D’importantes cargaisons de marchandises, chargées dans une noria de camions, sont actuellement bloquées à la frontière algéro-mauritanienne depuis plusieurs jours et interdites d’entrée sur le territoire mauritanien. Les importateurs de ces marchandises venues d’Algérie ont été priés de présenter des factures dûment établies par les usines à partir desquelles ces marchandises ont été commandées et importées. Une condition rédhibitoire, puisqu'il s'agit là de produits de l’aide alimentaire internationale, non destinés à la vente, et qui ne sont donc estampillés que du nom de l’organisation ou de l’Etat qui les a gracieusement offerts.
Ce coup d’arrêt final intervient après plusieurs tentatives initiées ces dernières années par le gouvernement mauritanien en vue de mettre fin à une contrebande qui constituait une énorme perte pour les caisses de l’Etat, et un danger pour la santé publique.
Flash-back. Il y a quelques années, et à la faveur du cessez-le-feu instauré sous supervision onusienne dans la région en 1991, un trafic commercial s’est peu à peu établi entre les villes du nord de la Mauritanie et les camps de Tindouf. Formée essentiellement des produits de l’aide internationale humanitaire, destinée à l’origine à être distribuée gratuitement aux populations des camps de Lahmada, cette activité de contrebande était surtout orchestrée par les dirigeants du Polisario. Les autorités mauritaniennes ont longtemps fermé les yeux sur ce trafic illicite, car ils y trouvaient leur compte tant qu’il permettait d’approvisionner en produits alimentaires et médicaux bon marché les populations de l’extrême nord, quasiment enclavées par l’éloignement du reste du pays et beaucoup plus proches de Tindouf.
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La communauté internationale, les organisations humanitaires et nombre de pays occidentaux, pourvoyeurs directs de l’aide internationale alimentaire, ont eu beau dénoncer, à l’époque, les détournements et la vente à grande échelle des produits de cette aide humanitaire par les dirigeants du Polisario. Rien n’y fit, puisque ce trafic a été florissant 22 années durant, entre 1995 et 2017.
Il a connu cependant son premier coup d’arrêt quand les autorités mauritaniennes, invoquant des raisons sécuritaires liées à des craintes d’actes terroristes, ont décidé, en juillet 2017, de fermer la frontière algéro-mauritanienne, et de déclarer «zone militaire» toute la région nord du pays.
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L’Algérie, aux prises à ce moment-là avec une chute vertigineuse de sa manne pétrolière, n'a pas tardé pas à réagir à cette fermeture, qui a économiquement étouffé sa région sud-ouest, et surtout desservi les affaires des dirigeants du Polisario. Pour desserrer l’étau, Alger a négocié avec Nouakchott l’établissement du premier passage frontalier entre les deux pays, qui a effectivement été inauguré en août 2018. L'objectif déclaré d'Alger était alors de contrebalancer les activités du passage d’El Guerguerat, à la frontière marocco-mauritanienne, devenu le théâtre d’une intense activité commerciale.
Mais si l’Algérie a initié des caravanes sporadiques d’exportation de ses produits agricoles et industriels vers la Mauritanie et le Sénégal, ce nouveau passage n'a finalement pas profité à la reprise du trafic que menait le Polisario. En cause, les droits de douanes imposés par la Mauritanie à toutes les marchandises venant d’Algérie. Ce que les «commerçants» de Tindouf n’ont eu de cesse de dénoncer. En vain.
Aujourd’hui, les choses se corsent davantage. En effet, cette année 2020 commence mal pour le passage frontalier algéro-mauritanien, car en marge de la confection de la première loi de finances établie sous le magistère du nouveau président Mohamed Ould Cheikh El Gazouani, et en vue de lutter contre les produits de contrebande, qu’ils soient pharmaceutiques, alimentaires ou autres, des instructions fermes ont été données aux douanes, afin de refouler aux frontières tout produit dont l’origine et la facturation ne sont pas clairement établies. De même, plusieurs produits d’importation, considérés comme non essentiels, ont vu leurs droits de douanes démultipliés. Une caravane commerciale algérienne vient de l’apprendre à ses dépens, puisque celle-ci se retrouve bloquée, depuis le 15 janvier dernier, à la frontière nord de la Mauritanie, en attendant de se conformer à la nouvelle réglementation douanière pour pouvoir accéder aux marchés mauritaniens.