La frontière algéro-marocaine: de Figuig à la frontière du Mali

Bernard Lugan.

Bernard Lugan.

ChroniqueLe long de cette route naturelle jalonnée d’oasis plantées de palmiers et s’étendant de Figuig à Aïn Salah, les droits marocains étaient immémoriaux. Ce furent donc des territoires sahariens appartenant au Royaume du Maroc, qui furent arrachés à ce dernier pour constituer des départements algériens, les «Départements du sud».

Le 26/12/2023 à 11h01

Dans ma précédente chronique, j’ai abordé la partie nord de la frontière algéro-marocaine définie par le Traité de Lalla Maghnia de 1845. Aujourd’hui, voyons ce qu’il en fut au sud de Figuig, dans ce que les plénipotentiaires définirent comme le Troisième secteur.

3. Troisième secteur:

Dans le Sahara (art. 4), la convention de Lalla Maghnia excluait le partage territorial, car il était écrit que, comme il s’agissait du «désert proprement dit (…) la délimitation en serait superflue» (art. 6).

S’appuyant sur cet article 6, l’Algérie soutient que le Maroc et la France auraient ainsi implicitement reconnu que le Sahara était alors une «res nullius», dont la propriété reviendrait au premier occupant, c’est-à-dire à la France dont l’Algérie est l’héritière.

Deux objections majeures vont à l’encontre de cette thèse, l’une est géographique, l’autre historique:

- Cette région au climat désertique n’était pas un désert dans sa définition reconnue, car elle abritait trois cents ksour, notamment, mais pas exclusivement, le long de la vallée de la Saoura, et sur une longueur de 600 kilomètres. De plus, elle était parfaitement connue des Marocains, car elle était traversée et animée de temps immémorial par une voie commerciale qui, partant de Marrakech et du Tafilalet, aboutissait au Niger, via le Touat et la Saoura.

- Jusqu’à la fin du 19ème siècle, la région relevait de la souveraineté marocaine. Les archives contiennent en effet nombre de documents liés à la nomination de représentants du Makhzen qui administraient, rendaient la justice et prélevaient l’impôt. Quant à la prière, elle y était dite au nom du sultan marocain.

Les frontières entre l’Algérie française et le Maroc, établies en 1845 lors des accords de Lalla Maghnia, ne concernaient donc que leur partie nord, c’est-à-dire de la mer jusqu’à Teniet Sassi. Or, à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème, les troupes françaises poussèrent vers le «Grand Sud»: Saoura, Gourara, Touat et Tidikelt, vaste ensemble désigné par l’administration coloniale sous le nom de «Région des Oasis».

Or, le long de cette route naturelle jalonnée d’oasis plantées de palmiers et s’étendant de Figuig à Aïn Salah, les droits marocains étaient immémoriaux. Ce furent donc des territoires sahariens appartenant au Royaume du Maroc qui furent arrachés à ce dernier pour constituer des départements algériens, les «Départements du Sud».

Ce fut son projet de chemin de fer transsaharien qui poussa la France à prendre le contrôle de ces régions, le tracé le plus court étant celui de l’Ouest, à savoir par la Saoura et le Touat. Jusqu’à l’actuel Mali, l’ancien Soudan français. Or, le problème était qu’il s’agissait de régions situées dans le troisième secteur défini à Lalla Maghnia, à savoir au sud de Figuig et où aucune délimitation frontalière n’avait été réalisée.

Cette zone fut explorée et occupée progressivement par des éléments militaires français venant de l’Afrique-Occidentale française (AOF), du Sud marocain et du Sud-ouest algérien. La stratégie française fut alors d’atteindre le Gourara par l’oued Zousfana, et Igli.

Nous verrons dans ma prochaine chronique comment Igli, Tabelbala, Béchar et Tindouf furent offertes à l’Algérie française.

Par Bernard Lugan
Le 26/12/2023 à 11h01