COP22: Angela Merkel a failli à l’engagement environnemental de l’Allemagne

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La chancelière de la République fédérale d’Allemagne, Angela Merkel, n’a pas participé à la COP22, fragilisant ainsi l’engagement de son pays leader en matière d’énergies propres. Les explications.

Le 22/11/2016 à 10h48

Angela Merkel ne s’est pas déplacée à Marrakech. L’absence de la chancelière de la République fédérale d’Allemagne au Sommet des chefs d’Etat et de gouvernements, organisé mardi 15 novembre à Marrakech, à l’occasion de la 22ème Conférence internationale des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP22), n’est pas passée inaperçue. Une absence à tout le moins incompréhensible quand on sait qu’une soixantaine de chefs d’Etats et de gouvernements, issus des quatre coins de la planète, ont répondu présent à ce rendez-vous crucial à l’avenir de la terra nostrum.

Que s’est-il alors passé pour que la chancelière de la République fédérale d’Allemagne, à la tête de l’un des pays précurseurs en matière de transition à l’énergie propre, n’honore pas une promesse qu’elle avait pourtant faite aux autorités marocaines? Angela Merkel avait en effet promis aux autorités marocaines de participer au Sommet des chefs d’Etats à Marrakech, a appris Le360 de sources bien informées.

Quel argument pourrait bien faire valoir la chancelière allemande pour justifier une absence qui prend des allures de désintérêt, voire de désengagement, par rapport à l’avenir de la planète? Qu’est-ce qui peut bien justifier de rater un rendez-vous dont l’un des enjeux consistent à négocier l’avenir des générations futures? La non-participation de Merkel au sommet de Marrakech est d’autant plus curieuse qu’elle est à la tête de l’un des pays les plus engagés en faveur de la protection de l’environnement.

En se désistant de la COP22, Angela Merkel fragilise l’engagement de l’Allemagne pour lutter contre le réchauffement de la planète. On saisit les priorités d’un dossier dans l’agenda d’un chef d’Etat au degré de son implication. Quel que soit le motif invoqué, rien ne peut justifier qu’un pays comme l’Allemagne ne pèse pas de tout son poids pour la protection de la planète. La chancelière aurait pu venir à Marrakech le matin et repartir dans la même journée. Elle a vraisemblablement choisi de s’épargner la fatigue d’un vol de quatre heures.

Les entreprises allemandes fragiliséesLa chancelière allemande est connue pour son pragmatisme. Elle sait pertinemment que la COP22, au-delà de sa dimension d’étape charnière dans la réduction des gaz à effet de serre, offre aussi des opportunités d’affaires pour les entreprises allemandes. De ce point de vue, une sous-représentation allemande à Marrakech peut être interprétée comme un mauvais signe de l’engagement de l’Allemagne à renoncer graduellement aux énergies fossiles, à l’origine du réchauffement de la planète, au profit de l’énergie propre. Cela peut aussi constituer un élément qui freine la dynamique des entreprises allemandes à conclure des contrats.

L’Allemagne, qui a fait très tôt le pari des énergies renouvelables à travers l’éolien et le photovoltaïque, s’impose aujourd’hui comme un leader mondial incontesté en termes d’installations, mais représente également un marché non négligeable en termes de fabrication de matériels (machines, composants, etc.). Selon le classement 2015 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’Allemagne, après la République populaire de Chine, est le deuxième pays le plus avancé dans la photovoltaïque. Grâce à son parc de panneaux solaires, l’Allemagne a réussi à générer 33% de son électricité à partir des énergies renouvelables. Un savoir-faire que les entreprises allemandes vendent dans des rendez-vous comme la COP22 et qui a besoin de l’appui politique ayant fait défaut avec l’annulation du déplacement d'Angela Merkel à Marrakech.

Le Maroc entretient pourtant de bonnes relations avec l’AllemagneLa non-participation d’Angela Merkel au Sommet des chefs d’Etat est d’autant plus surprenante qu’il est difficile de la mettre sur le compte d’un froid dans les relations entre Rabat et Berlin. L’Allemagne est liée au Maroc par un partenariat solide, notamment dans la lutte contre le terrorisme et l’émigration illégale. Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, Berlin avait sollicité l’aide des services marocains pour affronter la menace terroriste de plus en plus pesante sur l’Allemagne. Un nouvel accord a été signé de part et d’autre en matière de sécurité globale devant couvrir toutes les formes de criminalité, particulièrement le terrorisme. Rabat a donc répondu favorablement à la demande allemande en mettant à disposition son expérience en matière de lutte antiterroriste.

De plus, pas plus tard que le 28 septembre 2016, le roi Mohammed VI a eu un entretien téléphonique avec la chancelière allemande. Le Maroc s’est engagé à optimiser et à rationaliser la gestion des flux migratoires. A cette occasion, le souverain a donné ses hautes instructions pour un déplacement en Allemagne du ministre de l’Intérieur et d’une équipe d’experts pour accélérer l’identification et le rapatriement des ressortissants marocains concernés par cette opération.

Les relations politiques entre Rabat et Berlin étant au beau fixe, l’attitude d'Angela Merkel en devient davantage incompréhensible. Vue sous l’angle de la responsabilité morale vis-à-vis des générations à venir, l’absence de la chancelière allemande a tout l’air d’un manquement à un devoir. Vue sous l’angle économique, cette absence fait du tort aux entreprises allemandes. Que ce soit du point de vue moral ou économique, en ratant le rendez-vous de Marrakech, Angela Merkel diminue le leadership de l’Allemagne.

Par Ziad Alami
Le 22/11/2016 à 10h48