La manœuvre du samedi 31 octobre dernier avait déjà donné la pleine mesure du désespoir du régime algérien. Toujours hospitalisé en Allemagne, pour se soigner du Covid-19, qui lui aurait en plus causé un AVC, Abdelmadjid Tebboune a adressé à son peuple un message écrit. «Nouvelle ère», «opérer le changement escompté», les promesses grandiloquentes n’ont pas manqué dans cette missive, lue par le conseiller Abdelmajid Chikhi. Une vaine tentative de convaincre les électeurs algériens de voter, pour le référendum constitutionnel du 1er novembre dernier. Mais en fait, le «rendez-vous avec l’histoire», pourtant promis par Tebboune, a tourné à un fiasco inédit.
Avec un taux de participation riquiqui, de l'ordre de 23,7%, sur un corps électoral de 24 millions d'âmes, le résultat du référendum devient donc caduc. Avec ce taux de participation, soit le plus faible à un scrutin en Algérie depuis son indépendance en 1962, c’est le désaveu du nouveau président qui l’emporte massivement. Une vraie humiliation, même pour Abdelmadjid Tebboune, qui, (mal) élu dans des conditions particulières –avec une participation de 39,8% au suffrage de décembre 2019– avait pourtant tout misé sur ce référendum, et fondé ses espoirs sur une «Algérie nouvelle» qui lui aurait permis de se refaire une légitimité.
Lire aussi : Référendum constitutionnel: les Algériens humilient Tebboune
Aujourd'hui, la désillusion est grande pour le président Tebboune, comme pour son régime: leur base sociale s'effondre. Le peuple algérien ne se laisse décidément plus gruger par ces vieilles recettes, héritées d’une autre ère. Mobilisation des médias audiovisuels à sens unique, implication directe du gouvernement par l’organisation de dizaines de meetings avec des organisations dites de la société civile... Cette fois-ci, la «clientèle» traditionnelle du régime n’a vraiment pas fait le poids devant la volonté populaire. Il faut dire que militants du Hirak s'étaient mobilisés, avec des formations politiques réunies autour du Pacte de l’alternative démocratique (PAD), pour appeler au boycott de ce scrutin, malgré des arrestations en masse d’activistes, qui avaient été préalablement orchestrées, pour (bien vainement) tenter d'étouffer cette contestation.
Ce rejet manifeste d'une feuille de route unilatéralement décidée est donc brandi comme un vrai «carton rouge» à la face de ce régime algérien, qui n'arrive pas à s’imposer. Un rejet qui illustre, faut-il le préciser encore, le divorce déjà consommé entre les dirigeants et la population. De plus, il paraît désormais difficile d'envisager que Abdelmadjid Tebboune, déjà diminué par les séquelles du Covid-19, et par un AVC dont on ne sait pas encore toute l'ampleur, s’accommoder de ce minuscule score de 3 millions de «oui», pour poursuivre ses prétendus chantiers de réforme... Alors même que la conjoncture apporte déjà son lot d’incertitudes et de défis, qui seront sans nul doute difficiles à relever, tant l'Algérie vit, en ce moment, une crise multiforme.
L'organisation, à brève échéance, d’élections locales et législatives comme l'avait prévu le programme promis par Tebboune, pourrait conduire cette nomenklatura algérienne à toucher le fond. La meilleure sortie, la plus digne, par le haut, serait donc de trouver le moyen le plus efficace d’arrêter les dégâts. De remettre les compteurs à zéro. Question de ne pas compliquer davantage une situation alambiquée. Peu probable que cela se produise, car le régime algérien a toujours fait ce choix d’aller à l’encontre de la volonté du peuple qu'il est censé diriger.