Comprendre la guerre du Kivu

Bernard Lugan.

ChroniqueVoilà les trois grandes raisons pour lesquelles, depuis 1996, le Rwanda impose une situation de non-retour débouchant sur une sorte d’autonomie régionale sous son contrôle. Or, comme la République démocratique du Congo n’acceptera jamais la perte du Kivu, la question ne semble pas être en voie de règlement.

Le 18/02/2025 à 10h57

La guerre du Kivu est la conséquence de celle de 1990, quand les Tutsis rwandais réfugiés en Ouganda depuis les années 1960 envahirent le Rwanda, alors dirigé par le président hutu Juvénal Habyarimana. Le 6 avril 1994, l’assassinat de ce dernier provoqua le génocide des Tutsis suivi, par la victoire militaire du général Paul Kagamé.

Puis, en 1996, éclata la guerre du Congo, dont le but était de renverser le maréchal Mobutu Sese Seko. Elle fut menée par l’armée rwandaise du général Kagamé et soutenue par Londres et Washington. Depuis, le Rwanda occupe le Kivu, directement ou à travers des milices qui lui sont inféodées, tout en s’employant à y créer une situation de non-retour débouchant sur une sorte de protectorat régional sous son contrôle.

Fin janvier 2025, Goma, la capitale régionale, a été prise par les Tutsis congolais du M23 et par l’armée du Rwanda. Le M23 est un mouvement ainsi nommé en référence aux accords de paix du 23 mars 2009, qui ne furent jamais véritablement appliqués.

La région du Kivu s’étend du nord-ouest du lac Tanganyika jusqu’au nord du lac Kivu, et quasiment jusqu’à l’Ituri. Elle est frontalière de quatre pays, la Tanzanie, le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda. Les causes profondes de sa déstabilisation, et, à travers elle, de toute la région des Grands Lacs découlent de deux tendances lourdes et contradictoires à la fois:

1- La République démocratique du Congo (RDC) veut en reprendre le contrôle, mais elle est surclassée militairement par le Rwanda.

2- Le Rwanda veut directement intégrer le Kivu dans sa zone d’influence.

«La nouveauté est que le Rwanda ne semble plus bénéficier du soutien international post-génocide qui, jusque-là, ne lui avait jamais fait défaut.»

Le cœur de la question du Kivu se situant au Rwanda, sa compréhension passe donc par la mise en évidence des trois objectifs géostratégiques définis par Kigali:

1- Isolé sur ses hautes terres surpeuplées -12 millions d’habitants sur l’équivalent de la superficie de trois départements français-, le Rwanda va droit au collapsus si, d’une manière ou d’une autre, il ne déborde pas vers les régions peu peuplées du Kivu congolais.

2- Sans une ouverture vers le Kivu, le Rwanda, qui est naturellement tourné vers l’océan Indien, n’est que le cul-de-sac de l’Afrique de l’Est, la forêt de la cuvette congolaise formant une barrière naturelle, politique, ethnique, culturelle et linguistique (le kiswahili oriental et le lingala occidental).

3- La réussite économique actuelle du Rwanda repose largement sur le pillage des ressources de la RDC. Selon l’ONU, le Rwanda constitue ainsi la plaque tournante du commerce illicite des pierres précieuses congolaises, le trafic se faisant à travers des sociétés-écrans et des coopératives minières qui donnent le label «Rwanda» aux productions congolaises, ce qui permet de les écouler sur le marché international en dépit de l’embargo. En plus du coltan, des diamants et de l’or, le pétrole de la région de Rutshuru, prolongement de celui du bassin du lac Albert, fait que le Rwanda ne peut pas se retirer d’une région au riche sous-sol.

Voilà les trois grandes raisons pour lesquelles, depuis 1996, le Rwanda impose une situation de non-retour débouchant sur une sorte d’autonomie régionale sous son contrôle. Or, comme la RDC n’acceptera jamais la perte du Kivu, la question ne semble pas être en voie de règlement, car le Rwanda aurait trop à perdre en décidant de se replier sur ses hautes terres. La nouveauté est que, désormais, le Rwanda ne semble plus bénéficier du soutien international post-génocide qui, jusque-là, ne lui avait jamais fait défaut. En effet, ses indéfectibles soutiens anglo-saxons et européens du Nord commencent à se poser des questions…

Par Bernard Lugan
Le 18/02/2025 à 10h57

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VOS RÉACTIONS

C est dommage qu un article commence avec 1990,si vous pouvez aller plus loin que de repeter la meme these des genocidaires,la france en 1990 etait au cote de criminel,ils ont ete en 1994 pour les accompagner au zaire,les preparer,les armer pour revenir mais helàs Kagame a changé le plan d où la haine .Vous devriez comprendre que le Rwanda essayes d eviter tout dependance de l occident,votre arme actuelle,les minerais de la RDC existent depuis que ce pays a été créee,avant 1994,on sait la suite.Je comprend que le Sahel et toute l afrique n en veut plus de la mentalité du Colon,essayer au moins d etre veridique dans vos analyses,vous serez plus professionel.Le mal du Congo,c est d abord les dirigeants congolais et Belge,français et tous ceux qui ne veulent pas lii dire la verite.

Que ça vous plaise ou pas il a le soutien de tout le peuple rwandais. Que les anglo-saxons le soutiennent ou pas , le Rwanda vivra. Le Rwanda vous a gâté avec tant de livres écrits sur lui mais le simple fait que vous avez côtoyé d'anciens historiens de Butare devenus genocidaires, et d'anciens officiers français qui vous ont eu comme prof à Saint Cyr et ser i dans les innombrables opérations au Rwanda ne vous donne pas le statut d'expert du Rwanda Monsieur . Écrivez sur votre cher mauras et laissez l Rwanda tranquille

Parfaitement résumé et expliqué, il faut savoir que ce conflit a fait plus de 6 millions de morts, sans compter les millions de déplacés dans les pays voisins, les atrocités sont quotidiennes ( personnes brûlées vives, enfants découpés à la machette, viols systématiques des femmes et des fillettes, pillage des minerais précieux)..... Le Maroc qui dispense de visas énormément de pays en guerre ou très pauvres doit se réveiller, car on peut importer ces guerres ethniques au Maroc, ce qui réjouis déjà les terroristes du polisario car c'est pour eux l'occasion de voir le Maroc à feu et à sang. Je soupçonne des traîtres aux plus haut sommet de l'état qui veulent voir le Maroc ressembler au Congo, dès lors il faut arrêter d'accueillir des migrants subsahariens car la situation est très critique

Simpliste comme analyse Mr Lugan. Vos positions anti Kagame sont connues et reconnues par les personnes réellement intéressées par ce qui se passe dans cette région. Au fait d'après vous où sont passés les génocidaires FDLR qui ont été exfilrés du Rwanda vers le Kivu par l'operation turquoise en 1994 ? Ce sont ils volatilisés où ont ils une descendance dans la force de l'âge nourris par la haine du Tutsi prêts pour le retour au Rwanda pour aller achever " le travail" commencé en avril 1994 ? Et pourquoi n'évoquez vous pas le sort des congolais rwandophone y compris les Banyamulenge dont les massacres perdurent depuis 199 et ce jusqu'à l'arrivée de leurs sauveurs de la coalition AFC/M23 ? Pourquoi n'évoquez vous pas + de 30 d'instabilité socio économique politique du grand Congo ?

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