Rien ne va plus entre les enseignants du supérieur et le ministère de l'Enseignement supérieur. Après la grève des 7, 8 et 9 juin 2022, la tension est montée d’un cran à l’issue d’une réunion, jeudi dernier à Rabat, entre Abdellatif Miraoui, le ministre, et les membres du bureau national du Syndicat national de l’enseignement supérieur (Snesup). Les enseignants chercheurs fondaient beaucoup d’espoir sur cette rencontre, et attendaient du ministre une promesse ferme pour activer sans délai la réforme du statut de l’enseignant-chercheur, dont le texte avait fait l’objet de longues discussions depuis le mandat de l’ancien ministre, Lahcen Daoudi, issu du PJD.
«La réforme du statut de l’enseignement-chercheur a tardé à voir le jour à cause des deux gouvernements PJD qui ont accordé la priorité au secteur privé. L’enseignement public était le cadet de leurs soucis», déplore Jamal Sebbani, secrétaire général du SNE-SUP, contacté par Le360.
En octobre 2020, les négociations avaient repris avec l’ex-ministre, Saaïd Amzazi, avant d’aboutir, en avril 2021, à une mouture définitive du texte, indique Jamal Sebbani.
Concrètement, le projet de réforme de ce statut prévoit, entre autres, une revalorisation des indemnités des enseignants chercheurs, allant de 2.000 dirhams pour les professeurs assistants jusqu’à 4.000 dirhams pour les professeurs d’enseignement supérieur (3.000 dirhams pour les professeurs habilités).
«Lors d’une réunion en octobre 2021, le nouveau ministre, Abdellatif Miraoui, nous a promis, dans la continuité du travail établi avec ses prédécesseurs, de prendre acte du texte ficelé avec Amzazi, et s’est montré favorable à l’idée de l’intégrer dans le package de la réforme globale de l'université, qui couvre également la loi 00-01 et un autre volet consacré aux normes pédagogiques», explique Jamal Sebbani.
Impatients, les membres du Snesup se disent aujourd’hui déçus du retard pris dans ce dossier, et l'ont fait savoir via un communiqué diffusé, vendredi dernier, au lendemain de la réunion avec le ministre.
«Le dossier n’a malheureusement pas bougé d’un iota», regrette-t-on du côté du Snesup qui, dans un geste annonciateur d’une nouvelle escalade, a appelé à une mobilisation générale pour réussir le rendez-vous de la commission administrative, le parlement du syndicat (plus de 100 membres), fixé au 3 juillet prochain.
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«Ne me demandez pas de réaliser en quelques mois des choses que vous n’avez pas réussi à obtenir en trente ans», aurait lancé Abdellatif Miraoui aux syndicalistes lors de la réunion de jeudi dernier. Une source au ministère nous confie que l’augmentation des indemnités, telle que discutée avec l’équipe Amzazi, n’est qu’une simple promesse à laquelle ni les services du ministère des Finances ni ceux de la Primature n’ont jamais été associés.
«Le ministre a promis de militer pour un nouveau statut motivant et consacrant la méritocratie», poursuit ce même interlocuteur, ajoutant qu’«au vu de la conjoncture actuelle, le travail de négociation autour d’une augmentation des salaires s’avère délicat».
«Des négociations sont en cours avec le ministère délégué du budget pour trouver comment améliorer les choses et remettre la méritocratie au centre de l’activité des enseignants chercheurs», précise-t-il. Toutefois, pour l’heure, rien n’est encore décidé, il faut attendre le projet de loi de finances 2023 pour mesurer les avancées réalisées dans ce dossier.
La masse salariale représente le plus gros poste de dépense du ministère de l’Enseignement supérieur (environ 8 milliards de dirhams sur un total de 14 milliards de dirhams). Toutes choses étant égales par ailleurs, elle devrait atteindre 9 milliards de dirhams à l'horizon 2026, et ce, uniquement avec l'intégration des évolutions réglementaires de carrière.
Selon les projections du ministère de l'Enseignement supérieur, une revalorisation des indemnités des enseignants-chercheurs, telle que réclamée par le Snesup, devrait coûter un budget additionnel immédiat de 2 milliards de dirhams. Le gouvernement, qui vient de décréter une rallonge budgétaire de 16 milliards de dirhams pour faire face à la flambée de la charge de compensation, est-il en mesure de mobiliser deux autres milliards de dirhams pour satisfaires cette revendication des enseignants? La réponse ne tardera pas à tomber. «Le ministre est très confiant de pouvoir trouver une solution à la question du statut avant les vacances d’été», assure cette source au ministère de l’Enseignement supérieur.