Trois années successives de sécheresse, un séisme dévastateur touchant trois parmi les douze régions du pays, la guerre en Ukraine et ses pressions inflationnistes... Malgré les multiples soubresauts auxquels il a été confronté depuis son investiture en octobre 2021, le gouvernement Akhannouch garde le cap, tout en prêchant l’optimisme pour le reste de son mandat.
Dans ce contexte exceptionnel, qui nous rappelle les années difficiles du Programme d’ajustement structurel (1983-1993), un sentiment de fierté du devoir accompli se dégage pourtant au sein des partis de la majorité. «Je ne suis pas sûr qu’un autre gouvernement aurait pu faire mieux que nous», lâche ainsi une source gouvernementale. Celle-ci nous confie que l’exécutif est actuellement en train de préparer son bilan de mi-mandat, et que Aziz Akhannouch se réjouit à la perspective de le présenter et de le défendre devant les deux chambres du Parlement en avril prochain.
Le gouvernement Akhannouch se dit fier d’avoir maintenu, voire accéléré, la cadence de l’investissement public, alors que la majorité des précédents gouvernements se hâtait plutôt d’imposer des coupes dans le budget d’investissement, histoire de ménager les équilibres budgétaires, sans se soucier des conséquences de ce choix qui pénalise lourdement toute l’économie.
Le gouvernement s’enorgueillit également d’avoir concrètement jeté les bases de l’État social, en activant l’octroi à plus de 2,6 millions de familles d’une aide directe dont le montant va de 500 dirhams à 1.200 dirhams. «L’affluence des gens aux guichets des sociétés de transfert d’argent, notamment dans les souks, en milieu rural, est très forte. Ce programme a totalement changé la relation entre l’État et les citoyens», soutient la même source gouvernementale.
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Le gouvernement se félicite tout autant d’avoir pu, sans avoir à attendre la fin de son mandat, mener à bon port le dialogue social avec les trois grands corps de la fonction publique (enseignement supérieur, professionnels de la santé, enseignants). «La page de la grève est tournée avec le nouveau décret relatif au statut des fonctionnaires du ministère de l’Éducation nationale, adopté jeudi 15 février», souligne notre interlocuteur. Et d’ajouter: «Le gouvernement n’a pas les moyens pour une hausse généralisée des salaires. Mais nous devons fournir un effort, quitte à l’étaler dans le temps, pour améliorer le pouvoir d’achat… Le dialogue social est aujourd’hui ouvert. J’espère qu’il va aboutir à des résultats concrets d’ici fin avril.»
Des indicateurs au vert pour l’économie marocaine
L’attitude optimiste du gouvernement est confortée par le bon comportement des principaux indicateurs économiques. Les données préliminaires d’exécution de la loi de finances 2023 font état d’une hausse des recettes budgétaires de 6%, d’un taux de réalisation de l’investissement public s’élevant à 81% et d’un allègement du déficit budgétaire à 4,4%, contre 5,4% en 2022 et 7% en 2021.
On retiendra également la bonne dynamique des recettes à l’export du secteur industriel, notamment pour l’automobile (+27%), l’électronique et électricité (28%) et le textile et cuir (+5%). Ce qui a contribué à l’amélioration du taux de couverture de la balance commerciale, qui est passée de 80% en 2022 à 84% en 2023.
Notons aussi le niveau record des transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE), soit 115 milliards de dirhams, et des recettes du tourisme (105 milliards de dirhams), qui ont permis au Maroc de constituer un confortable matelas de devises, d’un total de 359 milliards de dirhams à fin 2023, soit l’équivalent des besoins de 6 mois d’importations.
Chômage record
Fort de ce satisfecit, le gouvernement veut augmenter la cadence et s’attaquer cette fois-ci au sujet brûlant de l’emploi. Monté à 13% en 2023, selon le Haut-Commissariat au plan (HCP), le taux de chômage a atteint un niveau inquiétant, jamais vu depuis au moins deux décennies. Le360 apprend que le chef du gouvernement a réuni récemment certains ministres pour décortiquer les chiffres de l’emploi. «Loin de vouloir entrer en confrontation avec le HCP dont les méthodes sont assurément conformes aux normes internationales, le doute est néanmoins permis quand on voit que le HCP a recensé 50.000 postes d’emplois rémunérés créés en 2023 alors que la CNSS a compté 350.000 nouveaux emplois. Où sont partis les 300.000 autres emplois rémunérés et déclarés à la CNSS?», s’interroge la même source.
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La question se pose aussi concernant les 500.000 auto-emplois (marchands ambulants, saisonniers non qualifiés, etc.) détruits l’année dernière (selon le HCP). Là encore, on pense que cela pourrait être lié aux aides sociales: certaines personnes pourraient être tentées de mentir et cacher leur emploi aux enquêteurs du HCP pour pouvoir profiter des aides sociales.
En tout état de cause, le débat légitime autour des statistiques de l’emploi ne doit pas occulter la réalité des «vrais emplois» détruits dans le secteur agricole en 2023 (200.000), soit le même niveau observé une année auparavant. Le gouvernement impute cela à un phénomène planétaire de stress hydrique. «Les périmètres irrigués vivent un manque criant d’eau. Le taux d’activité agricole a fortement baissé. Cette situation devrait s’améliorer avec l’arrivée des stations de dessalement et le retour des pluies, inchallah», fait savoir notre source, ajoutant qu’hormis les aléas climatiques, le secteur agricole doit perdre chaque année 15.000 emplois du fait de l’amélioration de la productivité (goutte-à-goutte, etc.).
Le gouvernement est pleinement conscient qu’il n’y a pas de temps à perdre. Lors du dernier Conseil de gouvernement, jeudi 15 février, Aziz Akhannouch a appelé les ministres à retrousser les manches et à remettre de l’huile dans les rouages, les incitant à s’engager sur des objectifs pour rétablir la situation et inverser la courbe du chômage. On table aussi sur les retombées de ces nombreux projets qui, séduits par la nouvelle Charte de l’investissement, ont déjà reçu le feu vert de la Commission interministérielle des investissements. «Il faut attendre 2024 ou 2025 pour voir se concrétiser ces projets et sentir leur impact sur les statistiques de l’emploi.»
En attendant, le chef du gouvernement a déjà tracé sa feuille de route pour la fin du quinquennat. «Avec l’eau, l’emploi sera désormais la priorité de la deuxième moitié de son mandat», souligne la même source.