Enseignement supérieur: le SNESup rejette la nouvelle loi-cadre et met en garde contre un boycott de la rentrée

Youssef Kouari, membre du bureau du SNESup et du Parti du progrès et du socialisme (PPS). (Y.Mannan/Le360)

Le 31/08/2025 à 15h34

VidéoLe Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESup) tire la sonnette d’alarme. Opposé à la loi-cadre n°54.29 adoptée en Conseil de gouvernement, il dénonce une réforme qui marginalise les enseignants et menace l’avenir du public au profit du privé. À quelques jours de la rentrée, il met en garde: sans révision du texte par le ministre Azzedine Midaoui, la contestation s’invitera sur les campus.

Le Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESup) a rejeté le projet de loi-cadre n°54.29 sur la réforme du secteur de l’enseignement supérieur, adopté jeudi dernier en Conseil de gouvernement. Il met en garde contre une rentrée universitaire perturbée si le ministre Azzedine Midaoui ne révise pas ce texte.

Cette loi destinée à remplacer l’ancienne loi n°01.00, est contestée par le SNESup au motif que «le rôle du principal acteur, l’enseignant, a été écarté de la nouvelle loi». Youssef Kouari, membre du bureau du SNESup et du Parti du progrès et du socialisme (PPS), rappelle que «la revendication de révision de la loi 01-00 est d’origine syndicale. Le SNESup a eu le courage de la porter à la table du dialogue avec le gouvernement, représenté à l’époque par les ministres Saïd Amzazi, Abdellatif Miraoui et Ezzedine Midaoui».

Il déplore que la commission bilatérale chargée de réfléchir à cette réforme n’ait abouti à aucun résultat, faute de moyens et de conditions de travail. «En définitive, le principal point de protestation du syndicat est qu’il n’a été ni consulté ni associé, de près ou de loin, à la rédaction de cette loi», souligne-t-il, dénonçant «une rupture méthodologique de l’accord initial basé sur un dialogue sérieux et une responsabilité partagée entre les deux parties».

Selon Kouari, «60% de cette loi concernent l’enseignement privé, alors que seulement 40% touchent l’enseignement public, qui représente pourtant 90% des étudiants marocains». Il estime dangereux que la loi accorde aux établissements privés les mêmes prérogatives que les établissements publics en matière de délivrance des diplômes.

Autre point sensible: la gouvernance universitaire. La nouvelle loi prévoit la création de deux conseils par université — un Conseil de l’université et un Conseil des gouverneurs —, ce que le SNESup rejette fermement. «Le nombre d’enseignants dans ces conseils a été réduit, et leurs compétences administratives, financières et pédagogiques transférées au Conseil des gouverneurs, dont les membres sont nommés par le ministre », explique-t-il. Pour le syndicat, ce système «exclut les enseignants et les universités de la gestion de leurs propres affaires».

Le Conseil supérieur de l’éducation lui-même avait formulé des remarques critiques, qui n’ont pas été prises en compte. Sur le plan pédagogique, le syndicat s’oppose également à plusieurs mesures concernant les Masters, notamment le mode de sélection basé sur les notes de la licence. «Ce critère n’est pas objectivement équitable», estime un professeur de la Faculté des sciences et techniques de Mohammédia.

En conclusion, Youssef Kouari avertit: «Le syndicat demande au ministre et au gouvernement de ne pas pousser l’université vers la contestation, mais plutôt d’ouvrir un véritable dialogue pour réviser cette loi dans l’intérêt de l’enseignement supérieur public.»

Entre promesse de modernisation et crainte de marginalisation, la nouvelle loi place l’université marocaine à la croisée des chemins. Reste à savoir si le gouvernement choisira l’épreuve de force ou l’ouverture d’un dialogue avec ses enseignants.

Par Mohamed Chakir Alaoui et Yassine Mannan
Le 31/08/2025 à 15h34