Si on veut tremper sa plume dans une dose de cynisme, on pourrait recommander à la presse et aux influenceurs marocains de ne plus critiquer le président Abdelmadjid Tebboune, de ne plus nourrir à son égard des réquisitoires sur ses erreurs et ses défaillances. Bien au contraire de dresser de lui des portraits élogieux, tant par ses mauvais choix, ses défaillances diplomatiques, son style ouvertement haineux, il aura rendu un immense service aux Marocains. Il faut encourager Abdelmadjid Tebboune à avoir un troisième, quatrième et pourquoi pas un cinquième mandat à la tête de l’Algérie.
Pour le public marocain, et cela n’est ni une exagération de circonstances ni un comportement grossi par la loupe des réseaux sociaux, Tebboune est un vrai comique involontaire capable à chaque sortie médiatique de provoquer une hilarité générale. À tel point que chaque déclaration politique est découpée en tranches pour en faire des sketchs qui deviennent viraux à force de les consommer.
Et l’affaire Tebboune n’est pas qu’une affaire de chiffres ou de statistiques dans laquelle s’entremêle souvent le président algérien. Les deux célèbres cas qui ont frappé l’imagination internationale sont ceux relatifs à la capacité des Algériens à dessaler l’eau de mer lancée devant la tribune des Nations unies; et ceux concernant la parité Dinar/Dollar qui continuent de provoquer des explosions de rires incontrôlés. Sans parler de ces fakes statistiques sur l’économie algérienne que Tebboune jette sans retenue à l’opinion algérienne donnant le vague sentiment de vivre dans un monde parallèle.
Sur la problématique des faux chiffres, Tebboune avait récemment tenté de trouver la parade. Il avait confié à Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs, une des figures fossilisées de la politique algérienne, qu’il avait été manipulé par son entourage qui lui avait fourni les faux chiffres en question. Cette stratégie de jeter la responsabilité sur son entourage a encore grossi la posture caricaturale de Tebboune, montrant l’image d’un régime fait d’amateurisme et d’improvisation.
«Le régime algérien de Tebboune (...) s’est empressé de cataloguer le Mouvement pour l’autonomie kabyle (MAK) comme une organisation terroriste, lui donnant une ampleur et une visibilité internationales inédites»
— Mustapha Tossa
En plus d’une faillite évidente sur la forme, Abdelmadjid Tebboune incarne aussi un échec sur le fond. Et cet échec s’est ancré avec une série de décisions qui ont largement participé à isoler l’Algérie. La malédiction Tebboune a commencé le jour où il avait mis la relation avec le Maroc dans le viseur. En comparaison avec l’ère Bouteflika, Tebboune aura été celui qui aura porté la rupture avec le Maroc à un niveau névralgique. Rupture des relations diplomatiques, fermeture de l’espace aérien et du Gazoduc Maghreb, refus de toute médiation arabe ou internationale.
Avec une régularité obsessionnelle, Tebboune a verrouillé la relation avec le Maroc de manière tellement hermétique que la seule issue à cette impasse est de casser le verrou. Tebboune a accompagné ses défis à l’encontre du Maroc par une volonté assumée de nourrir et de propager la haine contre le Maroc au sein de son opinion, comme l’attestent les stratégies de communication de ses médias officiels ou de ses propagandistes dans les réseaux sociaux. Montrer sa détestation à l’encontre du Maroc est devenu une condition pour obtenir une promotion et grimper dans l’échelle politique du pays.
Cette fixation morbide sur le Maroc a eu un prix que certains n’hésitent pas à assimiler à une malédiction. À cause du Maroc, le régime algérien est en crise avec presque tous ses partenaires internationaux. Une crise endémique avec la France et l’Espagne qui avait provoqué une méfiance européenne qui perçoit le régime algérien comme un facteur de déstabilisation. Une crise chronique avec les pays arabes qui le perçoivent comme un facteur de désunion. Une mauvaise relation avec Washington et Moscou qui le considèrent dans leurs visions stratégiques comme indigne de confiance, voire source de tensions.
En plus de tous ces échecs qui sont directement liés au Maroc, Tebboune a échoué aussi à gérer la question kabyle. Dans ses excès et sa myopie politique, le régime algérien de Tebboune, contrairement à celui de Bouteflika, s’est empressé de cataloguer le Mouvement pour l’autonomie kabyle (MAK) comme une organisation terroriste, lui donnant une ampleur et une visibilité internationales inédites, au point que cette organisation a proclamé à Paris l’indépendance de la Kabylie. Sans préconiser ce que cet acte inédit aura comme conséquences politiques, cette proclamation est avant tout un échec personnel du président Tebboune, à rajouter à la longue liste des mauvais choix politiques qui ont isolé son pays et menacent d’étrangler son économie avec le grand risque de relancer la dynamique des protestations sociales.
Au vu de la gravité de la situation, l’une des principales demandes d’une rue algérienne en colère serait l’amplification d’une exigence de changement de régime à Alger. Et eu égard au très peu de sympathie et de soutien que ce régime suscite à l’international, il n’est pas exclu que cette demande populaire soit comprise, voire soutenue par les grands pays qui ont un intérêt à ce que l’Algérie redevienne un pays fréquentable.





