilitée».
Avec des interlocuteurs qui utilisent des adresses e-mails privées, il devient très difficile d’avoir accès aux institutions. Cette absence de messagerie professionnelle rend le projet quasiment tributaire d’un correspondant. «Comme si la raison sociale de tel ou tel ministère reposait sur votre correspondant: ce dernier disparu, tout peut disparaître.» D’où ce commentaire sans appel: «Cette attitude est certainement une des plus néfastes, des plus redoutables pour le développement et la réputation de l’Algérie dans les opérations de partenariat économique: elle témoigne d’une extrême désinvolture à l’égard des contrats signés et augmente les craintes des entreprises étrangères envers un pays où règne une grande insécurité juridique.»
Jean-Louis Levet et Paul Tolila citent des exemples qui apportent la preuve que les institutions algériennes «sont des partenaires très peu fiables».
4 millions de personnes vivent de la prostitution en Algérie
«Le mal algérien» s’intéresse aussi aux maux de la société faisant l’objet d’une véritable omerta de la part des médias, quasiment tous inféodés au régime. Le moindre des mérites du livre est qu’il met la lumière sur des sujets dont on parle très peu, comme la prostitution, l’un des angles d’attaque de prédilection de la meute médiatique de la junte contre le Maroc. La prostitution est omniprésente en Algérie. Elle fleurit dans des stations balnéaires, comme Tichy (région de Béjaïa), mais également dans les métropoles et villes de taille moyenne, comme Alger, Oran, Béjaïa, Annaba, Tlemcen, Sétif, Borj Bou Arreridj, etc.
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Les auteurs avancent le chiffre affolant de plus de 4 millions de personnes vivant de la prostitution en Algérie. Ils écrivent à ce sujet: «En 2007, un rapport de l’Institut de sondages algérien Abassa, spécialisé dans les enquêtes sociales, rapportait l’existence d’environ 1,2 million de prostituées clandestines en Algérie, chacune faisant vivre au moins trois personnes autour d’elle, ce qui donne un chiffre d’un peu plus de 4 millions personnes vivant de cette activité.»
Toujours à propos de la prostitution, Alger est décrite comme un bordel à ciel ouvert. Les auteurs citent une avocate au barreau de la capitale algérienne qui a mené une enquête sur cette activité et recensé «8.000 maisons dédiées à la prostitution dans le seul Alger». Sans parler des autres endroits de la capitale où des femmes et des hommes tarifient leurs relations: «rue, garages, carcasses de véhicules, gourbis, petits appartements, villas, hôtels de passe…» Cette prostitution est aussi le fait de mineurs: «L’âge d’entrée dans le métier se situant entre 14 et 16 ans.»
Les chiffres farfelus du régime et la cruelle réalité
Tout le monde connaît la manie algérienne de gonfler les chiffres. Le champion toutes catégories en est Abdelmadjid Tebboune, qui a affirmé devant Antony Blinken que son pays va produire 30 millions de tonnes de blé et nourrir l’Egypte, le Maroc et la Tunisie.
Les chiffres fantaisistes sont une spécialité algérienne. A ce sujet, le ministre algérien du Tourisme, Yacine Hamadi, a annoncé en septembre 2022 devant la presse: «Nous avons enregistré plus de 11 millions de touristes algériens et étrangers qui se sont rendus dans les 14 wilayas côtières. Et je dis bien “touristes”, parce que le nombre d’estivants a dépassé les 120 millions au niveau de toutes les wilayas et communes côtières.»
En réalité, selon un professionnel algérien du tourisme, Saïd Boukhelifa, cité dans «Le mal algérien», «le nombre de touristes n’a pas dépassé les 3.000 par an au cours des vingt dernières années». De 3.000 à 11 millions en une année, cela donne une idée de l’abîme qui sépare la réalité des énormités proférées par les dirigeants algériens.
Le passage suivant montre que ceux qui croient aux chiffres annoncés par le régime algérien s’exposent à de violents revers:
«Nous nous souvenons de ce grand groupe français automobile, souhaitant créer une usine de production de voitures: le ministère de l’Industrie lui avait annoncé environ cent quarante entreprises algériennes présentes dans le domaine de la sous-traitance automobile. Après une longue enquête menée par une banque française implantée de longue date, quatre seulement furent identifiées. Et encore, un travail important était nécessaire pour mettre à niveau leur production afin qu’elles puissent contribuer à la production de véhicules dans la nouvelle usine dédiée.»
De 4 à 140, c’est mieux que l’abîme qui sépare 3.000 de 11 millions. Même si la distance entre l’affabulation et le réel reste littéralement vertigineuse.
La ritournelle de la sortie de la rente
Un sous-titre du livre comme «La ritournelle de la diversification» montre que les annonces de diversifier l’économie algérienne sont un vieux disque rayé. Les coups de menton d’Abdelmadjid Tebboune n’y feront rien. En effet, «le président Tebboune n’est pas le premier à ordonner une révolution industrielle et l’indispensable diversification de l’économie qui va avec». Et les auteurs du livre de préciser que «depuis plusieurs décennies, cette thématique revient dans les discours des présidents successifs, et les études réalisées sur ce sujet, en particulier par des universitaires, sont nombreuses, mais restent dans les tiroirs».
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Le livre rapporte des témoignages lucides sur l’impossibilité de se libérer de l’emprise des hydrocarbures. La fameuse règle de l’actionnariat dans les entreprises établies en Algérie (51% pour l’opérateur algérien, 49% pour l’investisseur étranger) ralentit considérablement les investissements étrangers dans le pays. Les auteurs expliquent la sacralité de cette règle, dont tout le monde en reconnaît le caractère préjudiciable pour le développement du pays, par la crainte de voir l’économie échapper aux dirigeants mafieux qui contrôlent l’Algérie.
Cela donne dans la langue des auteurs: «Plus il y a de projets de coproduction d’un investisseur étranger et d’une entreprise algérienne, plus il est difficile de contrôler l’économie du pays. Plus il y a de productions “made in Algérie”, moins il y a d’importations. Et moins d’importations, c’est autant de leviers en moins pour contrôler les flux de devises et faire fortune rapidement pour les barons de la nomenklatura du pays.»
Et de préciser: «L’Algérie en est ainsi venue à même importer du sable, des pierres et des carburants, tant le système de surfacturation et le transfert de devises via des sociétés écrans vers des paradis fiscaux demeurent efficaces pour tous les profiteurs du système.»
Les auteurs rapportent de nombreuses anecdotes sur leurs rencontres avec les responsables algériens. A Abdelmalek Sellal, alors Premier ministre, ils ont posé une question sur la non-existence en Algérie d’un ministère de l’Economie. «Nous créerons un ministère de l’Economie quand nous aurons une économie!», a répondu ce responsable.
Avec le nombre d’analyses et de faits réels rapportés, le lecteur du livre de Jean-Louis Levet et Paul Tolila arrive à la conclusion que le mal qui ronge l’Algérie dépasse tout ce qu’il pouvait imaginer jusque-là. Tant que le Système est en place, «l’avenir n’aura pas de futur» pour le peuple algérien.
Jean-Louis Levet et Paul Tolila, «Le Mal algérien», éditions Bouquins, collection «Essai», 384 p., 21 euros.