Abdelkrim Benatiq est un touche-à-tout et un homme politique d’expérience, dont les avis sont sollicités. Docteur en droit, diplômé en lettres, linguistique, gestion des ressources humaines, économie internationale, diplomatie et stratégie, ce syndicaliste qui a fait ses classes au sein de la Confédération démocratique du travail (CDT) et de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) a occupé plusieurs postes ministériels.
Ancien secrétaire d’Etat (PME en 2000, puis Commerce extérieur en 2001) au sein du gouvernement d’alternance dirigé par Abderrahmane El Youssoufi, Benatiq fondera en 2005 le Parti travailliste après sa rupture de ban avec l’USFP. Réputé pragmatique, il reviendra en 2017 avec armes et bagages au sein de l’USFP, lui qui a milité à la Chabiba Ittihadia alors qu’il n’avait que 13 ans. Ce retour lui vaudra un nouveau portefeuille au sein du gouvernement El Othmani, où il est nommé ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration (2017-2019).
Une nouvelle fois fâché avec l’USFP, c’est à titre d’homme politique "indépendant" qu’il a accordé une longue interview au quotidien Assabah, parue dans son édition de ce mercredi 29 avril. Il y décortique l’action du gouvernement face à la pandémie de coronavirus.
Abdelkrim Benatiq salue d'abord les "décisions fortes" que les autorités marocaines ont rapidement prises pour tenter de freiner la propagation de la maladie du Covid-19. L’Etat a tout simplement rempli comme il se doit ses responsabilités politiques, économiques et sociales en veillant à la continuité du bon fonctionnement des services publics.
Selon lui, la création à temps du Fonds spécial de solidarité dans lequel l'Etat a immédiatement injecté 10 milliards de dirhams et que des dons publics et privés continuent d'alimenter, ainsi que la mise en place du Comité de veille économique, ont été les moments forts de l’anticipation marocaine en riposte à la pandémie.
Cependant, malgré la rapidité de la réactivité des pouvoirs publics, Benatiq estime qu’il ne faut pas faire preuve de triomphalisme, car la lutte contre le Covid-19 aura un coût élevé pour l’économie marocaine. Le confinement, s’il se prolonge encore, aura des retombées négatives directes sur le Produit intérieur brut du pays, comme le prévoient déjà de nombreuses études concordantes.
Ainsi, selon une analyse de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), le PIB marocain va être délesté de 10,9 millards de dirhams, soit une baisse de 3,8% au 2e trimestre de 2020. Les secteurs les plus touchés par la pandémie de coronavirus seront surtout le tourisme et la construction automobile. A eux seuls, ces deux secteurs concentrent le plus gros contingent de pertes d’emploi enregistrées au Maroc, devant le textile. Il faut aussi craindre une chute des investissements directs étrangers et de la manne des transferts des résidents marocains à l’étranger.
Mais, explique Benatiq, il faut reconnaître que l’anticipation royale a sauvé le Maroc d’une crise qui aurait pu être beaucoup plus grave, voire insurmontable. Reste maintenant à adapter la loi de Finances 2020 aux nouvelles donnes.
En effet, le chamboulement qu’a connu le tissu économique marocain exige la confection d’une loi de Finances rectificative qui prendrait en compte tous les nouvelles donnes imposées par la pandémie (taux de croissance, entreprises locales en difficulté, crise économique chez les partenaires internationaux du Maroc…). Mais le Maroc doit aussi garder le cap du projet de nouveau modèle de développement, car l’après-coronavirus pourrait être porteur de nouvelles opportunités de croissance, aussi bien sur le plan national qu’international, qu'il faut également anticiper dès maintenant, dans le cadre de ce qu'il appelle une "mondialisation intelligente".