Dérives antidémocratiques et liens avec le Kremlin: la présidence hongroise de l’Union européenne, qui s’ouvre ce lundi 1er juillet pour six mois, suscite le malaise au sein du Parlement européen et chez plusieurs États membres.
À Budapest, le gouvernement veut rassurer, se disant être prêt à assumer «les obligations et responsabilités» de sa mission. «Nous agirons en tant que médiateur impartial, en toute loyauté avec l’ensemble des États membres», a affirmé le ministre des Affaires européennes Janos Boka, en dévoilant mi-juin le programme.
«Dans le même temps», a-t-il ajouté, la Hongrie profitera de la lumière pour mettre en avant sa «vision de l’Europe». Sur l’État de droit, l’immigration ou le conflit en Ukraine, elle compte bien faire entendre sa voix discordante, qui lui vaut des bras de fer répétés avec ses partenaires et le gel de milliards d’euros de fonds européens.
«Occuper Bruxelles»
Après la dernière présidence magyare de l’UE en 2011, le Chef du gouvernement hongrois Viktor Orban s’était vanté d’avoir donné des «chiquenaudes, claques et gifles amicales» au Parlement européen, à ses yeux un repaire de «libéraux et gauchistes».
Cette fois, il apparaît encore plus combatif, entre dénigrement de «l’élite technocratique» bruxelloise et vetos en série ces derniers mois pour bloquer l’aide militaire à Kiev. Il avait promis «d’occuper Bruxelles» à l’issue d’élections européennes jugées «historiques», mais si le scrutin du 9 juin a marqué une percée de l’extrême droite, le raz-de-marée n’a pas eu lieu.
Et Viktor Orban n’a pu influer sur les postes clés de l’UE: malgré son opposition, les dirigeants se sont entendus pour reconduire Ursula von der Leyen à la tête de la Commission. Quant au Parlement européen, le Premier ministre hongrois est loin de l’avoir conquis: il a perdu des députés et son parti Fidesz figure toujours parmi les non-inscrits.
«Marge de manoeuvre limitée»
Si Budapest annonce «une présidence active», les experts ne s’attendent pas à un programme très chargé, alors que la nouvelle Commission doit prendre ses marques. Viktor Orban va sans doute tenter d’entraver des dossiers et d’assouplir les restrictions sur l’État de droit pour récupérer les fonds européens, mais «sa marge de manoeuvre est limitée», estime Daniel Hegedus, chercheur au centre de réflexion German Marshall Fund.
D’autant que la Belgique et les institutions européennes ont mis les bouchées doubles pour boucler des décisions importantes et «limiter ainsi l’instabilité», explique l’analyste à l’AFP. Un nouveau paquet de sanctions contre la Russie a été approuvé et des négociations d’adhésion ont été officiellement ouvertes avec l’Ukraine -deux décisions que désapprouve Viktor Orban.
Mais malgré un pouvoir de nuisance limité, la Hongrie n’hésitera pas à se livrer à «des provocations côté communication», pronostique M. Hegedus. Le slogan de la présidence a déjà fait du bruit: «Make Europe Great Again», en écho à la devise de l’ancien président américain Donald Trump, que le Premier ministre hongrois espère voir réélu en novembre.