Je suis ému.
Le gardien de nuit de l’hôtel est Marocain. Il s’appelle Saïd. Dès qu’il m’a vu, il s’est précipité sur moi et m’a serré dans ses bras. Je n’avais pas oublié que le Conseil de sécurité de l’ONU devait se réunir ce vendredi. Mais, je n’avais pas eu l’information. J’étais dans une salle où l’on projetait un film croate en compétition au Festival du cinéma des Balkans à Rome.
Je suis sous le coup de l’émotion et Saïd est heureux. Nous avons parlé. Il a fait des selfies, envoyés sur le champ à sa mère. Laquelle nous a montré la foule heureuse dans les rues de Casa. Un évènement historique. Un moment de bonheur collectif. C’est magnifique.
«Il faut fêter ça!», me lance Saïd. Pas d’alcool, juste un jus de fruit. Nous voilà dans le hall de l’hôtel en train de trinquer en pensant d’abord à notre pays puis à notre Roi. Le peuple est déjà dans la rue. Il nous manque le drapeau. Il était tard pour aller en acheter un. Alors Saïd, qui n’a peur de rien, entame l’hymne national à minuit dans un quatre étoiles non loin de via Veneto, la rue rendue célèbre par «La Dolce Vita» de Federico Fellini.
«Il faut dire que la clairvoyance, l’intelligence exceptionnelle du Souverain, ont tracé les lignes de la diplomatie marocaine. Il lui a fallu beaucoup de patience et de sagesse pour ne pas s’être laissé entraîner dans une guerre que les généraux d’Alger espéraient. »
— Tahar Ben Jelloun
Le Maroc a légalement, universellement réalisé son intégrité territoriale. Nous sortons dans la rue. Les Italiens sont indifférents; on aimerait les arrêter et leur apprendre la bonne nouvelle. Ils nous prendraient pour des fous. Ils auraient raison.
Je suis ému comme l’innocent qui attend depuis cinquante ans qu’un tribunal lui rende justice. Il soupire enfin, se sent léger, reconnu dans son droit avec la certitude que plus personne ne viendra contester ce verdict.
Enfin la justice a triomphé et le Maghreb a perdu un demi-siècle dans un conflit artificiel, stupide et sans issue pour les adversaires de l’intégrité territoriale du Maroc.
J’ai particulièrement apprécié ce que Sa Majesté a dit en parlant de l’avenir, avec, «ni vainqueur, ni vaincu». La main tendue de nouveau et l’appel à construire enfin l’entité maghrébine qui saura s’imposer face à l’Europe et au reste du monde. Cela s’appelle la grâce et la générosité. Cela veut dire la grandeur d’âme, et l’humilité de la justice.
Je suis ému parce que, comme tous les citoyens, je portais en moi la marocanité du Sahara comme une identité inébranlable, et je ne comprenais pas que certains nous refusaient ce droit.
Je suis ému parce que j’ai vécu ce moment historique comme j’avais vécu celui de la Marche Verte. Cette excellente nouvelle est arrivée avec une pluie généreuse sur presque tout le pays.
Je suis ému de voir des liesses populaires dans tout le pays, joie forte et sincère des citoyens. Il n’y a pas plus doux que le sentiment d’une victoire venue du droit et de la justice, sans la moindre hésitation. Je me demande pourquoi le Pakistan s’est abstenu. L’abstention de la Chine et de la Russie était attendue.
Il faut dire que la clairvoyance, l’intelligence exceptionnelle du Souverain, ont tracé les lignes de la diplomatie marocaine. Il lui a fallu beaucoup de patience et de sagesse pour ne pas s’être laissé entraîner dans une guerre que les généraux d’Alger espéraient.
Notre Roi a cru au droit et à la justice. Il a eu raison. Nous lui devons cette journée historique.





