La récente sortie de Khaled Mechaal, invité (à distance) du Mouvement unicité et réforme (MUR), base arrière idéologique du PJD (Parti justice et développement), en a choqué plus d’un. Profitant de sa prise de parole, le leader du Hamas avait interpellé directement l’opinion publique marocaine, lui demandant de faire pression sur l’État pour rompre ses liens diplomatiques avec Israël.
C’était le dimanche 19 novembre au siège du MUR, quand, par vidéo, le porte-parole à l’étranger du mouvement palestinien a sommé, sur un ton on ne peut plus directif, les Marocains d’interpeller leurs «dirigeants». Objectif: passer outre les autorités compétentes, l’institution monarchique en premier, et faire pression sur le Maroc pour revoir sa politique vis-à-vis d’Israël, voire rompre ses relations avec l’État hébreu.
Aous Remmal, président du MUR, s’en défend. Peu connu du grand public, Remmal est un ancien militant d’extrême gauche, ex-enseignant (de Sciences de la vie et de la terre) amateur de guitare et de grosses cylindrées. Il s’est depuis reconverti en prédicateur et figure parmi les fondateurs du mouvement dont il a pris les rênes en novembre 2022, à la faveur notamment de la débâcle électorale du PJD lors des dernières législatives.
Pour lui, Khaled Mechaal et le Hamas ont le plus grand respect pour le Maroc et son Roi. Et s’il s’est adressé de la sorte aux Marocains, c’est parce qu’il était invité par des Marocains et avait, en face, un auditoire où il n’y avait que des Marocains. Même si le dirigeant palestinien est sorti du cadre, les Marocains sont souverains et savent «de quel côté pencher et quel discours suivre ou ne pas suivre», estime-t-il. Le chef du MUR a-t-il réussi à convaincre? Rien n’est moins sûr. Voici ses arguments.
Dans son discours dirigé vers les Marocains, le leader du Hamas, Khaled Mechaal, a choqué par la violence de ses propos et son appel à faire pression sur les autorités du pays pour rompre les relations entre le Maroc et Israël. Adhérez-vous à ces propos?
L’intervention de M. Khaled Mechaal a eu lieu à notre demande. Et lorsqu’il s’est adressé aux Marocains, c’est dans le cadre d’un événement marocain, organisé au Maroc par une partie marocaine. Il y a été invité. Il était donc tout à fait normal que son discours soit dirigé vers les Marocains. Ce qu’il ne faut jamais oublier, c’est que le Hamas en général et Khaled Mechaal en particulier ont toujours eu un grand respect pour le Roi du Maroc, qu’ils tiennent en très haute estime, et pour le peuple marocain. Ils n’ont jamais hésité à accepter les invitations du Maroc.
Les leaders du Hamas se sont d’ailleurs rendus au Maroc juste après la signature des Accords d’Abraham et la reprise des relations entre le Maroc et Israël, et ce, en toute confiance. Ils se sont ainsi entretenus avec des officiels et des chefs de partis politiques. Les Palestiniens et le Hamas ont toujours reconnu les efforts déployés par le Maroc et par Sa Majesté personnellement, en sa qualité de président du Comité Al Qods et de parrain de la Fondation Bayt Mal Al Qods. Ils n’oublient pas les efforts du Souverain en matière d’aide et de soutien aux populations palestiniennes, notamment à travers les hôpitaux militaires de campagne qui ont opéré pendant plusieurs mois à l’intérieur de Gaza, malgré le siège imposé.
Par ses propos, Mechaal suggère pourtant le contraire…
Khalid Mechaal, de par sa position, traverse une étape cruciale et critique, au vu de l’oppression qui s’abat sur Gaza. Je comprends que son discours ait été un peu excessif.
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N’y voyez-vous pas une volonté d’inciter les Marocains à agir contre les intérêts de leur pays?
Je vous rassure tout de suite. La majorité des Marocains, le Mouvement unicité et réforme compris, sont assez mûrs pour savoir de quel côté pencher et quel discours suivre ou ne pas suivre. J’ai suivi l’intervention de Khaled Mechaal et je ne vois pas cette immixtion dont vous parlez. Et même s’il y a eu un dépassement ou un débordement de sa part, les Marocains sont souverains. Ils ont toujours pris leurs propres décisions et savent comment se faire respecter en priorisant les choix nationaux de leur pays. Je rappelle qu’avant cette sortie de Khaled Mechaal, les Marocains, grands et petits, femmes et hommes, ont tenu des marches et des sit-in, à Rabat, à Casablanca, à Tanger, en soutien à la résistance palestinienne. L’intervention de Khaled Mechaal a eu lieu dans un cadre précis et s’inscrit dans la logique d’une résistance affaiblie, qui se voit menacée dans son existence même et qui fait appel à haute voix à tout le monde, et notamment aux Marocains et au Roi du Maroc, considérant ce dernier comme étant leur deuxième pays. Je répète: même s’il y a eu dépassement, que je n’ai pas pu déceler, les Marocains vont passer outre. Et au sein du MUR, ce n’est pas tel ou tel discours qui va nous pousser à prendre une décision au lieu d’une autre.
Pourquoi Mechaal se permet-il d’interpeller nommément le Maroc et pas des pays qui, en théorie, soutiennent son mouvement, comme le Qatar, la Turquie ou encore l’Iran?
Il savait qu’il s’adressait à un auditoire où il n’y avait que des Marocains. Pour savoir comment il s’adresse aux citoyens d’autres pays, il faudra suivre tous ses discours, interventions et messages, directs et indirects. S’il ne s’est pas adressé aux Qataris, aux Turcs ou autres, c’est parce qu’il avait des Marocains en face. Tout simplement.