Au Maroc, une nouvelle génération se distingue par son hyperconnectivité et son engagement spontané. Elle se reconnaît sous le code GenZ212, symbole à la fois numérique et national. Plutôt que de la juger impatiente ou dispersée, il faut comprendre qu’elle évolue dans un monde saturé de messages, où parler est devenu réflexe et écouter, un art encore rare.
Cette jeunesse exprime ses idées et ses indignations avec force, car c’est sa manière de se faire entendre et de se positionner socialement. Dans les rues comme sur les réseaux, la passion prime souvent sur la nuance et l’indignation sur la réflexion raisonnée. La colère est rapide à partager et peut être spectaculaire; mais, trop souvent, elle est récupérée par des acteurs extérieurs: influenceurs, médias, politiciens ou figures publiques transforment l’énergie idéaliste des jeunes en spectacle, parfois au détriment de solutions concrètes. L’ardeur devient alors un instrument plutôt qu’un moteur de changement réel.
Comme le souligne Ziyad Limam, directeur du magazine Afrique Magazine, «l’émergence rapide du Maroc a suscité ce mouvement: il y a eu de grands progrès économiques, et, comme dans tous les pays qui avancent vite, la population s’attend à ce que les services publics et sociaux suivent le même rythme». Cette remarque éclaire parfaitement le phénomène. La jeunesse marocaine agit avec l’énergie d’un pays en transformation. Ses attentes sont légitimes: elle souhaite que le développement matériel s’accompagne d’une amélioration sociale et morale.
Le vrai problème n’est donc pas la jeunesse, mais ceux qui exploitent son idéal. Des intellectuels en quête de reconnaissance, des figures médiatiques cherchant visibilité, ou des politiciens recyclant la colère populaire et transforment parfois l’engagement en produit rentable. L’indignation devient un spectacle et le potentiel de transformation, un simple outil de marketing émotionnel.
Pour que cette énergie soit productive, il faut une responsabilisation partagée. La réforme ne repose pas seulement sur la jeunesse, mais sur une société capable de valoriser la rigueur, le respect du temps, la compétence et la cohérence entre valeurs et comportements. La corruption n’est plus seulement une pathologie du sommet. Elle s’invite dans les retards tolérés, les faveurs accordées et les petits mensonges quotidiens. Réapprendre la responsabilité individuelle est un impératif pour que le Maroc continue à avancer.
Certains critiquent l’État pour ses investissements dans les infrastructures sportives ou urbaines, au lieu de privilégier l’éducation ou la santé. Pourtant, ces projets nourrissent l’économie et soutiennent le capital humain: stades, routes et ports créent des emplois, attirent des touristes et des investissements, qui alimentent ensuite les services publics. Même un stade de hockey peut devenir un moteur de dynamisme local et de rayonnement international. Ces projets doivent néanmoins être équilibrés et inclusifs, car les périphéries et les secteurs essentiels comme la santé ne peuvent être négligés.
La génération Z n’est ni perdue ni cynique. Elle est au seuil d’une transition, consciente d’un monde ancien et aspirant à un monde global. Elle possède les outils du changement, mais pas encore la méthode. Elle rêve, s’indigne et agit. Les véritables freins à son potentiel sont ceux qui transforment cette énergie en simple spectacle, plutôt qu’en force constructive.
Le Maroc de demain se construira dans la constance du geste, le courage tranquille de penser et la profondeur des alternatives. La jeunesse a l’énergie. Il revient à la société, et surtout à ceux qui l’instrumentalisent, de ne pas transformer cette énergie en simple bruit. Car une société ne mûrit pas par la force de ses colères, mais par la profondeur de ses projets et de ses choix.










