Les relations entre Alger et Tunis ont pris une ampleur inédite depuis que les deux présidents Kaïs Saïed et Abdelmadjid Tebboune sont au pouvoir. Le rapprochement politique entre les deux pays coïncide étrangement avec la ressemblance dans le style et les démarches entre les deux hommes. Tebboune a plus de photos avec Kaïs Saïed qu’avec n’importe quel autre chef d’État de la planète. Et pour cause, le président tunisien joue régulièrement les invités de prestige d’appoint dans les rares rencontres à vocation internationale que l’Algérie a abritées récemment.
Dernière illustration de ce rapprochement forcé entre le régime algérien et les autorités tunisiennes, cet accord de coopération militaire signé récemment entre les deux pays dont la finalité est de mettre Tunis sous le boisseau algérien. C’est un pas supplémentaire dans le processus de soumission de la Tunisie aux volontés de domination algérienne.
Ce rapprochement entre Alger et Tunis a eu sa genèse le jour où, à la surprise générale, le président Kaïs Saïed avait accordé une réception digne d’un chef d’État au chef des séparatistes du Polisario Brahim Ghali, venu à Tunis imposer sa présence lors d’une réunion au sommet entre les pays de l’Union africaine et le Japon. Kaïs Saeïd avait choqué les Marocains par le faste de la réception du chef du Polisario et l’insistance à solenniser ce moment alors qu’il s’agissait d’une intrusion clandestine imposée en douce par l’agenda algérien à cette rencontre internationale .
En procédant de la sorte, Kaïs Saïed avait subitement sorti la Tunisie de sa légendaire neutralité positive sur le conflit du Sahara. Si positive que du temps des anciens présidents tunisiens, Tunis était perçu comme un potentiel médiateur entre les deux pays antagonistes au Maghreb. Mais depuis cet incident du tapis rouge déroulé au Polisario, la relation de Kaïs Saïed avec le Maroc a connu une dégradation notoire.
Il faut dire que depuis son arrivée impromptue au pouvoir en Tunisie, Kaïs Saïed n’a jamais eu de relations particulières avec le Maroc, contrairement à ses prédécesseurs. Il n’a jamais envisagé d’effectuer une visite au Maroc et le Royaume attendait de voir l’évolution politique du président tunisien pour lui adresser une invitation. La soumission de Kaïs Saïed à l’agenda algérien a mis fin à cette perspective de rapprochement. Les relations entre Rabat et Tunis ont entamé un long hiver, fait de distance et de ruptures froides.
«Les deux hommes ont en commun cette réalité incontestable: celle d’avoir transformé leurs pays en une prison à ciel ouvert. Les organisations internationales de défense des droits de l’homme les ont dans le viseur depuis longtemps et pointent régulièrement leurs défaillances et leurs propensions à transformer leurs pays en enfer où l’unique rêve de leurs jeunesses est la très dangereuse traversée de la Méditerranée.»
— Mustapha Tossa
Malgré les nombreuses voix tunisiennes qui lui ont fait le reproche d’avoir enterré cette neutralité maghrébine au profit du régime algérien, Kaïs Saïed persiste dans son erreur et offre la Tunisie à l’appétit de domination algérienne. Cette situation est expliquée par certains comme une dépendance au gaz et à l’aide économique algérienne pour une Tunisie en quasi-faillite. Mais le zèle mis par Kaïs Saïed pour magnifier son rapprochement avec Alger et son hostilité froide à l’encontre du Royaume dépassent largement le simple désir de profiter de la générosité algérienne.
Entre Kaïs Saïed et Abdelmadjid Tebboune, l’alchimie semble opérer — mais sur une autre planète. Le premier, président tunisien, cultive une posture quasi messianique, un langage ampoulé et une gestuelle théâtrale que ses compatriotes ont ironiquement surnommée «Terminator». Le second, chef de l’État algérien, multiplie les déclarations démagogiques et populistes, s’imposant comme un maître du double discours. Tous deux partagent une même inclination pour la mise en scène du pouvoir, une même distance avec la réalité, et un comique involontaire qui amuse autant qu’il inquiète. Il suffit d’une image — un regard échangé, une accolade appuyée — pour que les réseaux sociaux s’enflamment, transformant ces deux dirigeants en véritables icônes de satire politique internationale.
Les deux hommes ont en commun cette réalité incontestable: celle d’avoir transformé leurs pays en une prison à ciel ouvert. Les organisations internationales de défense des droits de l’homme les ont dans le viseur depuis longtemps et pointent régulièrement leurs défaillances et leurs propensions à transformer leurs pays en enfer où l’unique rêve de leurs jeunesses est la très dangereuse traversée de la Méditerranée. D’ailleurs, signe des temps qui ne trompe pas, les deux pays sont devenus les principaux exportateurs de migrants clandestins.
Alger et Tunis avaient tenté, il n’y a pas si longtemps, de donner naissance à un «mini-Maghreb» regroupant une partie de la Libye et la Mauritanie, avec pour objectif à peine voilé d’isoler le Maroc. Une initiative vouée à l’échec dès son lancement. Le tandem Tebboune–Saïed, que d’aucuns qualifient avec un humour acéré de «Laurel et Hardy de la politique maghrébine» — la tendresse en moins —, s’est révélé aussi brouillon que peu crédible. À force d’improvisations et de gesticulations diplomatiques, leurs projets finissent invariablement dans l’impasse, illustrant une alliance plus burlesque que stratégique.
Aujourd’hui ces deux hommes, Abdelmadjid Tebboune et Kaïs Saïed ont développé un antagonisme à l’égard du Maroc. Le premier le justifie comme un argument pour durer au pouvoir. Le second, comme un acte de soumission à l’égard de son voisin algérien. Mais dans leur défiance à l’égard du Maroc, les deux dirigeants naviguent à contre-courant de l’histoire.





