Entre les élections législatives qui se déroulent en France, après la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par Emmanuel Macron au soir des européennes, et les élections présidentielles qui se jouent aux États-Unis, la politique est de toutes les conversations. Et au Maroc aussi, où l’on suit la chose de près.
Le Nouveau Front populaire, le Rassemblement national ou Ensemble? Pour qui voter quand on est bi-national? Chacun brandit ses arguments en faveur de l’un ou contre l’autre, au cours de joutes oratoires animées, où s’invitent les questions de l’intégrité territoriale du Maroc et celle de la Palestine. Le choix est loin d’être évident et pousse certains Franco-marocains à voter à l’encontre de certaines valeurs, au profit de la reconnaissance du Sahara que pourrait apporter l’extrême droite; quand d’autres choisissent de rester fidèles à la question palestinienne défendue par la gauche, en faisant passer l’intérêt de leur autre pays au second plan. Un choix cornélien qui nous rappelle celui de Jamel Debbouze pendant la Coupe du monde: devoir choisir entre son père et sa mère.
Une fois la question des élections législatives françaises tranchée, on se tourne plus à l’Ouest. Donald Trump ou Joe Biden? Au-delà des intérêts du Maroc qui se profilent dans les élections qui se jouent en France et aux États-Unis, comment se fait-il que nous soyons à ce point captivés par la chose politique quand elle se déroule ailleurs, au point de suivre assidument les débats politiques sur des chaînes étrangères et de guetter les résultats des urnes?
Force est de constater que la manière de traiter de politique a considérablement changé, au point que le débat soit parvenu à se démocratiser et à capter l’attention des plus jeunes. Car de la France aux États-Unis, les campagnes électorales se jouent désormais sur les réseaux sociaux en empruntant les mêmes méthodes de communication: des messages courts, impactants et une bonne dose d’humour et de sarcasme.
À coup de GIF, de mèmes et de punchlines savamment montées, certains candidats, en tête desquels Jordan Bardella et Donald Trump (78 ans!) –c’est un fait– ont su adopter les codes de communication d’une génération qu’il faut savoir captiver en quelques secondes. On ne peut qu’être admiratif de la manière dont la politique française et américaine se réinventent et parviennent ainsi à capter l’attention d’un électorat plus jeune.
Et jusqu’aux plateaux télévisés qui ont eux aussi su se renouveler. Il fut un temps où la politique, ce sujet très sérieux, était débattu sur des plateaux qui faisaient grise mine. Des journalistes vieillissants, face à des politiques tout aussi vieillissants, dans des décors télévisés mornes, abordant des sujets compliqués avec des mots savants et souvent creux… Aujourd’hui, la donne a changé et c’est sur les plateaux aux couleurs pop acidulées de Cyril Hanouna et son concurrent Yann Barthès que les politiques font leur show, acceptant de descendre de leur piédestal pour répondre, dans un langage compris de tous, aux questions les plus simples, celles que tout le monde se posent.
Au Maroc, nous sommes encore à des années-lumière de cette manière de faire. Pourtant, le fait que 32% de la population marocaine soit âgée de 15 à 34 ans, et qu’elle affiche un désintérêt notoire pour la question politique, devrait nous avoir alarmé de longue date. Car à la défiance des plus jeunes à l’égard des politiques, de programmes dans lesquels ils ne se retrouvent pas, de discours usés jusqu’à la corde, s’ajoute une façon de communiquer qui n’est pas la leur.
Alors à quand le renouveau pour que la politique devienne l’affaire de tous? La question est d’autant plus importante que parmi les bacheliers qui viennent de boucler avec succès leur année de Terminale, ils sont chaque année nombreux à considérer leur diplôme comme un sésame pour d’autres pays, là où pensent-ils leur avenir s’écrit. Quel avenir pour la vie politique au Maroc, mais aussi pour le pays, si sa jeunesse s’en détourne faute de ne pas se sentir concernée?