Liban: le Hezbollah rejette la décision du gouvernement de le désarmer

Des véhicules passent devant un obélisque portant une plaque commémorative de l'ancien président syrien Hafez al-Assad à Beyrouth, le 6 août 2025, sur une autoroute portant son nom en 1998. (Photo : ANWAR AMRO / AFP). AFP or licensors

Le Hezbollah a affirmé mercredi que le gouvernement libanais avait commis un «péché grave» en décidant du désarmement d’ici fin 2025 et qu’il ferait comme si cette décision «n’existait pas», ses opposants saluant une «décision historique».

Le 07/08/2025 à 08h35

Le gouvernement libanais a chargé mardi l’armée de préparer un plan d’action pour désarmer le Hezbollah d’ici la fin de l’année, une mesure sans précédent.

Le gouvernement «a commis une faute grave en prenant une décision qui prive le Liban de l’arme de la résistance contre l’ennemi israélien», a réagi le mouvement chiite soutenu par l’Iran, estimant que cette décision «sapait la souveraineté du Liban» et «donnait les mains libres à Israël». «C’est pourquoi nous ferons comme si elle n’existait pas», a-t-il ajouté.

Le Hezbollah considère que cette décision est «le fruit des injonctions de l’émissaire américain Tom Barrack», qui avait proposé aux autorités le désarmement du mouvement selon un calendrier précis.

Elle «sert pleinement les intérêts d’Israël et laisse le Liban exposer face à l’ennemi israélien, sans moyen de dissuasion», accuse le parti.

A Téhéran, le ministre iranien des Affaires étrangères a assuré que son pays soutenait son allié libanais.

«Toute décision au sujet du désarmement reviendra en dernier ressort au Hezbollah lui-même. Nous le soutenons à distance, mais nous n’intervenons pas dans ses décisions», a déclaré Abbas Araghchi.

La décision du gouvernement libanais s’inscrit dans le cadre de l’application du cessez-le-feu conclu sous médiation américaine, qui a mis fin le 27 novembre à plus d’un conflit entre le Hezbollah et Israël. L’accord prévoit que seuls six organismes militaires et de sécurité sont autorisés à porter les armes.

Dans son communiqué, le Hezbollah réaffirme que l’arrêt des frappes israéliennes sur le Liban, qui se poursuit quasi-quotidiennement malgré le cessez-le-feu, est une condition préalable à toute discussion sur «une nouvelle stratégie nationale de défense».

Une nouvelle frappe israélienne sur la ville méridionale de Tulin mercredi a fait un mort et un blessé, selon le ministère libanais de la Santé.

Israël a également lancé une série de frappes aériennes sur le sud du Liban, blessant au moins deux personnes selon la même source.

L’armée israélienne a assuré avoir frappé «des entrepôts d’armes, une lance-missiles et des infrastructures terroristes du Hezbollah qui stockaient des outils de rétablir les infrastructures terroristes dans la région».

La décision du gouvernement libanais retire au Hezbollah la légitimité politique dont bénéficiait jusqu’ici son arsenal, et que les gouvernements précédents y avaient consacré.

«Tutelle américaine»

Le Conseil des ministres doit se réunir jeudi après-midi pour poursuivre l’examen de la «proposition soumise par la partie américaine», selon le Premier ministre Nawaf Salam.

Le ministre de la Santé, Rakan Nassereddine, affilié au Hezbollah, et la ministre de l’Environnement, Tamara el-Zein, proche du mouvement allié Amal, ont quitté la réunion du cabinet mardi.

Selon le Hezbollah, les ministres entendaient ainsi exprimer leur «rejet» de ce qu’il assimile à une volonté de «soumettre le Liban à une tutelle américaine et à une occupation israélienne».

Le mouvement chiite a réaffirmé qu’il ne discuterait de son arsenal, dans le cadre d’une stratégie de défense nationale, qu’après un arrêt des frappes israéliennes sur le Liban.

Le Hezbollah accuse Israël de violer le cessez-le-feu en frappant le territoire libanais, tandis qu’Israël affirme cibler les infrastructures du mouvement, qu’il accuse de tenter de se reconstituer, et menace d’étendre ses opérations militaires au Liban si les autorités échouent à le désarmer.

«Décision historique»

La décision gouvernementale est inédite depuis l’accord de Taëf, qui a mis fin à la guerre civile libanaise (1975-1990) et en vertu de laquelle les partis ont remis leurs armes à l’État – à l’exception du Hezbollah, qui les a conservées au nom de la «résistance» à Israël.

Les opposants au Hezbollah ont salué la décision.

Le parti des Forces libanaises, dirigé par le chef chrétien Samir Geagea, a estimé dans un communiqué mercredi que «la décision historique prise hier par le Conseil des ministres aurait dû l’être il y a 35 ans», à la fin de la guerre civile.

Le Mouvement patriotique libre, autre grand parti chrétien et ancien allié du Hezbollah, s’est, lui, déclaré favorable à ce que l’armée récupère les armes du groupe «afin de renforcer la puissance défensive du Liban».

Le parti chrétien Kataëb, opposé au Hezbollah, a salué une décision «historique qui remet le Liban sur la voie de la souveraineté», mettant en garde contre «toute logique d’intimidation et d’abus de pouvoir – une époque révolue».

À l’inverse, le mouvement Amal, dirigé par le président du Parlement Nabih Berri, a évoqué une décision qui «précipite de nouvelles concessions gratuites à l’ennemi israélien», estimant que le gouvernement aurait dû d’abord «œuvrer à consolider le cessez-le-feu et à mettre un terme à la machine de mort israélienne».

Par Le360 (avec AFP)
Le 07/08/2025 à 08h35