Ce sont des moments difficiles que traverse notre pays. Son économie et ses finances accusent le coup. Pour ne rien arranger, ici et là, on n’entend que revendications, écrit le quotidien Al Akhbar dans l’édito de son numéro du jeudi 7 avril. Les infirmiers exigent une augmentation de salaire, les enseignants universitaires s’impatientent de voir adopter leur nouveau statut, les enseignants cadres des AREF veulent une régularisation de leur situation matérielle et légale, les propriétaires des écoles privées poussent vers un allègement fiscal pour augmenter leurs bénéfices, les associations de transporteurs menacent de grève si leurs membres ne reçoivent pas immédiatement leur part des aides publiques…
Tout ce monde, relève l’éditorialiste, ne fait que revendiquer sans penser à aucun moment à assumer sa part de l’effort de solidarité nationale. Personne ne veut apporter sa contribution pour faire face à cette conjoncture exceptionnelle. Malheureusement, tout le monde attend son tour pour arracher quelque chose à l’État, comme s’il s’agissait d’une vache à lait. Une vache que chacun attend son tour de traire, de la manière la plus abjecte qui soit. L’État doit, de même, faire face à ces demandes, revendications et exigences, corporatistes et même égoïstes, qui émanent de partout. Peu importe si les institutions et les établissements publics tombent en faillite, comme c’est le cas aujourd’hui au Liban. Ce qui importe aux auteurs de ce discours égoïste, c’est de saisir l’occasion et profiter de la situation. Et après eux le déluge, se disent-ils. Pour eux, la fin (matérielle) justifie les moyens, note l’éditorialiste. Et tant pis si le fait de satisfaire leur revendication aggrave encore plus le déficit des finances publiques, relève le niveau de la dette, réduit le taux de croissance et augmente le taux d’inflation.
C’est cette manifestation réelle de l’égoïsme tribal et du narcissisme corporatiste qui fait que les rapports entre certaines catégories de citoyens et la patrie soient conditionnés par l’intérêt et façonnés par l’opportunisme. Ce sont des rapports qui ne répondent qu’à l’intérêt individuel et corporatiste. Et si, à un moment donné et pour des causes dont la maîtrise échappe à tout le monde, ces intérêts ne sont pas satisfaits, on brandit la menace. Grèves, protestations, arrêt de travail… Peu importe sa nature puisqu’au final cela reste un instrument de chantage. C’est comme si ce pays n’était finalement pas aussi le leur.
Ces propriétaires des écoles privées ou de sociétés de transport, ces hôteliers, ces détenteurs d’agréments et même ces fonctionnaires qui perçoivent chaque fin de mois et de manière régulière leurs salaires, qu’ont-ils laissé comme revendications au simple citoyen qui trime toute la journée, s'interroge l’éditorialiste.
Pour dire vrai, en ces jours difficiles, souligne le quotidien, notre pays n’a pas besoin qu’on exige plus de lui. Surtout quand ceux qui revendiquent peuvent, grâce à leur situation relativement confortable, faire face à la conjoncture. Notre pays a besoin aujourd’hui de citoyens qui exercent pleinement leur citoyenneté, avec ce que cela impose comme devoirs. En ces moments difficiles, nous avons besoin de plus de valeurs et de moins d’opportunisme. Tout le monde doit comprendre que l’État n’est finalement pas une vache à lait.