Le pouvoir algérien dispose de relais fidèles au sein de la gauche française. Formant à la fois le poumon de la diplomatie parallèle d’Alger et le porte-voix de ses services, ces auxiliaires dévoués appartiennent à plusieurs catégories. Héritiers des «porteurs de valises», journalistes complaisants ou incultes, militants poursuivant un combat révolutionnaire de destruction de la société française, tous véhiculent l’histoire officielle algérienne écrite depuis 1962. L’école de Benjamin Stora donne un label «scientifique» aux postulats historico-idéologiques qu’ils popularisent dans l’espace médiatique.
Contrôlant à la fois l’université et le monde des médias, ils ont réussi à imposer en France l’exclusivité de la fausse histoire sur laquelle repose la «légitimité» du pouvoir algérien. Toute critique de ses dogmes déclenche automatiquement le tir groupé de médias soumis ou stipendiés.
Oser simplement écrire que la nation algérienne n’existait pas en 1830 quand se fit le débarquement français à Sidi Ferruch, entraîne ainsi immédiatement l’accusation de «nostalgique de l’Algérie française» ou de «partisan de l’OAS», donc la disqualification et la mise au ban.
Pourtant, comme l’écrivait en 1936 Ferhat Abbas, le futur premier chef d’État de l’Algérie indépendante: «Si j’avais découvert la “Nation algérienne”, je serais nationaliste et je n’en rougirais pas comme d’un crime. Les hommes morts pour l’idéal national sont journellement honorés et respectés. Ma vie ne vaut pas plus que la leur. Et cependant je ne ferai pas ce sacrifice. L’Algérie en tant que Patrie est un mythe. Je ne l’ai pas découverte. J’ai interrogé l’Histoire; j’ai interrogé les morts et les vivants; j’ai visité les cimetières: personne ne m’en a parlé.» (Ferhat Abbas, Paris: Éditions Garnier Frères, 1981, p.27.)
Le général de Gaulle lui-même déclara: «Depuis que le monde est le monde, il n’y a jamais eu d’unité, ni, à plus forte raison, de souveraineté algérienne. Carthaginois, Romains, Vandales, Byzantins, Arabes syriens, Arabes de Cordoue, Turcs, Français, ont tour à tour pénétré le pays, sans qu’il y ait eu, à aucun moment, sous aucune forme, un État algérien». (Conférence de presse du général de Gaulle, le 16 septembre 1959.)
Quant à la période coloniale turque, qui dura des années 1500 jusqu’à 1830, soit trois siècles, il est interdit de soutenir qu’elle ne fut pas celle de la gestation d’une nation algérienne.
Et pourtant, la vérité historique est que la Régence turque d’Alger n’était pas une possession oubliée en terre africaine, mais un élément essentiel du dispositif impérial ottoman. À la différence de celles de Tripoli et de Tunis, la Régence d’Alger demeura en effet une colonie de la Porte ottomane sous autorité de Beys nommés à la tête de Beylik ou provinces, puis de Deys placés à la tête de Deylik. Toujours à la différence des Régences de Tripoli et de Tunis, il n’y eut jamais de véritable rupture entre Alger et le centre de l’Empire ottoman. Voilà qui explique pourquoi il n’y eut pas ici d’évolution vers une monarchie nationale comme cela fut le cas en Tunisie avec les Husseinites, ou à Tripoli avec les Karamanli.
Or, un coup terrible a été porté par Boualem Sansal au cœur même de la fausse histoire algérienne fabriquée par le FLN depuis 1962. L’écrivain a en effet osé révéler au grand public une vérité connue des historiens sérieux, mais interdite de publicité, à savoir qu’avant la colonisation française, l’ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc.
Pour encore aggraver son cas, Boualem Sansal ajouta que, durant la guerre d’indépendance, hébergés et aidés diplomatiquement, financièrement et militairement par Rabat, les dirigeants algériens s’étaient engagés à ce que, une fois l’indépendance obtenue, soient restitués au Maroc des territoires qui lui avaient été arrachés par la colonisation. Or, après 1962, non seulement Alger n’a pas respecté sa parole, mais, plus encore, a déclenché contre le Maroc la guerre des Sables de 1963.
C’est donc pour avoir osé toucher au mythe fondateur d’une Algérie historiquement une et indivisible, crime très sévèrement puni par le Code pénal algérien, que Boualem Sansal a été emprisonné. Le «Système» qui l’a pris en otage et qui dirige l’Algérie ne peut en effet tolérer la moindre atteinte au dogme national, toute remise en cause de la fausse histoire de l’Algérie représentant une menace existentielle pour lui.
Une fausse histoire qui hante d’ailleurs un non-dit algérien, résumé d’une phrase par Mohamed Harbi: «L’histoire est l’enfer et le paradis des Algériens». «Enfer» effectivement, car l’histoire montre que l’Algérie n’existait pas avant 1962. D’où ce complexe existentiel qui habite les dirigeants algériens et qui interdit chez eux toute analyse rationnelle. Mais, paradoxe, cette histoire est en même temps «paradis», parce que, pour oublier qu’elle est un «enfer», ces mêmes dirigeants algériens ont fabriqué une artificielle épopée valorisante à laquelle ils sont condamnés à faire semblant de croire.
Dans cet exercice de type schizophrénique, ils sont aidés par la gauche française devenue par ethnomasochisme la gardienne vigilante du mensonge national algérien.
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