Ali Najab, pilote de chasse et ancien capitaine des Forces royales Air (FRA), a enduré 25 ans de captivité dans les prisons du Polisario à Tindouf, de 1978 à 2003. Une épreuve de 9.125 jours, au cours desquels il a enduré la cruauté du régime algérien et de son appendice le Polisario, et au terme desquels, une fois rentré au Maroc, il a réuni toutes ses forces pour rédiger ses mémoires intitulés «25 ans dans les geôles de Tindouf», parus en 2020 (Ed. la Croisée des Chemins). Dans cet entretien avec Le360, il relate une partie de son vécu douloureux dans l’enfer algéro-polisarien.
Il ouvre son récit en racontant comment 106 militaires algériens ont été capturés lors de la première bataille d’Amgala, en 1976, bataille au cours de laquelle l’armée algérienne avait essuyé une lourde défaite face aux forces marocaines. «Amgala 1 a eu l’effet d’une douche froide en Algérie», lâche-t-il. Quant à Amgala 2, «l’intervention des F5 marocains avait réduit à néant l’armée algérienne», poursuit-il.
Aux apparatchiks du régime algérien qui répètent, à cor et à cri, que l’Algérie n’était pas partie prenante dans le conflit du Sahara marocain, Ali Najab répond que ce sont des «menteurs» et des «naïfs» qui croient pouvoir «tromper l’opinion internationale».
Des interrogatoires dans le QG de l’armée algérienne
«Ils doivent répondre aux questions suivantes : si l’Algérie n’avait rien à voir avec ce problème, pourquoi les prisonniers marocains étaient interrogés dans le quartier général de l’armée algérienne à Tindouf par des officiers algériens? Que faisaient ces derniers à Amgala? Ils ne peuvent pas nous tromper, nous prisonniers, qui savions comment cela se passait. Toutes les batailles sont préparées au QG par des militaires algériens qui viennent s’entretenir avec les maquisards (…). En plus, les conventions de Genève couvrant la guerre sont opposables à l’Algérie avant le Polisario, parce que toutes les tortures et les exactions se passaient sur le territoire de l’Algérie, qui est signataire de ces conventions», explique-t-il.
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Évoquant, dans le même sillage, l’implication avérée et de longue date du régime iranien dans ce conflit, via son soutien au Polisario, Ali Najab rappelle sa rencontre avec l’ancien ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Velayati, venu jusqu’à Tindouf pour «souhaiter la mort à Hassan II, la chute de la monarchie et l’installation d’une république islamique, comme en Iran», en demandant à l’ancien pilote de chasse de dire «amine».
«Je l’ai regardé dans les yeux et j’ai complètement oublié que j’étais prisonnier. Je l’ai traité de tous les noms». À un accompagnateur iranien qui lui lance que le ministre est «votre frère», Ali Najab avait répondu: «Tu n’es pas mon frère. Et lui n’est pas non plus mon frère. Et si l’islam de Khomeyni est l’islam, je préfère le quitter». Suite à ce vif échange, le ministre iranien écourta sa visite à Tindouf et le responsable des prisonniers, qui n’était autre que le frère de l’actuel chef des séparatistes, Brahim Ghali, avait ordonné à son adjoint de torturer Ali Najab.
«Il m’a frappé au visage jusqu’au sang. Un camarade, Ali Jawhar, lieutenant de l’armée de terre qui a protesté, a subi le même traitement. De retour au centre de détention, on nous a torturés pendant 14 jours. J’en garde encore des traces sur mes bras, et mon ami Jawhar doit en avoir lui aussi (…)», se souvient-il.
La foi et le patriotisme pour résister
Où a-t-il trouvé les ressources pour résister, durant 25 longues années, à l’emprisonnement et aux tortures, et ne pas s’effondrer à la fois sur le plan psychologique et physique? «D’abord, dans la foi, qui a joué un rôle considérable. La foi en mes capacités intrinsèques. Chacun possédait un héritage culturel qu’il a mis à profit pour développer une résilience. Et puis, il y a la foi en Dieu, avec laquelle on peut déplacer des montagnes, et enfin la foi en la patrie. Nous avions confiance les uns dans les autres, entre camarades d’infortune. Nous nous soutenions, en faisant fi de nos grades. Nous prenions soin des vieux et des malades et on s’organisait pour que le Polisario ne puisse pas pénétrer (…)».
Quant à «l’affaiblissement» du sentiment patriotique qu’il a constaté, notamment chez les jeunes générations, après sa libération et son retour au Maroc, et auquel il fait allusion dans son livre, l’ancien prisonnier de guerre explique qu’il a été surpris de voir «des gamins et des adultes qui connaissaient mieux l’histoire du FC Barcelone et du Real Madrid que celle du Sahara ou du Maroc». «Il est vrai que le Maroc a changé, mais les Marocains sont devenus des fainéants par rapport à la question politique. Les gens ne sont pas engagés. Ils sont fatigués de la politique», se désole-t-il.
Revenant sur les déclarations bellicistes de la junte militaire, et sur l’hypothèse d’une future déclaration de guerre au Maroc, Ali Najab assure que «ce n’est que de la poudre aux yeux». «Si l’Algérie voulait entrer en guerre avec le Maroc, elle l’aurait fait durant les années 1960, lorsqu’elle avait un meilleur équipement militaire. Ils savent que s’il y a guerre contre le Maroc, il n’y aura ni gagnant ni perdant sur le terrain, mais le régime algérien serait perdant et disparaîtrait. Et puis, la situation a changé. Ils sont aujourd’hui au courant de la puissance de l’aviation et de l’armée marocaines», étaye-t-il.
En conclusion, Ali Najab a livré son analyse sur les raisons de la quasi-méconnaissance de l’histoire des prisonniers de guerre marocains, à la fois par le grand public marocain et par l’opinion publique internationale. «Je présume que feu SM Hassan II ne voulait pas traumatiser le peuple marocain avec cette guerre. En outre, on ne voulait pas dire que nous étions en guerre contre des séparatistes. Et on ne voulait pas faire beaucoup de tapage pour ces prisonniers de guerre qui étaient quand même au nombre de 2.400», explique-t-il.