Une guerre, trois «victoires»!

Mustapha Tossa.

ChroniqueFait notable: les trois protagonistes de cette guerre, à savoir, les États-Unis, Israël et l’Iran, ont chacun, à sa manière, revendiqué une forme de victoire. Chacun a tiré le bilan de son engagement, évalué les gains obtenus, mesuré les pertes subies, et conclu avoir su préserver ses intérêts tout en infligeant des revers à l’adversaire.

Le 30/06/2025 à 16h05

Depuis l’annonce du cessez-le-feu entre Israël et l’Iran obtenu par une incroyable pression de Donald Trump, règne une atmosphère assez particulière sur cette région. Personne ne reconnaît sa défaite. Chacun clame sa victoire, comme si cet intense échange de frappes entre Israël et l’Iran, sous parapluie aérien américain, n’avait été qu’une parenthèse cathartique — un moment de purge destiné à relâcher la tension avant de reprendre le jeu stratégique sur de nouvelles bases.

D’abord, Donald Trump. Les bombardements américains des sites nucléaires iraniens ont fait la différence dans cette guerre. Ils ont montré aux Israéliens un soutien indéfectible et aux Iraniens une détermination à les empêcher d’accéder à la bombe nucléaire.

Donald Trump, qui ne cache pas son ambition de décrocher un jour le prix Nobel de la paix, a mobilisé tout le poids diplomatique de l’Amérique pour imposer un cessez-le-feu. Au cœur de cette manœuvre, un échange orageux avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou — mêlant menaces à peine voilées et propos acerbes — a fait les délices de la presse internationale. Un épisode sans précédent dans la relation, pourtant si singulière, entre les États-Unis et Israël.

Donald Trump peut se targuer devant le monde d’avoir obtenu un cessez-le-feu immédiat et d’avoir considérablement ralenti le programme nucléaire iranien. Après les revers essuyés dans le conflit russo-ukrainien et son impuissance à mettre un terme à la guerre menée par Israël contre Gaza, l’escalade entre l’Iran et Israël a offert à Donald Trump sa première véritable opportunité de faire entendre la voix des États-Unis face à deux puissances décidées à en découdre. Une occasion qu’il a saisie pour se présenter en artisan de la désescalade, revendiquant ainsi le mérite d’avoir écarté le spectre d’une conflagration mondiale.

Même s’il a dû stopper son élan guerrier à l’encontre de l’Iran, Benjamin Netanyahou peut se prévaloir d’avoir lourdement atteint son ennemi traditionnel. Non seulement les structures du programme nucléaire iranien ont été atteintes, mais l’élite politico-militaire iranienne a été décimée à travers une extraordinaire opération d’infiltration qui a révélé à la fois la puissance des services de renseignements israéliens et la porosité des structures du pouvoir iranien.

«La guerre éclair des douze jours a mis le monde au bord du gouffre. L’arrêt soudain des combats a été perçu comme une victoire par Tel-Aviv, Téhéran et Washington, chacun y voyant la concrétisation de son propre agenda et de ses aspirations.»

—  Mustapha Tossa

Pour Benyamin Netanyahou, le régime iranien est désormais affaibli durablement, contraint — dans le pire des cas — de soumettre son programme nucléaire à un contrôle international renforcé, plus strict encore que celui instauré par l’accord de 2015.

S’il n’a pas atteint son objectif ultime, celui de précipiter un changement de régime à Téhéran, le Premier ministre israélien peut néanmoins se vanter d’avoir infligé des revers significatifs à l’Iran et à ses alliés régionaux, notamment le Hezbollah libanais, dont les actions ont été considérablement entravées par la crainte d’une escalade durant ces douze jours de confrontation.

Malgré ces coups durs reçus d’Israël et des États-Unis, le régime iranien, quant à lui, peut revendiquer une forme de victoire. D’abord en ayant évité la chute et le démantèlement du régime qui auraient été la conséquence logique d’une opération militaire de cette envergure contre ses fondations. Ensuite en ayant prouvé au monde une capacité de riposte, certes, moins meurtrière que prévu, mais massive et inattendue de la part des autorités israéliennes.

Si victoire iranienne il y a, elle se lit davantage dans l’impact psychologique profond qu’ont eu ces attaques sur la société israélienne. Les vagues de missiles, de toutes portées, ont forcé des milliers de citoyens à se réfugier nuit après nuit dans les abris, dans une atmosphère de peur constante.

À ces scènes s’ajoutent les images de villes comme Tel-Aviv ou Haïfa marquées par les destructions, ainsi que celles de civils cherchant à fuir le pays par la mer. Autant d’éléments qui ont ébranlé la confiance de nombreux Israéliens dans la capacité de leur gouvernement à assurer leur sécurité.

Durant cette période, c’est aussi l’économie israélienne qui s’est retrouvée quasiment paralysée, révélant l’ampleur des répercussions d’un conflit aux frontières de l’escalade.

Malgré des décennies de conflits avec ses voisins arabes, l’État hébreu est confronté pour la première fois à des défis d’une telle ampleur. Cette situation est probablement interprétée par les Iraniens comme une forme de victoire, renforçant leur conviction d’avoir réussi à préserver le régime malgré les coups portés à son leadership.

La guerre éclair des douze jours a mis le monde au bord du gouffre. L’arrêt soudain des combats a été perçu comme une victoire par Tel-Aviv, Téhéran et Washington, chacun y voyant la concrétisation de son propre agenda et de ses aspirations. Si cet arrêt a épargné au monde un embrasement généralisé, tous s’entendent pour dire qu’il ne s’agit pas d’un signe de paix, mais plutôt d’un sursis, repoussant cette guerre à un avenir que tous souhaitent le plus éloigné possible.

Par Mustapha Tossa
Le 30/06/2025 à 16h05