Les travaux du 19ème sommet du Mouvement des non-alignés (MNA) se sont achevés le samedi 20 janvier à Kampala, en Ouganda, sanctionnés par un document final dont un paragraphe sur la crise malienne qui a attisé la crise diplomatique que d’aucuns croyaient résolue, il y a tout juste quelques jours, entre Alger et Bamako.
En effet, lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères qui a précédé le sommet de Kampala, la délégation algérienne a tenté d’imposer, à l’insu du Mali, dans le document de déclaration finale, un paragraphe visant à réaffirmer le soutien des pays du MNA à l’Accord d’Alger de 2015, signé entre les différentes parties maliennes en conflit.
C’est d’abord le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, qui s’est vivement opposé à cette vaine tentative algérienne de s’ingérer dans les affaires maliennes, allant jusqu’à demander aux pays du MNA de ne plus faire référence à l’Accord d’Alger dans leurs documents, car cet accord a été définitivement enterré par les autorités maliennes.
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Dans une publication sur le compte X (anciennement Twitter) de l’Alliance des États du Sahel (AES, Mali, Niger et Burkina Faso), le gouvernement malien a ainsi fait état de ce clash entre Maliens et Algériens à Kampala. Il écrit que «le gouvernement malien a rejeté avec force un texte proposé par l’Algérie au sommet des non-alignés de Kampala, en Ouganda. Ce texte visait à redonner de la force à l’accord de paix d’Alger, signé en 2015 entre le gouvernement malien et les groupes armés».
Pour sa part, lors de son discours devant le sommet du MNA, le représentant personnel d’Assimi Goïta, chef du pouvoir de transition au Mali, le colonel Abdoulaye Maïga, ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, a dénoncé «une entorse grave à l’usage diplomatique» dont son pays a fait l’objet, quand l’Algérie s’est farouchement opposée à des amendements au projet de document final formulés par le ministre malien des Affaires étrangères, amendements visant à notifier aux pays du MNA que l’Accord d’Alger de 2015 est devenu caduc. Ces amendements ont été rejetés «par je ne sais qui au nom de je ne sais quoi», s’est-il plaint, estimant que «rejeter les amendements d’un État membre sur un sujet qui le concerne lui-même est un fait suffisamment grave, surtout quand un autre pays veut imposer son agenda et s’ingérer dans les affaires intérieures des États».
Abdoulaye Maïga a dénoncé, devant les chefs d’État et de gouvernement des non-alignés, et à la face de Nadir Larbaoui, Premier ministre algérien et représentant du président Abdelmadjid Tebboune au sommet de Kampala, et d’Ahmed Attaf, chef de la diplomatie algérienne, «l’ingérence de l’Algérie dans les affaires intérieures du Mali», tout en exigeant le «retrait pur et simple» de toute référence à l’Accord d’Alger de 2015 dans le projet de document final du sommet.
Réfutant les allégations d’Alger, selon lesquelles cette référence à l’accord d’Alger date du précédent sommet du MNA, le chef de la délégation malienne a rappelé que «les règles et les procédures ne peuvent pas être plus importantes que la souveraineté des États membres… Sans changement de ces règles, il y a une forte probabilité de raser la tête d’un État membre en son absence et sans son consentement, ce qui ressemble à de la sorcellerie».
Or cette sorcellerie se retourne aujourd’hui contre le sorcier, car la mort de l’Accord d’Alger, «un cheval de Troie» à travers lequel l’Algérie comptait mettre définitivement sous sa coupe les pays voisins du Sahel, est définitivement actée par le Mali et constitue un coup douloureux assené à la diplomatie algérienne.
En décembre dernier, l’Algérie a entamé cette crise ouverte avec Bamako en accueillant tout ce que le Mali compte de mouvements touaregs rebelles et d’opposants politiques. Elle a même tenté de forcer la main au pouvoir en place à Bamako pour l’impliquer dans ces prétendues rencontres inter-maliennes, en vue de lui imposer le maintien de l’Accord d’Alger qu’il ne reconnaît plus.
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Le 19 décembre 2023, Tebboune dérape en recevant à la Mouradia l’imam Mahmoud Dicko, connu pour son hostilité au gouvernement malien et sa proximité avec les rebelles touaregs du nord du Mali. S’ensuit un ballet de convocations croisées des ambassadeurs algérien à Bamako et malien à Alger, puis leur rappel pour consultations, et ce, après que le ministère malien des Affaires étrangères a dénoncé, dans un communiqué officiel, les «actes inamicaux» et «l’ingérence» algérienne dans les «affaires intérieures du Mali», sous «le couvert du processus de paix au Mali».
Adepte de la fuite en avant, et alors qu’il est englué dans un grave scandale de racisme et de haine à l’égard des Subsahariens en marge de la CAN 2023 en Côte d’Ivoire, le régime algérien tente de botter en touche suite à ce nouvel épisode dans sa crise avec le Mali.
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Dans un communiqué, publié samedi 21 janvier 2023, le ministère algérien des Affaires étrangères a qualifié de «dénuées de tout fondement», les informations relayées par le gouvernement malien sur le site de l’Alliance des États du Sahel et réfute toute initiative algérienne «se rapportant à l’Accord de paix et de réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger» lors du sommet du MNA à Kampala. Cependant, ce démenti laisse clairement entendre que l’Algérie aurait tenté de maintenir la référence à l’Accord d’Alger dans le document final adopté à Kampala. «Tout ce que le document final de Kampala comprend comme langage à propos de la crise malienne a été adopté depuis la réunion ministérielle de Bakou du Mouvement des pays non-alignés. Ce langage appartient en propre au MNA, et l’Algérie n’est intervenue à aucun moment dans sa formulation», écrit le ministère algérien des Affaires étrangères.
Le déni du régime algérien ne trompe personne, et encore moins les autorités maliennes, qui possèdent d’innombrables preuves de l’atteinte à la souveraineté du Mali par l’Algérie, qui s’apparente de plus en plus à l’État voyou du continent.