Salaheddine Mezouar, le désormais éphémère président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM-patronat), vient probablement de vivre le week-end le plus exécrable de sa jusqu’ici brillante carrière politico-économique. Après le blâme administré par un communiqué officiel du gouvernement publié dimanche, il a jeté l’éponge quelques petites heures plus tard.
Alors que le quotidien Al Akhbar s’est limité au factuel, en axant un bref article sur les mots sévères qui ont jalonné le communiqué gouvernemental, qualifiant la démarche de Mezouar de «maladroite, irréfléchie et irresponsable», les autres quotidiens n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère et s’en prennent à Mezouar ou au communiqué gouvernemental.
Al Massae, dans un éditorial intitulé «L’erreur monumentale de Mezouar», estime que, pour avoir oublié qu’il fut plusieurs fois ministre dans nombre de départements stratégiques comme l’Economie et les finances et les Affaires étrangères, entre autres, Mezouar a commis une gaffe impardonnable en se lançant, samedi dernier lors une conférence de la World Policy Conference à Marrakech, dans une diatribe contre le pouvoir militaire algérien. En effet, le Maroc a décidé, depuis le déclenchement des manifestations en Algérie au début de cette année, de se garder de toute ingérence dans les affaires de ce pays «voisin et frère», «dont la stabilité est la nôtre et dont la sécurité est aussi la nôtre», écrit Al Massae.
Allant plus loin, et rappelant que le cas Mezouar n’est pas une première, Al Massae estime que la classe politique marocaine en général, qu’il s’agisse de parlementaires, ministres ou dirigeants de partis, souffre d’un grand défaut: celui de la communication à bon escient, à destination de l’étranger surtout, et c’est la cacophonie qui prévaut.
Empruntant le même ton critique pour dénoncer cette sortie jugée «maladroite» de Salaheddine Mezouar, Al Ahdath Al Maghribia titre: «Mezouar Hamid Chabat et Abdelilah Benkirane dans le club des frivoles» qui ont tous en commun d’avoir commis des «impairs diplomatiques fatals». Et le journal de rappeler, à travers l’image de l’arroseur arrosé, que c’est pourtant Mezouar qui, du temps où il était ministre des Affaires étrangères et de la coopération, n’avait pas manqué de tancer son chef de gouvernement de l’époque, soit Abdelilah Benkirane. Pour sa part, Al Ahdath rappelle que c’est Benkirane qui fera un voyage express en Mauritanie, sur ordre du roi Mohammed VI, pour empêcher une crise avec le voisin du Sud suite à des propos antimauritaniens proférés par Hamid Chabat, alors secrétaire général du parti de l’Istiqlal.
Changement de décor avec un éditorial d’Assabah qui, tout en titrant «Pas pour défendre Mezouar», a pourtant défendu la liberté d’expression de l’homme qui «dirige une poignée de patrons» et qui n’est plus tenu par le droit de réserve, puisqu’il n’occupe plus aucune responsabilité gouvernementale.
L'éditorialiste rappelle l’épisode de l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, qui a accusé le Maroc, devant un parterre d’économistes, de transporter du haschsch dans se avions à destination des capitales africaines. Selon Assabah, l’Algérie n’a pas rappelé à l’ordre son ministre fautif qui a non seulement proféré de fausses accusations, mais a porté atteinte à l’honneur d’un pays voisin de l’Algérie. Et Assabah de conclure que le communiqué du département de Nasser Bourita est «exagéré», tant «dans le forme que dans le fond ».