L’Algérie cherche-t-elle à réactiver le Gazoduc Maghreb-Europe?

Le chef de la diplomatie espagnole, Jose Manuel Albares, reçu par le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, le 30 septembre 2021 à Alger.

Le chef de la diplomatie espagnole, Jose Manuel Albares, reçu par le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, le 30 septembre 2021 à Alger. . DR

Alors que le Maroc a tourné la page du gaz algérien, des médias proches du régime des généraux laissent entrevoir un redémarrage possible des livraisons à destination de l’Europe via le Gazoduc Maghreb-Europe. Un revirement qui intervient à quelques jours de la visite du président français, Emmanuel Macron, attendu le 25 août prochain à Alger.

Le 14/08/2022 à 13h23

Plusieurs médias proches du régime algérien ont laissé entendre ce week-end que le dossier énergétique lié à l’approvisionnement de l’Europe en gaz algérien sera sur la table des discussions lors du voyage du président français, Emmanuel Macron, attendu le 25 août prochain à Alger.

«Certains indices plaident pour la reprise de l’approvisionnement via le Gazoduc Maghreb-Europe (GME), desservant l’Espagne, via le Maroc», spéculent ces médias aux ordres, qui estiment qu’il s’agit d’une «reprise indispensable pour la relance du gazoduc MidCat, reliant l’Espagne à la France et qui intéresse en premier lieu l’Allemagne dont le chancelier Olaf Scholz, en a fait allusion, il y a quelques jours, en évoquant la stratégie à court terme de son pays, pour faire face à la dépendance de Berlin au gaz russe».

Cette annonce surprenante est noyée dans ce qui ressemble à des éléments de langage, fournis par le régime à la majorité des médias algériens. Ce «statement» est supposé fournir un éclairage sur la visite d’Emmanuel Macron à Alger, le 25 du mois courant, selon la presse algérienne.

Certains se demandent quelle mouche aurait bien pu piquer ces médias pour sortir ensemble, et simultanément, la même information, ce qui laisse présager un revirement flagrant de position sur la question du GME.

Faut-il voir dans cette annonce surprenante de la réouverture du GME un lien avec le déplacement discret vendredi dernier d'un avion officiel de l’exécutif espagnol, le Falcon 900 de l’armée espagnole, qui a atterri à l’aéroport militaire de Boufarik, et qui est resté plus de six heures sur le sol algérien?

A l’arrêt depuis fin octobre 2021 suite à une décision unilatérale du président algérien d’interrompre les livraisons de gaz via le GME, le tronçon algérien de ce gazoduc ne sert plus à rien et se trouve ainsi condamné à rouiller.

Le Maroc a, depuis, tourné la page du gaz algérien et a mis en place une feuille de route ambitieuse visant à sécuriser son approvisionnement en gaz naturel, en s’appuyant sur des partenaires fiables.

En juin dernier, le Royaume a signé sa toute première sortie sur le marché international du Gaz naturel liquéfié (GNL), l’Espagne ayant mis à sa disposition ses installations portuaires (terminaux méthaniers, stations de regazéfication) avant d’injecter le gaz dans le GME en flux inversé à destination du Maroc.

MidCatUn projet de gazoduc entre la Catalogne et le sud-est de la France, baptisé MidCat, avait été lancé en 2013, avant d'être abandonné faute d'accord sur son financement et d'un réel soutien de la France.

La ministre espagnole de la Transition écologique Teresa Ribera a estimé que l'abandon de ce projet était dû au fait qu'il n'était «pas viable économiquement dans un contexte où le gaz russe était beaucoup moins cher que le gaz naturel liquéfié».

Selon Teresa Ribera, Enagas, le propriétaire et gestionnaire du réseau gazier espagnol, estime à «approximativement huit à neuf mois» le temps nécessaire pour qu'un tel gazoduc soit opérationnel côté espagnol.

«Un tel projet mettrait dans tous les cas de nombreuses années à être opérationnel» et «ne répondrait donc pas à la crise actuelle», a-t-on commenté vendredi dernier, 12 août 2022, au ministère de la Transition énergétique français.

«La mise en place de terminaux méthaniers dans le Nord et l’Est de l’Europe (et notamment en Allemagne) représente des investissements moindres et plus rapides, a fortiori s'il s'agit de terminaux flottants», avance-t-on à Paris.

Une source proche du dossier a indiqué à l’agence AFP que le projet MidCat «n'existait plus, c'est-à-dire qu'il était paralysé» et que le projet évoqué par Ribera «serait un projet différent», notamment parce qu'il prévoirait également «le transport d'hydrogène».

Paris s'est pour sa part montré sceptique sur la nécessité d'une infrastructure de transport d'hydrogène. «Les incertitudes sont très élevées sur les capacités de production et de consommation de l’hydrogène», a estimé le ministère.

Les prochains jours nous en apprendront sans doute davantage sur les dessous de cette annonce de la réouverture du GME. Une annonce à la fois timide et inattendue, initiée par les relais médiatiques du régime algérien.

Par Wadie El Mouden
Le 14/08/2022 à 13h23