L’assaut massif, d'une violence inouïe, commis le vendredi 24 juin dernier sur la clôture séparant Nador et Melilia, et qui s'est soldé par un bilan de 23 morts parmi les assaillants suite à une bousculade, continue de livrer ses secrets. La main de la junte au pouvoir en Algérie est désormais évidente dans ce drame, au cours duquel plusieurs dizaines de blessés sont aussi à déplorer, tant parmi les forces de l’ordre marocaines et espagnoles que parmi les migrants.
Citant des sources sécuritaires haut placées à Madrid, le quotidien espagnol à grand tirage El Mundo pointe directement du doigt le régime algérien, l’accusant de faire pression sur Madrid, en relâchant sa vigilance sur ses propres frontières et en facilitant le passage de migrants venus non pas uniquement d’Afrique subsaharienne, mais aussi, et en grand nombre, du Soudan, c'est à dire de l'Est du continent.
«Des sources des forces de sécurité espagnoles soulignent qu'Alger a passé des mois à assouplir les contrôles migratoires sur ses 1.700 km de frontière avec le Maroc, détournant vers son propre territoire une partie du trafic qui traversait l'Egypte, la Libye ou la Tunisie», et qui se dirigeait habituellement vers l’Italie ou la Grèce, indique le quotidien.
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La tragédie, son ampleur et toute la violence qui l’a accompagnée de la part des assaillants trouve ainsi tout son sens. La confirmation, toujours selon El Mundo, vient d’une source policière: «Nous avons détecté une plus grande porosité dans la frontière qui sépare l’Algérie du Maroc.» Et l'un des signaux qui ne trompent pas est, justement, la nationalité soudanaise de la grande majorité des migrants, obligés de passer par l’Algérie pour atteindre le Maroc et la ville de Nador.
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«Avant, ils (les Soudanais, Ndlr) arrivaient au compte-gouttes et par petits groupes. Ils préféraient la route libyenne. Il y en a maintenant plus d'un demi-millier de l'autre côté de la frontière de Melilla, plus ceux qui ont déjà réussi à entrer vendredi et depuis des mois déjà», affirme la source policière d’El Mundo, chiffres à l’appui.
Sur les 325 étrangers qui s'étaient inscrits auprès des services en charge de l'accueil temporaire de migrants à Melilia (CETI), le 21 juin 2022, 139 étaient soudanais, selon un document consulté par El Mundo. «Ce chiffre, mis à jour ce lundi, sera encore plus élevé», indique le journal. Le fait est que c’est la toute première fois que les autorités marocaines ont affaire à autant de migrants soudanais.
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«L’Algérie est en colère contre l’Espagne sur la question sahraouie. Il n'est pas étonnant qu'elle utilise l'immigration avec le Maroc, son rival historique au Maghreb, pour créer des poches d'étrangers près de Melilla, dont elle est séparée par deux heures de route seulement», indique une autre source, celle-ci issue du renseignement espagnol, à El Mundo.
Ces preuves et affirmations mènent toutefois à une évidence: si les frontières de la Libye sont poreuses, celles de l'Algérie avec le Maroc figurent parmi les mieux surveillées au monde. N’est-ce donc pas l’Algérie des généraux qui s'en gargarise, avec des déclarations voulant que les frontières de l’ouest algérien sont infranchissables pour «l’ennemi» marocain? Ces migrants n'ont donc pu arriver au Maroc sans le soutien complice des autorités algériennes. Ce sera à celles-ci désormais d’endosser la responsabilité de ce véritable drame.
Parmi les migrants soudanais, plusieurs sont d’anciens mercenaires qui ont combattu avec des armes, apprend Le360. Et justement, on voit sur les vidéos de l’assaut du 24 juin que nombre de ces migrants étaient armés de bâtons. Certains de ces bâtons étaient enveloppés dans des étuis en métal, dans le but de faire le plus de mal possible à toute personne qui s’interposerait sur le chemin de ces personnes, galvanisées par la force du désespoir.
Dans l’une des vidéos, on voit même des migrants portant des casques et des boucliers subtilisés aux forces de l’ordre marocaines. Un butin de guerre en quelque sorte. L’un des migrants possédait même l’équipement complet des forces anti-émeutes: un casque, une visière et un bouclier.
C’est donc à des personnes armées, déterminées et désespérées que les forces de l’ordre ont eu à faire face. Comment des migrants soudanais, dont d’anciens mercenaires, ont pu emprunter un itinéraire qui n’était pas jusqu'ici le leur? Comment ont-ils pu traverser le territoire algérien, sur des milliers de kilomètres, en toute quiétude? Toute enquête qui voudrait faire la lumière sur ce drame ne peut occulter l’itinéraire emprunté par ces migrants et les complicités dont ils ont bénéficié.