«Chergui 2025»: l’Algérie fulmine à l’annonce, se tait à la manœuvre

Lors de l'exercice militaire Chergui 2025. (Photo: Armée de terre)

Lorsque le Maroc et la France ont annoncé, au printemps dernier, la tenue de l’exercice militaire conjoint «Chergui 2025», Alger avait réagi avec fracas, dénonçant une «provocation» à ses frontières et convoquant l’ambassadeur français. Six mois plus tard, alors que les manœuvres se déroulent bel et bien à Errachidia, le régime algérien se mure dans un silence total. Un contraste saisissant, révélateur d’une impéritie diplomatique et d’un aveuglement stratégique face à une coopération maroco-française désormais gravée dans le marbre.

Le 09/10/2025 à 12h00

Au printemps dernier, Alger tonnait. À peine l’annonce de l’exercice militaire maroco-français «Chergui 2025» diffusée que le régime algérien montait aux barricades: convocation de l’ambassadeur de France, déclarations furieuses de la diplomatie, médias d’État en ordre de bataille. L’opération, prévue à Errachidia pour l’automne, était décrite comme une provocation directe, «aux frontières avec l’Algérie». Six mois plus tard, les hélicoptères français et les blindés marocains ont bel et bien manœuvré dans les reliefs de l’Atlas… et Alger garde le silence. Pas une protestation, pas une déclaration officielle, pas une ligne dans les médias. Le contraste est saisissant.

Lorsque «Chergui» n’était encore qu’un projet, le ton du voisin oriental frisait l’hystérie diplomatique. L’Algérie dénonçait officiellement un «acte hostile» de Paris, estimant que ces manœuvres constituaient une menace à sa sécurité. Le ministère algérien des Affaires étrangères avait même convoqué le diplomate français Stéphane Romatet pour lui signifier «la gravité» du projet.

L’opération, expliquait-on alors à Alger, portait un nom «évocateur», Chergui, ce vent chaud venu de l’Est, que les autorités algériennes interprétaient comme une allusion à leur propre position géographique. L’argument prêtait à sourire: la ville algérienne la plus proche d’Errachidia, Béchar, se situe à plus de 200 km du théâtre des manœuvres.

Un silence de mort

Or, à partir du 6 octobre, les Forces armées royales (FAR) et l’armée française ont exécuté les séquences prévues. Déploiement des unités, engagement tactique, opérations aérotransportées et simulations d’assaut. Les chars marocains Abrams ont côtoyé les hélicoptères Tigre et NH90 français. L’armée de terre française a souligné sur son site officiel la qualité du partenariat et la complémentarité des forces.

En face, aucune réaction d’Alger. Ni communiqué, ni indignation publique, ni couverture médiatique particulière. Ce mutisme tranche radicalement avec les diatribes du mois de mars. Indigne, serait-on tenté de commenter et connaissant tout l’aplomb qu’Alger met quand il s’agit de s’écrier.

Mais le régime, a-t-il vraiment d’autre choix que de se taire? Rien n’est moins sûr. Après la surenchère de mars, prolonger la polémique au moment de la réalisation de l’exercice aurait accentué la perception d’isolement d’Alger sur la scène internationale et son manque total de légitimité sur le sujet. Car, à y regarder de près, la junte algérienne pratique elle-même des manœuvres d’envergure à la frontière marocaine, souvent avec la Russie. En 2022 et 2023, les exercices «Bouclier du désert» à Hammaguir, à 50 km du Maroc, n’avaient provoqué aucune réaction officielle de Rabat. En protestant d’abord puis en se taisant ensuite, Alger évite ainsi le risque d’un effet miroir embarrassant. Comment dénoncer chez son voisin ce qu’elle pratique elle-même?

On retiendra que l’annonce de «Chergui» tombait à un moment où Alger cherchait à détourner l’attention d’affaires internes sensibles, notamment l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal – toujours embastillé en Algérie –, les tensions avec Paris autour des expulsions d’Algériens en situation irrégulière, ou encore les accusations d’espionnage sur le sol français. L’agitation diplomatique visait alors à repositionner la crise sur un terrain plus noble, celui du nationalisme et de la rivalité régionale. Mais une fois les projecteurs médiatiques passés à autre chose, poursuivre la polémique aurait été contre-productif. D’où la stratégie du silence.

Plus sérieusement, et loin de ces petits calculs, pour le Maroc et la France, «Chergui» n’a rien d’exceptionnel. L’exercice figure dans un calendrier de coopération militaire déjà dense. Citons les exercices «Al Aqrab» à Benguérir. Ces rendez-vous réguliers participent d’un partenariat stratégique ancien, ancré dans la formation, l’interopérabilité et la préparation conjointe aux défis sécuritaires, notamment sahéliens. Le Maroc consolide ainsi sa stature d’acteur régional fiable et professionnel. La France, elle, préserve un ancrage opérationnel dans une région clé après son retrait du Sahel. Rien qui, objectivement, devrait provoquer les cris d’orfraie du régime d’Alger.

Au fond, le régime d’Alger fait du bruit pour rien. L’Algérie, en s’indignant bruyamment avant l’heure puis en s’effaçant devant le fait accompli, révèle les limites de sa diplomatie et l’inanité de ses réactions hystériques. «Chergui 2025» s’est déroulé sous un ciel calme. Le vent d’Est, lui, s’est soudainement arrêté.

Par Tarik Qattab
Le 09/10/2025 à 12h00