A quelque chose malheur est bon. Ce dicton ne se sera jamais aussi bien vérifié qu’aux temps actuels où la pandémie du coronavirus sévit (toujours) au Maroc, avec pertes et fracas humains, sociaux et économiques. Il est de ces femmes et hommes qui se sont, presque par instinct, révélés à la hauteur de la situation, donnant le meilleur d’eux-mêmes. Mais il en est d’autres qui se sont tout simplement dégonflés, troquant les grands airs qu'ils arboraient avant, contre un mutisme aussi stérile que coupable. Voici, en 5 vs 5, le match des meilleurs, et des pires, de nos responsables gouvernementaux.
And the winners are…Mohamed BenchaâbounIl est banquier de la tête aux pieds, peu loquace, fuyant la lumière comme la peste et c’est pratiquement par défaut qu’il s’est retrouvé à la tête du ministère de l’Economie et des finances. Et il fait très bien le job. Mohamed Benchaâboun a été de toutes les batailles dans la gestion des effets du coronavirus, de l’institution par le roi Mohammed VI du fonds dédié à la pandémie, jusqu’au soutien social et économique de pans entiers de la société marocaine à travers la mise en place d’allocations et mesures d’aides financières. Déplafonnement de la dette en cas de crise majeure, maintien des équilibres macro-économiques (pour l’instant), mesures d’appui aux entreprises, c’est, là aussi, lui. Et ce n’est pas fini. Benchaâboun est attendu pour la suite, le plus dur en termes d’impact économique du coronavirus étant à venir.
Moulay Hafid ElalamyIl est clivant et, jusqu'ici, n’a jamais vraiment convaincu, mais Moulay Hafid Elalamy a été un vrai «man of the hour» une fois la crise du Covid-19 devenue une réalité. C’est à lui qu’est revenue la charge de mettre à exécution la stratégie d’anticipation adoptée par le Royaume, dans son volet lié au tissu industriel. Si le Maroc a pu se faire l’économie d’une pénurie en masques de protection, une catastrophe pourtant annoncée dans nos usines de production, et d'une démission totale de nombre d’industriels et d'investisseurs, marocains comme étrangers, c’est grâce à lui. Fin communicateur, amoureux du verbe, le ministre de l’Industrie s’est également révélé un homme d’action, de terrain, veillant aux normes, scrutant le tissu industriel en fonction, et bataillant pour le maintien de l’activité économique vitale au pays. Là encore, Moulay Hafid Elalamy devra redoubler d’énergie et d’intelligence dans la fabrication du scénario de gestion de crise économique qui s’annonce.
Aziz AkhannouchD’aucuns craignaient une exclusion du monde rural du dispositif de gestion du coronavirus, une pénurie de produits alimentaires, la résurgence des trafics et fraudes en tous genres sur ces denrées de première nécessité, une hausse des prix, le confinement ayant également coïncidé avec le mois de ramadan. Il n’en fut strictement rien. Et c’est là une prouesse, tant le ravitaillement du marché national que l’export des produits agricoles et agro-alimentaires ont été maintenus. Malgré la sécheresse qui marque cette saison agricole, le secteur résiste (et bien). Là encore, le ministère, probablement le plus important du pays, a pu compter sur une institution qui a fait tout le nécessaire pour venir en aide aux agriculteurs: le Crédit agricole du Maroc. N'oublions surtout pas la mutuelle agricole MAMDA.
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Nasser BouritaDiplomate-né, aussi fin que perspicace, Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, a déployé larges toutes les ailes de la diplomatie marocaine dans la gestion d’une crise mondiale. C’est en effet grâce à cette diplomatie active, et à une stratégie enclenchée depuis toujours par le souverain, que le Maroc a notamment pu s’approvisionner aux premières heures de la crise sanitaire, en kits de dépistages et en moyens de lutte contre le coronavirus. Les diplomates ont pour ce faire été mués en agents commerciaux du Royaume auprès de pays comme la Chine et la Corée du Sud. Le rapatriement réussi d’une grande majorité des ressortissants étrangers bloqués au Maroc au moment du déclenchement de la fermeture des frontières est également à mettre à l’actif de la diplomatie marocaine. Tout comme la prise en charge des Marocains bloqués à l’étranger. Il lui reste, avec ses équipes, à réussir leur rapatriement dans les meilleures conditions sanitaires et humaines.
