Le conseil consultatif (dit Choura ou parlement) du Mouvement El Bina, parti d’obédience islamiste, a choisi Abdelmadjid Tebboune comme son candidat à la présidentielle du 7 septembre 2024. Abdelkader Bengrina, le tonitruant patron de ce parti, et homme à tout faire de Tebboune, a annoncé vendredi qu’«après un examen approfondi des conclusions des consultations engagées par le parti avec les militants, l’élite, les acteurs politiques, sociaux et de la société civile et compte tenu de ses lourdes responsabilités, le mouvement a décidé de faire d’Abdelmadjid Tebboune son cavalier» pour les prochaines élections présidentielles.
La décision de Bengrina, lui-même candidat contre Tebboune lors de la présidentielle de 2019, intervient moins de 24 heures après la mise sur pied d’une alliance quadripartite, dite «Coalition des partis de la majorité pour l’Algérie», comprenant le Mouvement El Bina, le Front de libération nationale (FLN, ex-parti unique), le Rassemblement national démocratique (RND) et le Front El Mostaqbel. À part ce dernier, la coalition qui soutient aujourd’hui la candidature de Tebboune est la même que celle qui avait soutenu, début de 2019, un 5ème mandat de feu Abdelaziz Bouteflika. Comme quoi, «l’Algérie nouvelle» fait du neuf avec du vieux.
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Alors qu’il était attendu que ces quatre partis annoncent en même temps leur soutien à la candidature de Tebboune, Bengrina a pris le départ avant le coup d’envoi du starter pour se montrer plus vassal que ses partenaires.
Le choix de Tebboune comme son cavalier par le parti de Bengrina intervient au moment même où deux nouveaux candidats de l’opposition ont annoncé, vendredi, leur participation à la prochaine présidentielle. Il s’agit de Youcef Aouchiche, premier secrétaire national du Front des forces socialistes (FFS), le plus vieux parti d’opposition en Algérie, dont ce sera quasiment la première candidature à une présidentielle. En effet, son fondateur historique, feu Houcine Aït Ahmed, a certes présenté sa candidature à la présidentielle de 1999, contre Bouteflika, mais l’a vite retirée pour ne pas légitimer la victoire de Bouteflika, candidat soutenu par une partie des généraux de l’armée algérienne.
Pour sa part, Abdelali Hassani, chef du Mouvement de la société pour la paix (MSP-islamiste) a annoncé, le vendredi 24 mai, qu’il sera le candidat de son parti à la prochaine présidentielle.
Ces nouveaux challengers emboîtent ainsi le pas à l’éternelle candidate Louisa Hanoune (Parti des travailleurs-PT), surnommée l’Arlette Laguiller de l’Algérie, et Zoubida Assoul, avocate du Hirak et présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP).
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Pour rappel, les trois partis d’opposition qui briguent la présidentielle (FFS, PT et UCP) avaient boycotté les législatives du 12 juin 2021, alors que la Kabylie, où le FFS est très influent, a totalement ignoré aussi bien la présidentielle de 2019, que le référendum constitutionnel de 2020 et les législatives de 2021, dont les taux de participation affichaient quasiment un seul chiffre, proche de zéro, dans cette région.
À quoi joue donc Abdelmadjid Tebboune en maintenant un faux suspense sur sa candidature, à trois mois et demi de la date effective du scrutin?
Faute de pouvoir descendre sur le terrain ou organiser des meetings populaires à travers certaines wilayas du pays, en vue d’annoncer publiquement et officiellement sa candidature à un second mandat, Tebboune est acculé ces derniers temps à organiser de petites rencontres à huis clos, où il ne cesse de ressasser les prétendues réalisations de «l’Algérie nouvelle». Allant même jusqu’à faire des projections sur ce que seront ses réalisations futures, comme la promesse de hisser le PIB algérien à 400 milliards de dollars en 2027.
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Le 30 mars dernier, lors de l’un de ses bavardages avec les médias publics, Tebboune, tout en refusant de dire s’il sera candidat à un second mandat présidentiel, a affirmé à la même occasion que juste après la proclamation des résultats officiels de la présidentielle, il se rendra en visite officielle à Paris. Ce qui signifie que non seulement il sera candidat à un second mandat, mais qu’il sera le vainqueur de cette présidentielle.
Le simulacre des élections présidentielles en Algérie apporte une preuve supplémentaire que le Système barre la route à tout espoir de changement. Dans ce pays où plus de 70% de la population a moins de 30 ans, les Algériens seront encore une fois dirigés par des chibanis séniles, octogénaires, qui appréhendent le monde d’aujourd’hui avec une grille de lecture, antérieure à la chute du mur de Berlin.