La redéfinition du «plébiscite» selon l’armée algérienne

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La revue de l’Armée algérienne considère les résultats du référendum constitutionnel comme un «plébiscite», alors qu’il s’agit de la participation la plus faible depuis l’indépendance de l’Algérie. Les journalistes galonnés d’«El Djeich» ne savent pas compter ou écrivent-ils dans une autre langue?

Le 10/11/2020 à 12h34

«Un supérieur n’a jamais tort!». C’est la règle numéro 1 que l’on vous apprend au démarrage de tout bizutage militaire. La règle numéro 2 stipule quant à elle qu'«au cas où un supérieur a tort, on se réfère toujours à la règle numéro 1, qui dit qu’un supérieur n’a jamais tort!». Evidemment, il s’agit là de directives ironiques, mais non dénuées de sens, car véhiculant cette valeur du respect de la chaîne de commandement, si nécessaire au fonctionnement de toute armée. Mais dans toutes les forces militaires de la planète, on vous apprend aussi un certain sens de la mesure, et un nécessaire devoir de réserve. Sauf, peut-être, chez nos voisins algériens. 

La couverture du dernier numéro d’«El Djeich», la revue de l'Armée nationale populaire (ANP) est d'ailleurs, la démonstration éclatante que ce média est devenu un outil de propagande politique. «Le peuple plébiscite l’amendement de la constitution», peut-on ainsi lire en Une du numéro de novembre, sur fond d’une photo du président Abdelmadjid Tebboune, rayonnant comme il ne le sera, probablement, jamais plus après sa contamination au Covid-19, qui lui aurait causé un AVC dans la foulée. Dans cet article, rédigé tel un ordre du jour militaire, l’auteur évoque pourtant bel et bien ce faible taux de participation de 23,7%, mais sans évidemment prendre le soin d’évoquer qu’il s’agit là du niveau le plus risible, encore jamais enregistré lors d’un scrutin, depuis l’avènement de l’Algérie indépendante. Bien au contraire, le journaliste galonné «d’El Djeich», auteur de cet article, est allé jusqu'à se livrer à une distorsion statistique, en considérant que les 3 millions de voix récoltées par le «oui», représenteraient, en fait, 66% des suffrages exprimés. Une entourloupe mathématique qui ne tromperait même pas le plus illettré des hommes de troupe…

Faire mention d'un «plébiscite» n’est pas anodin. Ce terme, on le retrouve dans quasiment toutes les interventions d’Abdelmadjid Tebboune, où il parlait de ce rendez-vous avec l’Histoire du 1er novembre, qui a, en fait, tourné à un vrai désaveu et à une totale humiliation. Ces correspondances du président sont d’ailleurs scrupuleusement (et intégralement) reprises dans ce numéro d’«El Djeich».

Donner une dimension politique aux écrits d’une revue militaire est une énième démonstration que la politique totalitaire et propagandiste menée par le régime algérien trouve ses racines dans l’état-major de son armée. Les hauts gradés de l'ANP n’aiment pas que leurs ordres soient discutés, quitte à verser dans l’aberration. Pourtant, en ce qui concerne la réforme constitutionnelle voulue par ce référendum qui a finalemernt tourné au cinglant revers, l’armée algérienne aurait mieux fait d’entretenir sa réputation de grande muette. Elle aurait gagné à s’abstenir... de tout commentaire.

Par Chakir Alaoui
Le 10/11/2020 à 12h34