Sous prétexte de la double nationalité franco-algérienne de Nahel, tué par un policier lors d’un contrôle routier le 27 juin, le régime algérien a sauté sur l’occasion pour régler ses comptes avec la France, versant avec une bonne dose de cynisme dans la récupération et l’ingérence politique.
Au lendemain de la mort du jeune homme, alors qu’une marche blanche était organisée à Nanterre, le ministère des Affaires étrangères algérien s’est ainsi fendu d’un communiqué officiel, publié par l’APS, dans lequel ledit ministère dit faire «confiance au gouvernement français à assumer pleinement son devoir de protection, soucieux de la quiétude et de la sécurité dont doivent bénéficier nos ressortissants sur leur terre d’accueil». Et de poursuivre en prévenant que «le gouvernement algérien continue à suivre avec une très grande attention les développements de cette affaire tragique, avec le souci constant d’être aux côtés des membres de sa communauté nationale au moment de l’adversité et de l’épreuve».
En France, face à cet acte évident d’ingérence, les réponses d’élus et de politiques n’ont pas tardé à se faire entendre, invitant pour la plupart l’Algérie à se mêler de ce qui la regarde, voire, comme l’a suggéré Jordan Bardella, président du Rassemblement national, de récupérer ses ressortissants résidant sur le sol français. «Il faut rappeler l’Algérie à son devoir de non-ingérence, si elle croit pouvoir s’inquiéter pour ses ressortissants en France, qu’elle n’hésite pas à les récupérer, à commencer par ceux qui violent les lois de la République française», a ainsi lancé dans une allocution le Président du Rassemblement national suite à la diffusion de ce communiqué du ministère des Affaires étrangères algérien.
Interviewé par la suite sur le plateau de BFMTV à ce sujet et sur la possibilité que l’Algérie «tire les ficelles» de ces émeutes, Jordan Bardella rappelle que ce régime algérien qui dit s’inquiéter pour ses ressortissants a «refusé pendant des années de récupérer des gens qui étaient récupérables par l’Algérie, qui étaient présents de manière illégale sur le territoire de la République française». Et de conclure que «l’Algérie a aussi sa part de responsabilité là-dedans».
Un point de vue assumé qui se confirme avec la politisation de la marche blanche organisée le 28 juin à Nanterre, durant laquelle des drapeaux algériens et du Polisario ont été brandis, des drapeaux français brûlés, et où certaines figures connues pour être proches de la junte militaire au pouvoir ont tenu des propos haineux à l’encontre de la France.
C’est ainsi le cas de Sofia Benlemmane qui a lancé dans une vidéo filmée lors de la marche blanche: «Darmanin attrape tes chiens», en référence aux policiers, et en n’hésitant pas à insulter le ministre de l’Intérieur français, ce qui a fait réagir des voix en France appelant Gérald Darmanin à ne pas laisser sans suite les invectives dont il a fait l’objet.
La meute est lâchée
Mais les appels de la France à la non-ingérence dans ses affaires internes se heurtent à la forte détermination du régime algérien à instrumentaliser et à politiser la mort de cet adolescent en France pour la transformer en acte hostile contre l’Algérie. Un procédé de récupération politique auquel s’adonne allégrement et de longue date le régime en place, dans sa quête constante de prétendus ennemis de l’Algérie et du peuple algérien.
Ainsi, dans ce pays où les droits de l’homme sont en perpétuelle violation, où les associations de défense de ces mêmes droits ont été fermées les unes après les autres par le régime, dans ce pays où les manifestations même pacifiques comme le Hirak se soldent par une féroce répression, où les voix qui osent s’élever contre le régime en place et ses dérives sont jetées en prison et accusées de trahison, les partis politiques proches du pouvoir en place se sont rangés, sans surprise, derrière la position officielle.
C’est ainsi le cas du parti du Front de libération nationale (FLN) qui a dénoncé «la tragédie brutale à laquelle le défunt a été soumis (et qui) reflète l’insouciance avec laquelle les forces de sécurité ont traité un jeune homme non armé» et s’est interrogé «sur les justifications sur la base desquelles le jeune algérien a été abattu et assassiné de sang-froid». Ce même parti disposant d’une majorité relative au parlement et représenté au sein du gouvernement a par ailleurs décrété que «l’ouverture d’une enquête sérieuse et rigoureuse et la sanction des auteurs seront le seul moyen de restaurer la dignité de la famille du jeune Nahel et derrière elle la communauté algérienne, qui est soumise à la duplicité du discours qui renvoie aux slogans d’égalité et de liberté que scandent les élites françaises sans se soucier de la réalité de notre communauté».
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Dans la même veine, les partis islamistes se sont eux aussi fait entendre et par la voix de Abdul-Wahhab Yaqoubi, représentant du Mouvement de la société pour la paix (MSP), ce parti islamiste au Parlement a non seulement exprimé sa ferme condamnation de «ce crime», mais a aussi fait preuve d’un cynisme incroyable en allant jusqu’à exprimer son «rejet absolu de tous les abus et pratiques de la police, dont les devoirs sont d’assurer la sécurité et de sauver des vies».
Même son de cloche du côté du parti islamiste El Bina qui siège au gouvernement. Exprimant sa solidarité avec la communauté algérienne de France, mais aussi ses inquiétudes quant aux «retombées que ces incidents pourraient avoir à l’avenir», le mouvement islamiste a joué la carte du donneur de leçon en jugeant bon de rappeler aux autorités françaises qu’elles «ont l’entière responsabilité de mener une enquête transparente pour faire toute la lumière sur les circonstances de cette agression et rendre justice».
Enfin, le mouvement islamiste Ennahda a lui aussi dénoncé un acte «raciste et extrémiste» perpétré à l’endroit d’un jeune innocent et a exigé «l’ouverture d’une enquête indépendante pour déterminer ses circonstances».
Autant de réactions qui témoignent de l’implication du régime algérien dans les émeutes en France. Est-ce un hasard que les villes qui comptent une forte communauté algérienne, comme Marseille et Lyon, soient aujourd’hui l’épicentre des actes de vandalisme et de pillage? Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger, avait prévenu dans une tribune prémonitoire, publiée dans Le Figaro le 8 janvier 2023 que «l’Algérie s’effondre, mais risque d’entraîner Paris dans sa chute. La IVe République est morte à Alger, la Ve succombera-t-elle à cause d’Alger?». Les émeutes de cette semaine lui donnent raison.