Le président conservateur sud-coréen Yoon Suk Yeol s’accroche au pouvoir jeudi, après sa tentative ratée d’imposer la loi martiale sur le pays. À la stupeur générale, il avait décrété la loi martiale, dans la soirée du mardi 3 décembre, et tenté de museler le Parlement en y envoyant l’armée, avant de faire volte-face six heures plus tard sous la pression des députés et des manifestants.
Six partis d’opposition ont déposé mercredi une motion en destitution, accusant le dirigeant d’avoir «gravement violé la Constitution et la loi». Cette motion sera soumise au vote samedi à 19H00 (10H00 GMT), selon l’agence de presse Yonhap.
Le président, très impopulaire, devra aussi faire face à une enquête policière pour «rébellion» a annoncé la police sud-coréenne jeudi. Selon un sondage publié mercredi par l’agence Realmeter, plus de sept Sud-Coréens sur dix (73,6%) soutiennent la demande de destitution, contre 24% qui s’y déclarent opposés et 2,4% sans opinion.
L’opposition dispose au total de 192 sièges sur 300 à l’Assemblée nationale, les 108 autres députés appartenant au Parti du pouvoir au peuple (PPP) conservateur de Yoon Suk Yeol. La motion devant être adoptée à une majorité des deux tiers, la défection d’au moins huit députés du parti présidentiel sera donc nécessaire pour entraîner la chute de M. Yoon.
Jeudi, le chef de file du PPP au Parlement, Choo Kyung-ho, a affirmé que sa formation voterait contre. «L’ensemble des 108 députés du Parti du pouvoir au peuple resteront unis pour rejeter la destitution du président», a-t-il dit à la presse, ajoutant toutefois qu’il avait demandé au chef de l’État de quitter le parti.
Si la motion est adoptée, Yoon Suk Yeol sera suspendu de ses fonctions dans l’attente d’une confirmation de sa destitution par la Cour constitutionnelle. Si les juges donnent leur feu vert, il quittera le pouvoir et une nouvelle élection présidentielle devra être organisée sous 60 jours.
Démission du ministre de la Défense
Le Parti démocrate, principale force d’opposition, a annoncé le dépôt d’une plainte contre le président pour «rébellion», un crime théoriquement passible de la peine de mort. Ce jeudi, un haut-responsable de la police, Woo Kong-suu, a confirmé devant les députés qu’une enquête avait été ouverte contre le président pour ce chef.
Ce dernier n’est pas apparu en public depuis son dernier discours à la télévision nationale, mercredi à l’aube, pour annoncer la levée de la loi martiale qu’il avait décrétée la veille au soir. En revanche, jeudi a été annoncée la démission du ministre de la Défense, Kim Yong-hyun. Mais les autres proches du président, dont le ministre de l’Intérieur Lee Sang-min, restent à leurs postes.
Mercredi, des milliers de Sud-Coréens ont manifesté à Séoul pour réclamer le départ du président. D’autres rassemblements sont prévus jeudi. «Notre démocratie sera piétinée si nous laissons M. Yoon au pouvoir un instant de plus», a affirmé un manifestant, Park Su-hyung, 39 ans. «Il fallait que je sois là ce soir, le président est fou», a jugé pour sa part Choi Moon Jung, militante féministe de 55 ans.
Dans un contexte de difficultés à adopter le budget 2025, le président avait justifié ce coup de force en disant vouloir «éliminer les éléments hostiles à l’Etat» et «protéger le pays des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes».
Yoon Suk Yeol, élu de justesse en 2022 et qui n’a jamais disposé de majorité au Parlement, avait pointé du doigt une «dictature législative» et accusé les élus de l’opposition de bloquer «tous les budgets essentiels aux fonctions premières de la nation».
Malgré le bouclage de l’Assemblée nationale par des centaines de militaires et de policiers, 190 députés ont réussi à se faufiler dans le bâtiment dans la nuit de mardi à mercredi, et à tenir une séance extraordinaire pour voter à l’unanimité une motion réclamant la levée de loi martiale. Le président a finalement cédé à la pression, a abrogé la loi martiale mercredi à l’aube, et a ordonné aux troupes de retourner dans leurs casernes.