«A bas le coup d’Etat», «Liberté pour tous (les opposants) emprisonnés», ont scandé environ 300 manifestants rassemblés à Tunis à l’appel du Front de salut national (FSN), principale coalition de l’opposition, dont fait partie le parti islamo-conservateur Ennahdha, bête noire du président Saied.
En fin d’après-midi, le chef de l’Etat s’est offert un bain de foule sur un marché d’un quartier populaire, dans la médina (vieille ville) de Tunis et sur l’avenue Bourguiba, théâtre de la manifestation des opposants qu’il n’a pas du tout évoquée.
Interpellé par des commerçants sur de multiples coupures d’eau et d’électricité ces dernières semaines, il a répondu que c’était dû à une vague de «chaleur exceptionnelle cet été».
Un citoyen lui a dit: «nous vous soutiendrons à la prochaine présidentielle (prévue en octobre 2024, ndlr)», ce à quoi Kais Saied a répondu: «nous avancerons ensemble».
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Bravant une canicule inédite à Tunis (près de 50 degrés lundi et presque 45 mardi), le président du FSN, Ahmed Néjib Chebbi, 78 ans, a dénoncé devant la foule d’opposants «l’échec total» du président Saied à gérer le pays, cause selon lui d’une aggravation de la crise financière que connaît la Tunisie.
Très endettée (environ 80% du PIB), souffrant d’une inflation très forte et d’un chômage endémique, la Tunisie est à la recherche d’aides extérieures pour boucler son budget.
Le porte-parole d’Ennahdha, Imed Khemiri, a déploré «le retour d’une politique d’intimidation (...) qui restreint la liberté d’expression et frappe aussi les médias».
L’opposition organise régulièrement des manifestations contre la «dérive autoritaire» du président tunisien depuis ce qu’elle qualifie de «coup d’Etat» du 25 juillet 2021, quand il a gelé le Parlement et limogé son Premier ministre.
Cette mobilisation n’a pas cessé, même après une vague d’arrestations lancée en février, qui a visé des dirigeants politiques de premier plan, parmi lequel le chef d’Ennahdha et ex-président du Parlement dissous, Rached Ghannouchi.
Climat de «répression»
Des hommes d’affaires ont aussi été emprisonnés ainsi que le directeur de Radio Mosaïque, Noureddine Boutar, libéré sous caution depuis. Deux figures de l’opposition, Chaima Issa et Lazhar Akremi, ont été récemment remises en liberté.
Mais tous continuent de faire l’objet d’enquêtes judiciaires.
La plupart sont poursuivis pour «complot contre la sûreté de l’Etat» et ont été qualifiés de «terroristes» par le président Saied.
La crise politique déclenchée par le coup de force de M. Saied, au départ soutenu par de nombreux Tunisiens, inquiète les ONG tunisiennes et internationales, qui déplorent une régression des libertés.
«Depuis l’accaparement du pouvoir par le président, les autorités ont poursuivi sur la voie de la répression en emprisonnant des dizaines d’opposants politiques et de détracteurs du régime, bafoué l’indépendance du pouvoir judiciaire (et) supprimé des garanties institutionnelles en matière de droits humains», a affirmé lundi Amnesty International.
Selon l’ONG, qui juge «factices» les accusations contre les personnalités détenues, le président Saied «a privé les Tunisiens de droits élémentaires qu’ils avaient obtenus de haute lutte (lors de la révolution démocratique de 2011) et alimenté un climat de répression et d’impunité».
Plusieurs journalistes et magistrats font également l’objet de poursuites judiciaires.