Rien n’a changé ou presque. Pour conférer effectivité à leurs aspirations, on leur a offert des ersatz, une duplication de l’ancien système et un changement en trompe-l’œil de la classe politique, décriée comme étant "corrompue" avec, en sus, une présidentielle que les manifestants n’ont pas hésité à clamer qu’il est "entachée de fraude sous l’instigation des militaires".
Les milliers de manifestants qui ont défilé le 15 février dernier à Kherrata, à 300 km à l’est d’Alger, berceau du mouvement contestataire algérien, malgré l’interdiction de manifester depuis mars 2020 en raison de la pandémie de Covid-19, ont surtout exprimé le grand malaise et désespoir qui ne cesse de les hanter.
Brahim Laalami n’a pas pu prendre part au deuxième anniversaire du Hirak. Pourtant, il a été l’un des premiers à descendre dans la rue, le 14 février 2019, pour exprimer le refus de la candidature à un cinquième mandat du président déchu Abdelaziz Bouteflika, rendu impotent par un AVC et lâché par l’armée.
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Cette mobilisation spontanée avait réuni le 16 février 2019 des milliers d’Algériens opposés au cinquième mandat de Bouteflika. Une semaine plus tard, le 22 février, la contestation avait gagné Alger, puis le reste du pays, donnant naissance à un mouvement populaire inédit, réclamant "le démantèlement du système" en place depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962. Deux ans après, l'"Algérie nouvelle" promise tarde à naître. Celle de Bouteflika n’en finit pas de mourir. Les militants du Hirak n’entendent pas baisser les bras ou abandonner la lutte.
Force est de constater que cet anniversaire survient dans un climat de crispation du régime, confronté à une crise aussi bien politique, sanitaire que socio-économique. Une crise qui atteste de façon on ne peut plus clair que le président Abdelmadjid Tebboune n’a pas réussi à inverser les vapeurs et à épargner à son pays les affres d’une crise institutionnelle et d’une économie présentant des signes avancés de dysfonctionnement.
Cela fait qu’en dépit de la voie sans issue dans laquelle se trouve englué le régime et les grandes craintes des autorités, les marches du Hirak, à l'arrêt depuis mars 2020, se sont multipliées à l'approche de ce deuxième anniversaire, notamment en Kabylie (nord-est). Le 15 février, pour marquer le 2e anniversaire de la marche de Kherrata, des milliers de manifestants dont plusieurs personnalités politiques ont été de la partie, d'anciens détenus d'opinion également.
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Certaines figures emblématiques du mouvement de contestation n’ont pas mâché leurs mots, comme c’est le cas de Karim Tabbou pour lequel "l'heure de la sortie a sonné pour ce système corrompu". D’autres ont exprimé leur souhait "de construire une Algérie nouvelle: des droits humains, des libertés et l'Etat de droit". Aux appels à la démocratie s'ajoutent désormais des revendications socio-économiques dans un pays où l'économie est tributaire des hydrocarbures et qui voit ses réserves de change s’étioler.
Arrivé au pouvoir le 12 décembre 2019 avec la volonté d'incarner "la nouvelle Algérie", Abdelmadjid Tebboune est constamment la cible des défenseurs des droits humains qui dénoncent une répression systématique à l'encontre des opposants, des médias indépendants et des blogueurs.
Au ras-le-bol presque général s’ajoute un profond questionnement. Mais où va le pays? "Droit dans le mur", si le régime "ne tient pas compte des attentes de la population et de la classe politique", affirme le quotidien "Liberté".
Pour sortir de ce guêpier, le président algérien va essayer de jouer la carte des élections législatives et locales anticipées pour prouver qu’il prend les choses en main et qu’il reste fidèle à sa feuille de route.
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Le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) constate, quant à lui, que "les dirigeants qui se trouvent dans l’impasse proposent des pseudo-élections discréditées par le caractère illégitime du pouvoir en place". Frileux, le pouvoir cherche vaille que vaille à court-circuiter le retour du Hirak et torpiller toute solution politique qui sortirait le pays de ce piège.
La remise au goût du jour de la feuille de route avec pour corollaire l’organisation d’élections législatives et locales anticipées pourrait-elle faire taire la contestation et surtout cette ambition dévorante qui anime des milliers d’Algériens, pour marquer une véritable rupture avec l’ancien système? La réponse est tout simplement non, et l’avenir nous le montrera bien.