Abdelouafi LaftitIl a eu à gérer la partie la plus complexe de la gestion de la pandémie du coronavirus au Maroc, le maintien de l’ordre et le respect de l’état d’urgence sanitaire toujours en cours au Maroc. Ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, toujours fidèle à sa grande discrétion et efficacité éprouvée, a brillé. Prenant appui sur une communication dosée, claire et sans fioriture, sur une population marocaine qui (dans son écrasante majorité) a très vite saisi les enjeux de la crise, Abdelouafi Laftit a également pu se reposer sur une DGSN (Direction générale de la sûreté nationale) qui a été d’une exceptionnelle mobilisation, bienveillance et efficacité pour faire régner la loi à un moment où le chaos était plus qu’un scénario. Cette dernière est soutenue, par ailleurs, par tous les corps constitués de la sécurité nationale (Gendarmerie, Forces auxiliaires, Forces armées royales…)
…Et ceux qui ont raté le cocheSaâd-Eddine El OthmaniIl aura été lent (et long dans ses explications), peu riche en solutions et, surtout, dépassé par les événements à un moment de grosse urgence. Saâdeddine El Othmani, tout chef du gouvernement qu’il est, nous aura surpris par son manque d’entrain, son discours soit trop optimiste, ou alors trop alarmiste, mais définitivement tardif et inadapté à la situation. Son manque d’anticipation et sa stature de simple spectateur de la réaction de l’administration et de la population a également démontré comment le politique peut (et est) déphasé de la réalité.
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Khalid Aït TalebIl est ministre de la Santé, mais c’est surtout son staff (qu’il n’a pas choisi) qui a démontré que le secteur était encore guérissable au Maroc. Au moment où il fallait qu’il prenne le lead dans une période d’immenses tensions sur la santé au Maroc, Khalid Aït Taleb a pris un fâcheux recul et une intolérable distance, se contentant d’une gestion politique d’une crise sanitaire majeure et laissant pratiquement tout le secteur livré à son sort. Pire encore, maintenant que le plus dur pour son département est passé, il cherche à s’accaparer les lauriers d’une gestion exemplaire menée littéralement à son insu par les cadres de ce ministère. Des cadres qui nous ont pourtant (et enfin!) redonné confiance dans notre système de santé, et que nous gagnerions tous à connaître et reconnaître.
Jamila MoussaliElle trône à la tête d’un département tentaculaire, sensible, et dans lequel se jouent des vies entières et une vraie communauté: les marginalisés. Mais c’est surtout par son absence que Jamila Moussali, ministre de la Solidarité, du développement social, de la parité et de la famille, a brillé. Son inaction pendant cette période de grande crise sanitaire et socio-économique est remarquable. La ministre n’a nullement songé à activer l’institution de l’Entraide nationale, qui aurait pu se mobiliser en faveur des enfants en situation de rue, ou des femmes travaillant dans l’artisanat, qui souffrent le martyre. La montée des violences contre les femmes pendant la période de confinement et les privations économiques dont nombre d’épouses ont été victimes de la part de leur mari ont glissé sur elle comme de l'eau sur les plumes d'un canard. Et c’est Haram.
Nadia Fettah AlaouiAu moment de sa nomination en tant que ministre du Tourisme, elle avait été présentée comme le degré ultime de la compétence. C’est fort probablement le cas mais tout lui reste à prouver, aujourd'hui encore. Le fait est qu’alors que le secteur s’est littéralement effondré, les frontières étant fermées, Nadia Fettah Alaoui a fait peu, très peu. C’est à peine si elle a sorti une loi pour la survie des agences et opérateurs de voyage…en annulant la possibilité de remboursement des personnes ayant pris des réservations avant le confinement. Les hôteliers, guides, artisans et bien d’autres centaines de milliers d’acteurs attendront, et n’ont, en attendant, que leurs yeux pour pleurer.
Mustapha RamidAvocat notoire, ailier droit de la mouvance islamiste au Maroc, volontiers provocateur et tonitruant à souhait, le ministre d’Etat en charge des droits de l’Homme aura été particulièrement taciturne pendant cette période de gestion du coronavirus. Pourtant, le concernant, ce ne sont pas les sujets brûlants qui ont manqué. On en retiendra deux, et non des moindres. Le premier n’est autre que la polémique née après l’introduction (fort heureusement avortée) d’un projet de loi restrictif sur la liberté d’expression et d’opinion sur les réseaux sociaux. Le second n’est autre la plainte pour viol portée par un jeune Marocain contre un certain Slimane Raïssouni, rédacteur en chef du quotidien Akhbar Alyoum. Qu’en dites vous Maître? Ou alors, les droits de l’Homme sont toujours à géométrie variable, selon vous?